En mémoire des victimes de la catastrophe de Tchernobyl
(qui a eu lieu il y a 19
ans),
participez à la semaine
d’initiatives « Sortir du nucléaire »,
du 23 au 30 avril 2005 (et un peu
avant ou après).
Toutes ces
initiatives sont présentées sur : www.sortirdunucleaire.org
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Cette année, l'action-phare
pour la commémoration de Tchernobyl aura lieu à Nantes le samedi 23 avril à 14
heures. Il s’agit d’un formidable défi : rassembler 10 000 personnes qui
composeront une fresque géante pour écrire en lettres humaines :
"LE NUCLEAIRE TUE L'AVENIR, SORTONS-EN !"
Vous êtes bien sûr invités à vous y joindre. Pour y participer et avoir plus
d’infos : sdnredon@free.fr
Mais, pour ceux qui resteront dans leurs régions, nous proposons une action
simple et souple à réaliser : un dépôt de fleurs devant votre mairie (ou un
autre lieu symbolique). Dans ce cas, nous vous fournirons un communiqué de
presse type et un modèle de tract.
Bien sûr, au delà de ce dépôt de fleurs, vous avez toute la liberté d’organiser
un tout autre événement. Le Réseau « Sortir du nucléaire » entend servir de
caisse de résonance à vos initiatives quel que soit l’endroit où elles ont lieu
en France et aussi diverses et originales soient-elles (débat, projection d’un
film, performance artistique, sportive, visite d’un site d’énergies
renouvelables…) Même si votre initiative a lieu un peu avant ou après cette
semaine (en mai 2005), n’hésitez pas à nous en faire part également.
Prière de nous faire savoir ce que vous organisez chez vous AVANT LE 15 AVRIL
2005.
Coordination de cette semaine d’initiatives : André Larivière :
andre.lariviere@sortirdunucleaire.fr
Liberation - mardi 08 mars 2005 - Moscou - Lorraine Millot
L'oubli pour
les irradiés de Tchernobyl
Une réforme accentue
le dénuement de ceux qui avaient participé au nettoyage du site.
«Lui est mort il
y a deux ans, lui vient juste de mourir, lui a eu une hémorragie cérébrale...»
Dans le petit local de l'Union des Tchernobyl de Moscou, entre malades et
cafards qui trottent sur les murs, l'ambiance est un peu plus morbide de mois en
mois. Viatcheslav Kitaïev, président de l'association moscovite des
«liquidateurs» de Tchernobyl, envoyés nettoyer les abords de la centrale
nucléaire après l'explosion le 26 avril 1986 du réacteur numéro 4, montre les
photos de ses amis, décédés dernièrement. Au total, quelque 600 000 «héros» de
l'Union soviétique, soldats et civils, furent envoyés à Tchernobyl dans les mois
et les années qui suivirent l'explosion du réacteur. La moitié d'entre eux
seraient aujourd'hui gravement malades ou déjà morts, selon les estimations de
l'Union russe des liquidateurs. «Et la moitié de ceux qui sont encore vivants
sont aujourd'hui en procès pour toucher les indemnités qui leur sont dues ! Ça
vous paraît normal ?» s'insurge Viatcheslav Kitaïev. Autour de lui, une
rangée d'hommes, visage rouge et mains tremblantes, murmurent : «On nous a
volé notre vie (...). Et maintenant, on nous cambriole.»
Une récente «réforme des avantages sociaux» entrée en vigueur en Russie
le 1er janvier vient de priver les liquidateurs de Tchernobyl de toute une série
d'avantages en nature (réduction de charges communales et de frais de transport,
séjours annuels en sanatorium...). Quelques dizaines d'anciens liquidateurs,
souvent déjà gravement malades, ont fait plusieurs semaines de grève de la faim
dans plusieurs villes de Russie. Plusieurs manifestations ont rassemblé quelques
centaines de liquidateurs. La plupart, trop faibles ou trop habitués à être
oubliés, sont restés chez eux, où ils se laissent mourir dans des douleurs
souvent atroces. «Il n'y a pas de maladie Tchernobyl proprement dite,
assure le docteur Elena Chirokova, responsable d'un institut spécialisé dans
l'accueil des liquidateurs, à Moscou. Simplement, avec l'âge, ils développent
quantité de maladies très diverses, cardio-vasculaires, digestives, nerveuses.»
