Et si on parlait du négationnisme de Tchernobyl ?

 

Claude PROUST  (04. 04. 2005)

 


 

 

            Le négationnisme est communément compris comme l’attitude qui consiste à nier l’existence de l’extermination du peuple juif. Il est condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme et à l’exemple d’autres pays européens, la France l’incrimine également.

Depuis 1990, la loi Gayssot punit ceux qui prétendent démontrer l’inexistence de l’holocauste nazi sous le couvert de la recherche scientifique, en abusant de la légitimité conférée par le débat scientifique et le statut de l’histoire.

Déjà l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 énonçait que : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminées par la loi ».

En incriminant ceux qui nient le génocide des juifs, la loi Gayssot souligne que l’abus de liberté d’expression peut conduire à la diffamation et au déni de la vérité historique.

C’est également ce négationnisme que condamne la Commission Européenne des Droits de l’Homme qui estime que les écrits qui nient l’holocauste juif vont « à l’encontre de l’une des valeurs fondamentales de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, tel que l’exprime son préambule, à savoir, la Justice… » (1).

La Commission se réfère aussi à l’article 17 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui stipule qu’« aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus par la présente Convention ».

L’approche de la Commission a été ratifiée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans l’arrêt « Lebidineux et Isormi contre la France  du 23/12/1998. Cet arrêt subordonne la liberté d’expression au respect d’une morale démocratique, et ceux qui prétendent au bénéfice de cette liberté ne doivent pas l’utiliser de façon diffamatoire et en contradiction avec une vérité historique ».

Même aux Etats-Unis, où la conception absolutiste de la liberté d’expression est la mieux protégée, notamment par le 1er amendement, les restrictions à cette liberté existent également. La Cour Suprême l’a exprimé dans l’affaire Schenk v. United States par la voix du juge Holmes : « la plus rigoureuse protection de la liberté d’expression ne protègerait pas l’individu qui dirait sciemment à tort « Au feu » dans un théâtre et provoquerait une panique ».

Ainsi, aux Etats-Unis, si une opinion même dérangeante est tolérée, en revanche si un dommage est dû à l’allégation fausse d’un fait, il pourra donne lieu à réparation (2).

 

 

Cependant, si les lois et les jurisprudences nationales et internationales restent très fermes pour rejeter les idées négationnistes relatives aux crimes des nazis envers les juifs, il faut néanmoins reconnaître le caractère réducteur de ce rejet, car demeurent impunis les négateurs des massacres des Indiens, des Arméniens, des Cambodgiens, des Rwandais, des Tchétchènes et d’autres massacres de peuples oubliés, de même que les autres négateurs de l’esclavage et de la traite des Noirs.

Si l’on peut espérer que ces impunités feront un jour l’objet de lois les condamnant, il existe un négationnisme dont l’impunité risque de durer car il est inscrit au plus haut niveau de notre organisation mondiale et agit silencieusement.

Depuis que nous vivons à l’ère atomique et du génie génétique, la planète et l’homme sont devenus des laboratoires à ciel ouvert. Aussi, nous évoluons dans des sociétés à hauts risques technologiques et industriels jamais atteints. Ce qui est encore plus inquiétant est que l’on ne veut pas reconnaître la gravité de ces risques car leur prise en compte serait de nature à compromettre la course du progrès et l’espace vital économique.

Un négationnisme économico-industriel va alors tout faire pour minimiser, relativiser, et cacher ces risques et les catastrophes qu’ils génèrent. En protégeant la survie du progrès et du système économique mondial, ce négationnisme va porter atteinte à la vie de l’homme, et à toute vie sur la terre.

 

 

Le 26/4/1986, l’explosion de Tchernobyl a provoqué une contamination radioactive historique sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Ses conséquences ne commenceront à être vraiment connues que d’ici plusieurs décennies et l’on sait déjà le sort terrible de ses victimes et son impact irréversible sur l’environnement.

