NESTERENKO ET L'INSTITUT BELRAD

 

Historique  par Wladimir TCHERTKOFF

 

Mai 2003


Vassili NESTERENKO. - Face à l'inaction et aux mensonges du gouvernement Soviétique sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, qu'il a contestés dès les premières heures en réclamant l'évacuation immédiate des habitants dans un rayon de 100 kilomètres de la centrale au lieu de 30 kilomètres, le physicien Professeur Vassili Nesterenko, académicien, directeur de l'Institut de l'énergie atomique de l'Académie des sciences du Bélarus, limogé de son poste en juillet 1987 comme alarmiste et semeur de panique, quitte définitivement cet institut d'état en 1990 et crée avec le soutien de Andreï Sakharov l'Institut de radioprotection indépendant "Belrad", pour venir en aide aux enfants des territoires touchés par les retombées radioactives. Dans les villages les plus contaminés du Belarus il organise 370 Centres locaux de contrôle radiologique (CLCR), où il forme les médecins, les enseignants, les infirmières à la radioprotection et les familles à la façon de traiter les aliments pour diminuer la contamination. Financés d'abord par le Comité Tchernobyl (Comtchernobyl) du gouvernement, pendant la brève période de "démocratisation", les CLCR sont réduits au nombre de 68, suite à la reprise en mains de la situation par le lobby atomique (AIEA, OMS et leurs correspondants de référence au Ministère de la santé de Minsk).

En 1996, Nesterenko adopte avec succès l'additif alimentaire à base de pectine de pommes, recommandé par le Ministère de la santé ukrainien comme adsorbant du césium 137 (Cs137). En un mois de traitement la charge en radionucléides de l'organisme de l'enfant peut baisser de 60-70%.

Youri BANDAJEVSKY. - En 1994, Nesterenko fait la connaissance du recteur de l'Institut de médecine de Gomel, anatomo-pathologiste et médecin Youri Bandajevsky, qui effectue depuis 1991 des recherches sur l'étiologie des pathologies nouvelles chez les habitants des territoires contaminés. Avec sa femme Galina, pédiatre et cardiologue, Bandajevsky découvre que la fréquence et la gravité des altérations morphologiques et fonctionnelles du coeur augmentent proportionnellement à la quantité de césium radioactif incorporé dans l'organisme. Il décrit la "cardiomyopathie du césium" : troubles cardiaques chez le petit enfant, chez l'adolescent et l'adulte, avec atteinte dégénérative du myocarde. La mort subite survient à tous les âges, même chez l'enfant. Bandajevsky et son équipe de collaborateurs décrivent des "processus pathologiques interdépendants tant au niveau du coeur, du foie, des reins, des organes endocriniens, que du système immunitaire." Toutes ces lésions proviennent d'un processus pathologique semblable, que ces chercheurs appellent "syndrome des radionucléides de longue période incorporés". C'est le résultat d'une investigation rigoureuse de l'état de santé de milliers d'adultes et d'enfants, effectuée par toutes les unités de recherche de l'institut. Pendant 9 ans, 25 chaires travaillent sur la même thématique suivant trois directions de recherche : clinique, expérimentale sur animaux de laboratoire et anatomopathologique. L'Institut de Gomel a 200 enseignants, 300 employés auxiliaires et 1500 étudiants.

A partir de 1996, l'Institut "Belrad" et l'Institut de Gomel travaillent en parallèle. Nesterenko sillonne les villages et concentre ses mesures sur la contamination interne de l'organisme par le césium137 au moyen de spectromètres pour rayonnement humain fournis par des ONG occidentales. Pour l'étude histologique de l'action du Césium sur les tissus il fournit aux chercheurs de Gomel des gamma­radiomètres automatiques de sa fabrication, qui leur permettent de mesurer à l'autopsie le taux de Cs137 par kg de l'organe étudié. Les deux instituts montrent qu'avec un régime alimentaire pauvre en Cs137 chez l'enfant et l'animal de laboratoire, on peut éviter des dommages irréversibles au niveau des organes vitaux. Des voies de recherche totalement nouvelles pour la science sont ouvertes.