Même dans ce centre moscovite, les médecins avouent n'avoir pas toujours assez
de médicaments pour soulager leurs patients. «Souvent les financements
manquent, laissent-ils entendre à mi-mots. Et pourtant, c'étaient nos
héros, qui ont sacrifié leur vie pour nous sauver de dégâts encore plus grands.»
Pavel Markine 41 ans : «Nous étions des héros»
«J'ai été envoyé en juillet 1986 à Tchernobyl. Arrivé sur place, j'ai appris qu'il était interdit d'envoyer ceux qui n'avaient pas encore d'enfant, mais je suis resté car il fallait bien tout de même faire ce travail, nous étions des héros ! On enlevait la terre contaminée, à 300 mètres du quatrième réacteur : on faisait ça deux à cinq minutes par jour, la règle étant de ne pas recevoir plus de 1,5 röntgen [rayons X, ndlr] par jour. Mais les temps de trajet jusqu'à la centrale n'étaient pas comptés. Autour de nous, la forêt était de couleur orange, il y avait des arbres avec des fruits énormes et des chiens à moitié chauves. Je portais un dosimètre, mais il ne marchait pas tout le temps. Officiellement, ils ont noté que j'avais reçu 21,13 röntgens, mais je suis sûr d'en avoir reçu beaucoup plus. J'ai commencé à me sentir mal à partir de 1989. J'ai d'affreuses douleurs à la tête, les médecins parlent d'encéphalopathie, de gastrites, j'ai les vaisseaux sanguins qui rétrécissent. Le médecin me conseille de temps en temps de faire une pause dans la prise de médicaments et de faire passer les douleurs à la vodka. De toute façon, les médicaments que nous recevons gratuitement sont les moins efficaces. Ceux qui me soulagent vraiment, je dois les acheter moi-même : 1 000 roubles environ tous les mois [28 euros]. Je touche 1 700 roubles [47 euros] de pension d'invalidité et 1 200 roubles [33 euros] d'indemnités par mois. D'après la loi, je devrais toucher 14 000 roubles [390 euros]. Je suis en procès pour un total de 380 000 roubles [10 555 euros] que l'Etat me doit depuis 1996. Avec la réforme entrée en vigueur en janvier, ils nous ont supprimé toute une série d'avantages... L'Etat russe se fout de nous, il nous crache dessus.»
Appel pour un hommage aux liquidateurs de Tchernobyl
L’accident de Tchernobyl
nous a toujours été présenté comme la conséquence d’une technologie obsolète
dans un pays dont le système politique était en décomposition. Cette
présentation a nourri et nourrit encore, dans les populations occidentales, le
sentiment que s’est produit là-bas ce qui devait logiquement se produire. Elle a
nourri aussi le sentiment que pareil malheur ne risque pas de nous arriver à
nous puisque nous vivons dans un monde différent.
Il est avéré que l’explosion a été causée non pas par une défaillance
technologique mais par une manœuvre improvisée du directeur de la centrale qui
voulait tenter une expérience. L’autorisation de cette manœuvre lui avait été
refusée par ses supérieurs hiérarchiques.
Deuxième idée que s’acharnent à perpétrer l’Agence Internationale pour
l’Energie Atomique et l’OMS (qui lui est subordonnée depuis l’accord de 1959
) : l’accident de Tchernobyl n’a tué que 32 personnes.
La désinformation n’a pas épargné celles et ceux qui n’accordent aucun
crédit au nucléaire et qui le combattent. L’action déterminante des personnes
appelées « liquidateurs » constitue un exemple de négation de l’histoire.