On ne sait pas encore quand nous pourrons commémorer Tchernobyl car la catastrophe est encore et pour longtemps devant nous. Ses effets sont inscrits dans la durée.

L’AIEA (Agence Internationale pour l’Energie Atomique), promoteur du nucléaire dans le monde, donne un bilan estimé du désastre de Tchernobyl à une trentaine de morts, environ 300 malades souffrant d’irradiation aiguë avec hospitalisations et 2000 cancers de la thyroïde chez l’enfant, faciles à prévenir (3).

A la conférence de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de Kiev du 4 au 8/6/2001, la Communauté publique internationale reprend ce bilan par la voix du représentant de l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique AIEA), M. A. GONZALES qui déclare (4) que : « Tchernobyl a causé 31 morts, … 2000 cancers évitables de la thyroïde chez l’enfant et qu’à ce jour il n’existe aucune preuve, validée internationalement de l’impact sur la santé publique qui soit attribuable à Tchernobyl par expositions - je souligne - par expositions aux radiations ».

Ce bilan officiel du drame humain de Tchernobyl met hors de lui le Président du Centre de Politique Ecologique de la Fédération Russe auprès de l’Académie des Sciences qui s’exclame : « Epouvantable, épouvantable, une présentation impudente de données non objectives…Ce qui me fait peur, c’est que cela soit dit ouvertement, que cela soit présenté comme des conclusions scientifiques ».

Oubliés les dizaines de milliers de pompiers, de militaires, de civils et d’inconnus victimes ou décédées des suites de leur intervention au sein de l’armée des 600 000 à 800 000 liquidateurs (5), qui étaient chargés de faire disparaître toutes traces des conséquences de la catastrophe, au péril de leur vie et de leur santé.

Oubliés les milliers d’enfants vivants et à naître qui vont mourir et souffrir des suite de Tchernobyl.

Oubliés les 70 000 mineurs dont la plupart sont morts en plaçant des tuyaux de refroidissement sous la dalle du réacteur pour éviter une gigantesque explosion thermonucléaire (6).

Mais M. GONZALES sait qu’il peut souligner qu’aucune preuve validée internationalement attribue à Tchernobyl un impact sur la santé publique par exposition aux radiations.

Sous l’étiquette « Absolument confidentiel », deux décisions du gouvernement soviétique ont été prises immédiatement après la catastrophe pour dissimuler les faits et surtout leurs conséquences sur la santé et l’environnement (7).

La première décision prise par le gouvernement de l’URSS met sous secret toute information consacrée à la catastrophe et en particulier à la santé de la population touchée.

La seconde provenant des Ministères de la Santé et de la Défense de l’URSS dissimule le niveau de radiation reçue par la population et par les liquidateurs.

En outre, ces deux décisions donnent comme instruction au personnel médical de ne pas indiquer le diagnostic de la « maladie des rayons » dans les dossiers personnels et de les remplacer par une autre maladie.

Ces décisions constituent l’acte de naissance du négationnisme économico-industriel de Tchernobyl qui sera repris ensuite par et pour le compte de la Communauté Internationale.

 

 

Elles n’ont pas cependant empêché que la vérité historique perce par endroit.

Ainsi, le 26/5/1987, le ministre de la Santé de l’Ukraine, M. ROMANENKO adresse une lettre strictement confidentielle portant le n°428C, sous couvert du Comité Central de l’URSS, au Ministre de la Santé de l’URSS, M.E. TCHAZOZ.

Cette lettre signale que: « Dans les régions de Kiev, Jitomir et Tchermigov…sur une année, 20 200 personnes ont été hospitalisées dont 6000 enfants. Dans les premiers mois suivant l’accident, un examen dosimétrique de la glande thyroïde fut effectué chez tous les enfants. On a constaté que 2600 enfants recelaient plus de 500 rems de radioactivité d’iode ».

