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Les rapports d'experts indépendants et les publications médicales concernant les conséquences sanitaires de l'explosion de Tchernobyl

 

Michel Fernex  -  January 2005

 

(Cet article présente les travaux des chercheurs indépendants en Biélorussie qui ont été publiés dans le "Swiss Medical Weekly" en 2003 et 2004.   Il nous permet de les placer dans leur contexte.)

 


 

 

Dans la préface au rapport de  "l'office de coordination des affaires humanitaires" (OCHA) des Nations Unies, intitulé "Tchernobyl, une catastrophe qui continue", Genève 2000, le Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, parle de 9 millions de victimes,  nombre toujours croissant et affectant les générations futures.

Les promoteurs des industries de l'atome ont jugé le message de Kofi Annan "inutilement alarmant".   Lors de l'assemblée générale de l'ONU en décembre 2000, le rapport UNSCEAR qui, comme d'habitude, minimisait les conséquences sanitaires de Tchernobyl fut entériné sans vote, et ceci en dépit du fait que les trois pays le plus concernés, la Russie, l'Ukraine et le Belarus avaient formulé une vigoureuse protestation écrite  (cf. la lettre du 12 octobre 2000 adressée au Secrétaire général des Nations Unies, par l'ambassadeur plénipotentiaire  Sergey Ling, et signée par six des professeurs de médecine les plus renommés du Belarus, paragraphe 4) :

 

"La raison principale pour laquelle l'annexe J, ’Irradiation et conséquences de l’accident de Tchernobyl' ne peut être pleinement satisfaisante pour la communauté scientifique du Belarus est que des nombreux résultats importants d'analyses réalisées au Belarus semblent être exclus de l'optique de l'UNSCEAR.

 

Ceci vaut en premier chef pour les nouvelles données scientifiques, comprenant les données épidémiologiques, obtenues ces dernières années, ainsi que les résultats de l'étude des malformations congénitales et génétique concernant l'accident de Tchernobyl …."

 

Ce document a été co-signé par :

Le professeur V.I. Ternov

Le professeur E.F. Konoplya

Le professeur V.A. Ostapenko

Le professeur Y.E. Kenigbsberg

Le professeur  A.E. Okeanov

 

Pour le docteur L.E. Holm (UNSCEAR), les conséquences radiologiques de Tchernobyl se limitent à 30 morts, quelques centaines de cas d'irradiation aiguë, et d'environ 2000 cancers de la thyroïde chez les enfants et les adolescents.  Selon le docteur Gentner représentant de l'UNSCEAR à la conférence de l'OMS de Kiev en 2001, seuls des documents "évalués par des pairs" sont recevables.   Toutefois,  ces évaluations sont fournies soit par des experts appartenant au  CEA (Commissariat pour l'énergie atomique) soit par ceux de Los Alamos, deux organismes parties prenantes dans les industries d'armement nucléaire.  (cf. le script du documentaire "Mensonges Nucléaires", Suisse, avril 2003. Film disponible auprès de Wladimir Tchertkoff à:  CH-6845 - Origlio.)   Selon les "experts" les centrales atomiques sont sans danger.  Malheureusement, la plupart de ces experts ont des liens très serrés avec le lobby de l'atome.  L'AIEA, L'Agence internationale pour l'énergie atomique, relève directement  du Conseil de sécurité des Nations Unies, c'est-à-dire le sommet de la hiérarchie de l'ONU, avec pour principal objectif statutaire « d’accroître et d’accélérer la contribution de l’énerghie atomiqueà la paix, à la santé et à la prospérité dans le monde entier ».

 

En faisant la promotion des nouvelles centrales atomiques, comme les centrales françaises EPR à eau pressurisée, les experts prétendent que ce "nouveau" modèle est dix fois plus sûr que les précédents, ce qui signifie en toute logique que les centrales actuelles sont dix fois plus dangereuses.  Même les représentants du lobby nucléaire sont obligés d'admettre que ces installations ne sont pas à l'abri d'une erreur humaine - cause véritable de la catastrophe du Tchernobyl - et ils sont conscients qu'aucune protection contre le terrorisme moderne n'existe.   Un séisme comme celui qui a eu lieu dans l'Océan Indien en décembre 2004 entraînerait la destruction de multiples centrales s’il se produisait dans la faille sismique de la vallée du Rhône.