Selon le Professeur Nesterenko ( membre-correspondant de l’Académie des sciences
du Belarus, docteur ès sciences techniques, liquidateur des conséquences de
l’accident ) une deuxième et terrible explosion a été évitée grâce à
l’intervention et au sacrifice de plusieurs dizaines de milliers de
liquidateurs. Nous publions ici quelques extraits d’une lettre que le
Professeur Nesterenko nous a adressé le 15 janvier 2005 :
(…) Les 28-29 avril 1986, les collaborateurs du département de la physique
des réacteurs de l’Institut de l’énergie atomique de l’Académie des sciences de
Biélorussie ont fait des calculs qui montrèrent que 1300-1400 kg du mélange
uranium+graphite+eau constituaient une masse critique et une explosion atomique
d’une puissance de 3 à 5 Mégatonnes pouvait se produire (c’est une puissance 50
à 80 fois supérieure à la puissance de l’explosion d’Hiroshima). Une
explosion d’une telle puissance pouvait provoquer des radiolésions massives des
habitants dans un espace de 300-320 km de rayon (englobant la ville de Minsk) et
toute l’Europe pouvait se trouver victime d’une forte contamination radioactive
rendant la vie normale impossible. (…) Il y a une chose que je sais pour sûr :
des milliers de wagons de chemin de fer avaient été réunis autour de Minsk,
Gomel, Moguilev et les autres villes se trouvant dans un rayon de 300-350 km de
la centrale de Tchernobyl pour l’évacuation de la population si une telle
nécessité se présentait.
On s’attendait à ce que l’explosion puisse avoir lieu les 8
ou 9 mai 1986. C’est pourquoi toutes les mesures possibles furent prises pour
éteindre avant cette date le graphite qui brûlait dans le réacteur. On amena
d’urgence à Tchernobyl des dizaines de milliers de mineurs des mines des
environs de Moscou et du Donbass pour qu’ils creusent un tunnel sous le
réacteur et installent un serpentin de refroidissement pour refroidir la dalle
de béton du réacteur et exclure toute possibilité de formation de fentes dans
cette plaque. Les mineurs durent travailler dans des conditions infernales
(haute température et haut niveau de radiation) pour sauver la plaque de béton
de la ruine. Il est impossible de surestimer ce que ces hommes pleins
d’abnégation ont fait pour prévenir une éventuelle explosion nucléaire. La
plupart de ces jeunes gens sont devenus invalides, nombre d’entre eux sont morts
à l’âge de 30-40 ans.
Il est évident que la situation radiologique dans le
réacteur était terrifiante.(…) On sait que le 7 mai 1986, l’incendie qui faisait
rage dans le bloc 4 de la centrale atomique de Tchernobyl fut éteint.
L’exploit des centaines de milliers de jeunes gens - pompiers, soldats, mineurs
– « liquidateurs » de ce terrible accident, ne connaît pas son pareil.
Selon l’estimation des physiciens, il y avait dans le
réacteur de la centrale de Tchernobyl près de 400 kg de plutonium. On estime
que près de 100 kg de plutonium ont été rejetés dans l’environnement au moment
de l’incendie ( 1 microgramme de plutonium est une dose mortelle pour un homme
pesant 70 kg).
Mon opinion est que nous avons frisé à Tchernobyl une
explosion nucléaire. Si elle avait eu lieu, l’Europe serait devenue inhabitable.
Une idée dangereusement fausse fait son chemin en Occident
: du moment que les réacteurs de la centrale de Tchernobyl sont arrêtés, il
paraît qu’il n’y a plus de risque d’explosion atomique. Or tant que le
combustible nucléaire se trouve à l’intérieur du réacteur en ruines, il présente
un danger non seulement pour l’Ukraine, la Biélorussie et la Russie mais pour
les populations de l’Europe entière.
Les peuples d’Europe devraient selon moi être infiniment
reconnaissants aux centaines de milliers de liquidateurs qui au prix de leur vie
sauvèrent l’Europe d’un malheur atomique gravissime.
Selon la déclaration faite en 1996 par la direction de
l’association « Union de Tchernobyl », plus de 20 mille hommes de 30 à 40 ans
qui avaient participé à la liquidation des conséquences de Tchernobyl étaient
morts à cette date.(…)
Le Professeur Nesterenko.
Une chape de silence pèse encore sur cet épisode majeur de notre histoire.
Nous invitons tous les citoyens à rendre hommage à tous ces hommes. C’est grâce
à leur sacrifice que nous n’avons pas connu le cauchemar.
Déposons, à leur intention, des fleurs devant nos Mairies entre le 23
et le 30 avril.
Notre geste sera aussi dédié au Pr. Youri Bandajevsky, condamné à 8 ans
de prison après qu’il eut révélé l’état de santé désastreux de ces centaines
de milliers d’enfants biélorusses et ukrainiens, et dédié à toutes les victimes,
enfants particulièrement, qui, partout dans le monde, souffrent et meurent de la
pollution nucléaire.
Le Réseau Sortir du Nucléaire