Le Secrétaire Général de l’ONU, M. KOFI ANNAN, parle de 9 millions de victimes à Tchernobyl et écrit en 2000, dans une publication de bureau des Nations Unies pour les Affaires Humanitaires que « les victimes vivent en Biélorussie, Ukraine et Fédération de Russie. Leur nombre exact ne sera peut-être jamais connu. Cependant, 3 millions d’enfants ont besoin de traitements publics et ce n’est pas avant 2016 au plus tôt (la période du cesium 137 – radionucléide responsable de cancers chez les enfants – est de 30 ans) qu’on saura le nombre véritable de ceux qui développeront probablement des maladies. Leur vie qui approche rapidement a bien des chances d’être assombrie, comme l’a été leur enfance. Nombreux sont ceux qui mourront prématurément ».

Ces tristes réalités n’empêchent pas la répétition du mensonge officiel sur Tchernobyl établi sur la base de documents falsifiés volontairement par les responsables de l’exploitation de Tchernobyl repris par les tenants du lobby nucléaire mondial et officialisé par l’AIEA et l’OMS.

 

 

Cette volonté dans la falsification des faits et la suppression des preuves est aussi un trait caractéristique du négationnisme de l’holocauste qui a commencé par un détournement officiel de la vérité par suppression des preuves. Puis la falsification est devenue habitude puis réalité officielle et enfin négation de l’histoire.

La force des négationnistes passe par une manipulation des preuves qui vient doubler le préjudice aux victimes en les tuant deux fois.

Primo Levi dans son ouvrage « Les naufragés et les rescapés » rapporte les propos d’un SS à des prisonniers : « Nous détruirons les preuves en vous détruisant…les gens diront que les faits que vous racontez sont trop monstrueux pour être crus » (8).

Le discours négationniste sur la Shoah tient pour non prouvée une réalité historique attestée par les survivants en tentant de se faire passer pour un discours d’historien soucieux de rigueur scientifique.

Le discours négationniste sur Tchernobyl tient également pour non prouvée une réalité historique et scientifique, mais il est en plus légitimé par la Communauté internationale avec en tête l’OMS et l’AIEA qui vont continuer à faire passer des mensonges pour des réalités officielles.

La nature publique du négationnisme de Tchernobyl est une arme redoutable car il s’agit d’un négationnisme universellement reconnu comme la vérité officielle par les instances publiques internationales et les opposants à ce mensonge ont la lourde tâche de faire la preuve de ce mensonge international qui met l’humanité en danger.

 

Pensée, élaborée, imposée et véhiculée au plus haut niveau institutionnel, la négation sur la réalité et les effets de la catastrophe de Tchernobyl constitue la seule et unique référence officielle qui va permettre de reléguer toutes autres analyses et informations au rang de mensonges infondés.

Il est également la référence qui permet à certains de conclure que l’on peut prendre le risque d’une autre catastrophe. Il légitime enfin une vérité scientifique qui va permettre de nier la vérité historique et laisser sans soin des populations qui meurent et vont mourir.

Ainsi, les professeurs Vassili Nesterenko et Youri Bandajevsky passent pour des menteurs et des marchands de peur alors qu’ils oeuvrent pour la santé de l’humanité au risque de leur vie.

Vassili Nesterenko a fondé l’Institut de radioprotection indépendant « Belrad » qui est au service des populations contaminées. Cet Institut privé mesure le taux d’accumulation des radionucléîdes chez les enfants et met au point des techniques de prévention et de décontamination de l’organisme humain, notamment par l’administration de pectine. La création de cet Institut et les activités sanitaires de Vassili Nesterenko lui ont valu le limogeage de son poste de directeur de l’Institut de l’énergie nucléaire de Biélorussie,  plusieurs attentats et menaces sur sa personne et autres tentatives d’intimidation.