 

Au lieu de réagir aussitôt par une tentative de masquer les conséquences de Tchernobyl, les autorités responsables auraient dû faire appel à la solidarité internationale, à l'instar de ce qui a été orchestré par les Nations Unies après la catastrophe du Tsunami.  Cela aurait évité des millions de victimes.  On aurait dû évacuer d'urgence les enfants et les femmes enceintes et distribuer des comprimés d'iode dans un rayon de 500 km du réacteur ayant subi l'explosion et en feu.  Cette mesure, proposée en  Belarus par Nesterenko et recommandée  plus tard par Baverstock dans son rapport de 1999 pour l'OMS, fut prise en Pologne sans entraîner de problèmes de tolérabilité. Cela aurait réduit non seulement les incidences de cancers de la thyroïde mais aussi d'autres maladies. Une aide financière internationale pour la réinstallation de la population aurait épargné  des millions de victimes et permis de créer des communautés saines pour les réfugiés. Cela aurait servi la démocratie et accéléré le développement pacifique des républiques nées après la Perestroïka.  Mais, hélas, l'Union Soviétique émit un décret le 28 mai, déclarant "secret d'Etat" tous les documents et rapports relatifs à Tchernobyl. A ce jour, ce décret n'a pas été formellement annulé.

 

En s'appuyant sur des études fort contestées sur les conséquences sanitaires du bombardement du Japon en 1945, le lobby nucléaire, commercial et militaire s'obstine à ne pas tenir compte des sources d'information sur les risques sanitaires de l'accumulation de radionucléides artificiels dans l'environnement. S'occuper de ce sujet peut même s'avérer dangereux pour la poursuite d'une carrière médicale, si l'on excepte les cancers infantiles de la thyroïde reconnus par l’UNSCEAR avec 5 années de retard. En effet, les calculs basés sur Hiroshima excluaient l’apparition de ces cancers dès 1990. Etudier les maladies jusqu'à présent non reconnues provoquées par l'irradiation ionisante peut être cause  de menaces, de perte de ressources pour la recherche et d'un poste hospitalier, de l'emprisonnement suivi d'une condamnation au cours d'un procès truqué, comme fut le procès du professeur Youri Bandajevsky, prisonnier de conscience, soutenu par Amnesty International et l’OSCE.

 

La censure imposée par l'AIEA de la publication des actes de la conférence de l'OMS à Genève en novembre 1995 qui traitait ce sujet, censure qui s'est renouvelée lors de la conférence OMS à Kiev sur Tchernobyl en 2001, a été bien illustrée par le film de W. Tchertkoff, "Controverses  Nucléaires", diffusé deux fois par la Télévision Suisse alémanique et italienne en 2003.

 

"International Physicians for the Prevention of Nuclear War"  (Section Suisse de l'IPPNW, prix Nobel de  la paix 1985) a tenté de fournir des informations sur les conséquences de la persistance du césium 137 sur un quart du sol de la République du Belarus, pays qui a subi les plus fortes retombées après Tchernobyl.

 

Sous les auspices de la Faculté de Médecine de Bâle, le PSR / IPPNW a organisé un symposium scientifique avec la contribution de huit médecins et experts du Belarus.   Les interventions traitaient surtout les maladies infantiles, en excluant celles des adultes ou le lobby pro-nucléaire peut faire valoir l'interférence des effets du tabac, de l'alcool ou de la radiophobie. La plupart des enfants issus des régions les plus gravement contaminées du Belarus ont, dès la maternelle, bénéficié 2 fois par jour d'une nourriture "propre" et gratuite à la cantine scolaire.  La plupart de ces enfants passent 3 semaines  par an dans un sanatorium situé dans un environnement radiologiquement propre.  Kofi Annan a fortement insisté sur la nécessité d'une attention particulière auprès des enfants:  "il se peut que le nombre exact des victimes ne soit jamais connu.  Mais trois millions d'enfants ont besoin d'un traitement physique et nous ne saurons pas avant 2016 au plus tôt, le nombre exact de ceux qui encourent les risques de maladies graves.  Avant de devenir irréversibles, les lésions radiologiques chez les enfants de Tchernobyl doivent être détectées, soignées et les rechutes prévenues."

 

 

Intervenants biélorusses à Bâle, 15 Janvier 2003 :

 

Parmi les 8 intervenants des pays les plus contaminés au symposium de Bâle, 5 ont publié leurs communications dans une revue médicale avec évaluation par comité des pairs : Swiss Medical Weekly www.smw.ch qui peut être consulté en ligne gratuitement.

 

1.      Le professeur Bandajevsky, qui avait été invité au symposium par le doyen de la Faculté de Médecine de Bâle, n'a pas pu s'y rendre car il purgeait une peine de prison dans un goulag. Son institut médical, situé dans la région la plus contaminée par les radiations de Tchernobyl, effectuait une recherche portant sur les conséquences organiques d'une ingestion chronique de radionucléides et en particulier du césium. La communication du Prof. Yuri I. Bandazhevsky a été présentée en son absence par le professeur Michel Fernex. Elle constate dans certains organes vitaux une augmentation de césium 137 par un facteur de 50. Cela signifie que la dose calculée pour un enfant d'après une charge de radiation moyenne mesurée en athropogammamètres peut-être, en ce qui concerne les glandes endocrines, le thymus, le cœur et le placenta, en deçà de la valeur réelle par un facteur de 50.