Youri Bandajevsky était recteur de l’Institut de médecine de Gomel en Biélorussie, à 120 kms de Tchernobyl quand il a établi un rapport entre l’incorporation de cesium 137 à partir de la nourriture et des symptômes anormaux chez les enfants. Il a mis aussi l’accent sur le danger des faibles doses responsables d’une contamination interne, différente de la contamination externe au moment d’une catastrophe nucléaire. Ces révélations ont valu l’emprisonnement et la torture à Youri Bandajevsky. Faussement accusé de terrorisme et de corruption, il a été condamné à 8 ans de prison à régime sévère. Ses tortionnaires n’ont pas encore cassé l’humanité qui l’anime quand il proclame du fond de sa prison, dans son appel aux scientifiques réunis à l’Assemblée nationale de Paris le 28/03/2004 que « la vérité doit être entendue. Selon moi, là est la tâche principale des hommes qui ne sont pas indifférents au destin de l’humanité toute entière ».

 

 

Pourquoi les tenants du nucléaire refusent de publier les travaux de Youri Bandajevsky? Pourquoi une telle volonté de cacher la vérité ? Pourquoi priver les enfants contaminés et les générations futures des soins qui leur permettrait de mieux vivre et de survivre ? Pourquoi refuser la reconnaissance à ces liquidateurs dont l’héroïsme a permis d’empêcher une explosion thermonucléaire qui aurait augmenté le nombre des victimes en Europe et ailleurs? Pourquoi continuer à laisser mourir des gens sur des terrains contaminés alors que les moyens de les sauver existent ? Pourquoi se priver de l’étude d’une catastrophe qui pourrait en éviter une autre ? Pourquoi en arriver à une telle inhumanité ? Pourquoi cette volonté de liquider les conséquences de Tchernobyl ?

 

 

Dans nos sociétés, toute personne victime d’un dommage a droit à la réparation de ce dommage.

La responsabilité civile de l’auteur de ce dommage permet de rendre ce droit effectif à condition que la victime fasse la preuve du fait générateur du dommage et établisse un lien de causalité entre ce fait générateur et le dommage.

Or, en matière d’exploitation d’installation nucléaire, ce droit à réparation est plafonné financièrement et en cas d’accident exceptionnel comme celui de Tchernobyl, la garantie des Etats est sollicitée. Comme les sommes en jeu, même plafonnées, compromettent la survie du système économique libéral largement dépendant de l’industrie nucléaire, les seules lois du marché ne vont laisser aux tenants du nucléaire qu’un seul choix, celui de relativiser l’importance de la catastrophe et tout faire pour empêcher d’établir des relations de cause à effet entre elle et les dommages qu’elle a produit, continue de produire et produira dans l’avenir.

Par ailleurs, on peut comprendre que ce n’est pas l’esprit philanthropique des compagnies d’assurances qui va les inciter à garantir la couverture de la responsabilité civile d’un exploitant de centrales nucléaires en cas d’accident exceptionnel.

Ces exploitants de centrales nucléaires étant pratiquement leur propre assureur, la nature et l’importance des dommages connus et inconnus, présents et futurs qui résultent d’une catastrophe nucléaire vont les inciter à tout faire pour minimiser et même nier l’ampleur de la catastrophe.

C’est la raison pour laquelle l’exploitant soviétique de Tchernobyl a caché la réalité de la catastrophe. C’est également pour cette raison que le lobby nucléaire mondial a tout fait pour que cette catastrophe à valeur d’exemple ne soit pas à l’origine d’une jurisprudence préjudiciable à ses intérêts.

Les victimes vont se retrouver dépourvues de tout recours, d’autant que sont généralement exclus des contrats d’assurances pour particuliers les dommages résultant des sinistres provenant de toute source de rayonnement et de tout combustible nucléaire, produit ou déchet radioactif.

Les raisons du négationnisme de Tchernobyl sont donc principalement économiques et financières.

Le négationnisme de Tchernobyl illustre de façon dramatique les dérives intolérables et les sommets d’inhumanité que peut atteindre le système néolibéral dans sa préservation de sa raison d’être, le profit, exclusif de tout autre objectif, même le souci de l’humain.

Comme l’écrit Bruno de Seze de la CRIIRAD (9) : « Il est absolument vital pour le lobby nucléaire mondial de s’assurer une mainmise absolue sur tout ce qui touche Tchernobyl et ses conséquences. Des moyens considérables sont mis en œuvre en Ukraine et en Bélarus pour s’approprier les données médicales et en maîtriser la diffusion. Des actions humanitaires sont menées pour faire de la communication, mais aussi pour faire admettre l’idée qu’un accident nucléaire est tout à fait acceptable pour l’humanité. Tout est fait, en parallèle, pour éviter la divulgation d’informations contradictoires incontrôlées, qui pourraient semer le trouble dans les esprits, et réduire à néant non seulement tous les efforts menés, mais aussi peut être l’ensemble de l’industrie nucléaire ».

 

 

Comment un tel négationnisme peut-il devenir raison d’état internationale ? Comment la vérité officielle peut-elle être aussi mensongère ? Comment a t’on pu en arriver à une telle situation de mensonge?

En fait, de telles dérives sont permises et légitimées par une organisation particulièrement bien adaptée au plan international. Des montages juridiques internationaux ont été pensés et conçus pour permettre ces dérives. Comme nous allons le constater, l’exemple des accords passés entre l’OMS et l’AIEA le prouve.

 

En 1956, l’OMS était encore indépendante lorsqu’elle a averti le monde médical des dangers qu’engendrait l’augmentation de la radioactivité artificielle suite au développement du nucléaire militaire, civil et commercial (10). Elle tient actuellement un discours différent en niant la réalité de Tchernobyl.

L’OMS a commencé à perdre son indépendance dans le domaine du nucléaire dès la création de l’AIEA en 1958.

On peut lire dans les statuts de l’AIEA que son objet est  d’« accélérer et d’accroître la contribution de l’énergie atomique pour la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier ». On notera que la référence à la santé dans ses statuts va déjà sérieusement compromettre la liberté d’action de l’OMS dont le seul objectif est d’« amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible ». On notera également qu’à la différence de l’AIEA qui doit se préoccuper de la santé dans le monde, l’OMS n’a pas à s’intéresser aux problèmes nucléaires.

Enfin, selon l’AIEA, l’énergie atomique est un moteur de paix et de prospérité.

L’indépendance de l’OMS en matière nucléaire a ensuite été définitivement compromise après la signature de l’Accord OMS/AIEA du 28/5/1959 lors de la 12ème Assemblée Mondiale de la Santé. Cet accord vise à éviter que les informations sur le nucléaire ne débouchent sur des résultats qui gêneraient la promotion de l’industrie nucléaire dans le monde. Ainsi, l’article 1 alinéa 3 de cet accord stipule que : « Chaque fois qu’une des parties se propose d’entreprendre un programme ou une activité dans un domaine qui présente ou peut présenter un intérêt moyen pour l’autre partie, la première consulte la seconde en vue de régler la question d’un commun accord ».

Cet accord précise aussi que « l’AIEA et l’OMS reconnaissent qu’elles peuvent être appelées à prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de renseignements qui leur auront été fournis ».

Sachant que l’AIEA dépend du Conseil de Sécurité de l’ONU qui est en position dominante par rapport au Conseil Economique et Social de l’ONU dont dépend l’OMS, on comprendra que le domaine de la santé dans le domaine du nucléaire est passé juridiquement et politiquement de l’OMS à l’AIEA.

 

 

On aura compris que sous la pression des nécessités économiques, l’organisation de notre système mondial en matière de risques nucléaires est conçue pour fabriquer des mensonges dans le plus grand cynisme. La situation actuelle est telle qu’il est politiquement, scientifiquement, économiquement et historiquement incorrect d’incriminer le négationnisme économico-industriel de Tchernobyl.

La situation est grave car nous nous habituons à un mensonge qui conduit à obliger les victimes encore vivantes de Tchernobyl à s’habituer à leur malheur et à faire leur affaire de la contamination.