 

2.     La contribution au Swiss Medical Weekly du Professeur Wassily B. Nesterenko, chargé de la radio protection de Belarus au moment de l'explosion de Tchernobyl, n'est qu'une partie de sa présentation de Bâle qui faisait état des relevés de Cs-137 sur 150.000 enfants scolarisés, ainsi que des relevés de contamination de la chaîne alimentaire dans cette région. Cet article décrit un essai contrôlé en double aveugle avec prise de pectine de pommes versus placebo. Des argumentations, pour ou contre le traitement par pectine n'ont jamais dans le passé  été basées sur des données scientifiques de cette valeur et aussi concluantes. La différence entre les deux groupes est statistiquement hautement significative (p<0.01). Ceci constitue la preuve scientifique indispensable dont on avait besoin pour appuyer les traitements de pectine comme prophylaxie radio protectrice.  Egalement importantes sont d'autres conclusions:  A la fin du traitement, tous les enfants du "groupe pectine"  présentaient des résultats "hors risque" (moins de 15 Bq/kg/par poids corporel), tandis qu'aucun des enfants du "groupe placebo" n'avait moins de 20 Bq/kg par poids corporel,  les deux groupes ayant reçu une nourriture radiologiquement propre avec un apport de vitamines.

 

3.     L'article de la doctoresse Galina Bandazhevskaya , pédiatre et cardiologue est complémentaire de l'intervention de Nesterenko.   En premier lieu, elle confirme que les différences de Cs-137 trouvées dans trois groupes d'enfants scolarisés dans la même région et sélectionnés en fonction d'un niveau de Cs-137, soit très bas  (>5,0 Bq/kg/ par poids corporel), soit moyen (38 Bq/kg),  soit élevé (122 Bq/kg),  dépendent directement du type de nourriture  -  contaminée ou pas  -  consommée dans leurs familles. Au début du traitement les pourcentages d'enfants ayant des symptômes cardiaques, arythmies et hypertension artérielle et altérations de l’ECG, étaient proportionnels à la charge en   Cs-137.  Chez les 60 enfants qui ont été traités pendant 16 jours à la pectine de pomme, la réduction d'une  part de la charge en Cs-137 dans l'organisme et d'autre part d'anomalies au niveau de l'ECG, fut statistiquement significative.

 

3.            Le docteur Yuri Dubrova, généticien ukrainien, qui fait partie du groupe de recherche renommé de A.J. Jeffreys de Leicester, constate que le taux d'anomalies génétiques au niveau des minisatellites est proportionnel à la contamination de Cs-137 dans le sol de la région où vivent leurs parents. Il démontré ultérieurement que les taux des mutations des enfants nés avant Tchernobyl étaient plus faibles comparés à ceux de leurs frères et sœurs nés du même père dans la même région, mais qui avaient été irradiés après Tchernobyl. A Semipalatinsk où la population a été irradiée par les essaies atomiques, les taux de mutation de parents à leurs enfants et ensuite aux petits-enfants continuent à augmenter. Cette instabilité génomique persistante sur plusieurs générations a été confirmée chez les rongeurs sauvages en Belarus (dans 4 sites situés de 20 à 250 km de Tchernobyl) sur 20 générations par Rose I. Gonchovara & N.I. Ryabokon de l'Institut de Génétique et Cytologie de l'Académie de Sciences de Belarus. Les altérations génétiques vont de pair avec une augmentation de la mortalité intrautérine des fœtus.

 

Le professeur Aleksey E. Okeanov, qui était en charge du registre des cancers de Belarus créé bien avant Tchernobyl, a démontré l'incidence croissante de différents cancers, proportionnelle à l'exposition aux retombées de Tchernobyl. Cancers et leucémies sont devenus plus fréquents dans les populations les plus exposées, en particulier parmi les liquidateurs, où l'accroissement le plus significatif de tumeurs malignes dépendait de la durée de l'exposition. Elles surviennent  notablement plus fréquemment chez ceux qui ont dû travailler dans la zone des 30 Km de Tchernobyl pendant une période supérieure à un mois (Actes de la conférence de l'AIEA d'avril 1996 à Vienne)

 

Le professeur G. Lazjouk a aussi fait état d'un accroissement important des malformations congénitales chez les nouveaux-nés et particulièrement celles qui sont dues à des anomalies génétiques dans les familles qui habitent les zones à > 15 Ci de Cs-137/km carrés. Le taux de malformation était proportionnel à la radiation sauf dans le cas des réfugiés venus des territoires non contaminés, comme le Caucase, et qui s'étaient installés dans la région.  Malheureusement, le Professeur Lazjouk n'était pas en mesure de soumettre son article.

 

Nous poursuivons notre travail sur 3 interventions importantes de pédiatres biélorusses, qui furent présentées à Bâle.

 

Docteur en médecine Michel Fernex,  Professeur émérite

Faculté de médicine de Bâle,  Suisse

BP 187 CH – 4118  Rodersdorf.