La seule logique financière et industrielle conduit non seulement à la négation de l’Histoire, mais également à celle de l’Homme.

Le mensonge officiel sur Tchernobyl est intolérable.

C’est un mensonge qui tue et tuera des vies d’enfants et d’adultes dans la plus grande impunité pour les seules nécessités du marché nucléaire.

Il constitue une atteinte à l’intégrité physique de la personne et de l’espèce humaine et une atteinte durable et irréversible à tous les règnes du vivant.

Ces graves atteintes sont également des actes diffamatoires envers la mémoire et le courage des victimes disparues et des délits de tromperie et de falsification volontaire. Elles sont en complète contradiction avec les principes de dignité, de responsabilité et de précaution que leurs auteurs se doivent de respecter vu leur niveau de pouvoir et la gravité de la situation.

Il est encore temps de réveiller les sociétés civiles et les institutions réellement responsables pour condamner ce mensonge susceptible d’être qualifié, au moins dans son sens symbolique et compte tenu du comportement irresponsable et inique de ses auteurs, de crime contre l’humanité.

Quand la préservation du marché du nucléaire nie celle de l’humanité, il y a urgence à réagir.

Et l’article 17 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme pourrait servir de levier pour une action contre la partie de la Communauté Internationale négationniste déjà présente au Conseil de l’Europe, quand il proclame qu’« aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus par la présente Convention ».

 

 

 

claudeproust@wanadoo.fr

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

NOTES

 

 

 

(1) : Décisions de 6/9/1995 – Oho EFA Remer contre Allemagne DR 82 page 117, et 14/6/1996 – Pierre Marais contre France DR 86 (page 184)

 

(2) : Arrêt Hustler Magazine v Falwell – 485 – US 46 (1988) – Cité par Robert C. Post « The Constitutionnal Concept of Public Discourse : Outrageous opinion, democratic deliberation and Hustler Magazyne v Falwell » in Constitutionnal Domains – Harward University Press 1995 (page 126)

 

(3) : OMS – Les conséquences de Tchernobyl et d’autres accidents radiologiques sur la santé – WHO/EHG/95II – Genève 20/23 novembre 1995 (page 89)

 

(4) : Cité par Maryvonne David Jougneau dans l’ouvrage collectif « Les Silences de Tchernobyl », « L’avenir contaminé » - Editions Autrement – Collection Mutations n°10 2004 (page 106)

 

(5) : Communication OMS / 32 du 23/4/1992 (page 62 de l’ouvrage « Les Silences de Tchernobyl » déjà cité)

 

(6) : Extrait du point 5 du document confidentiel « Protocole n°10 » du 10/5/1986 intitulé « Compte rendu de la réunion du groupe stratégique du bureau politique du Comité central du Parti Communiste Soviétique chargé des questions relatives à la liquidation des conséquences de l’accident de Tchernobyl ».

        Page 40 de l’ouvrage « Les silences de Tchernobyl » déjà cité

 

(7) : Cité par Alla Yarochinskaga dans son témoignage « Absolument confidentiel » : Les Autorités Soviétiques face à la catastrophe, publié dans l’ouvrage « les silences de Tchernobyl », déjà cité (page 27)

 

(8) : Primo Levi – « Les naufragés et les rescapés » - traduction André Mangé – Gallimard 1989 (page 11) – Cité par Giorgio Agamben – « Ce qui reste d’Auschwitz » – traduction Pierre Alfen – Bibliothèque Rivages – 1999 (page 206)

 

(9) : Extrait du n°22 du journal « Trait d’Union » de la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la RADioactivité)

 

(10) : Rapport OMS sur « Les effets génétiques des radiations chez l’homme » - Rapport réalisé par un groupe de personnalités réunies par l’OMS, dont les scientifiques H.J. Muller-Prix Nobel de Génétique -J. Lejeune et R.M. Sievert