ANNEXE 7

Textes des expertises et lettres citées à la p. 292 du livre

 

L'expertise du Professeur Fernex

 

 

Dr. Michel Fernex

Professeur émérite de médecine interne à la Faculté de médecine de l'université de Bâle pour la médecine tropicale

Adresse privée : Case postale 167, CH-4118 Rodersdorf, Suisse.


 

                                                                                                                                      À Monsieur le Vice-Ministre B.S. Barengolz.
                                                                                                                                      Ministère des Situations d’Urgence
                                                                                                                                      de la République de Belarus.
                                                                                                                                      Ul. Revoliuzionnaia, 5, 220050 Minsk-50.


                                                                                                                                      
Biederthal, le 23 mai 2000


                                                                                         Monsieur le Vice-Ministre,

Vous m'avez adressé une demande d'expertise concernant les projets de l'Institut de protection des radiations "Belrad" consacré au "Monitoring des radiations au moyen de spectromètre pour le rayonnement humain (SRH) des enfants des régions de Belarus contaminées par les retombées radioactives de Tchernobyl, ainsi que leur protection contre la radioactivité avec des produits à base de pectine". Vous me demandez si la production de tels additifs alimentaires à base de pectine est justifiée dans votre pays.

Je connais les travaux et les mesures réalisés par le Professent Nesterenko depuis 1993. Il s'agit d'un scientifique de premier plan, très rigoureux dans ses études, très dévoué à l'amélioration de la qualité de vie des victimes de Tchernobyl. Ses travaux, qui sont ceux d'un physicien, spécialiste des mesures de la radioactivité et de protection contre les rayonnements ionisants, jouissent d'une haute réputation, que j'estime être très méritée, dans les milieux scientifiques occidentaux. Je n'ai jamais considéré ces travaux comme étant du domaine de la médecine, en revanche ils sont essentiels pour éclairer les démarches ultérieures des autorités et des médecins.

Je me permets de soumettre l'avis ci-joint à votre Haute Bienveillance

Espérant avoir répondu à vos questions, je vous prie de croire, Monsieur le Vice-Ministre, à ma très haute considération,


Professeur Michel Fernex


Docteur en médecine, licencié en Biologie de l'université de Genève
Ancien membre de Comités directeurs de TDR à l'Organisation Mondiale de la Santé à Genève, pour la malaria et les filarioses
Vice-Directeur de la recherche clinique, pour le développement de médicaments anti-infectieux et contre les maladies tropicales à la firme ROCHE (Hoffmann - La Roche & compagnie, Grenzacherstrasse 144, CH-4002 Bâle, Suisse)

 

Introduction

L'explosion du réacteur de Tchernobyl a entraîné une contamination radioactive d'une grande partie de l'hémisphère nord. Le pays qui a subi le plus de retombées est la Biélorussie, avec deux fois plus de radioactivité déposée sur ce pays qu¹en Ukraine et en Russie du sud-ouest réunis.

Au début la radioactivité ambiante a entraîné une irradiation externe importante. Les radio- nucléides aussi ont pénétré dans l'organisme par inhalation de gaz ou de très fines particules de poussières radioactives, pour atteindre les poumons. Progressivement la consommation de boissons et produits alimentaires contaminés est devenue la principale source de la contamination de l'organisme des populations.


L'état des lieux suite à l'explosion du réacteur

En premier lieu, il a fallu localiser le danger, établir la carte précise des retombées, en particulier celles de l¹Iode131. Cet isotope se concentre dans la glande thyroïde et irradie de là les tissus voisins, les glandes parathyroïdes ainsi que le thymus chez l'enfant, organe responsable de la production de cellules de défense immunitaire.

Les relevés réalisés fin avril et au tout début du mois de mai 1986, en particulier par le Professeur Nesterenko et ses collaborateurs, ont montré que la totalité du territoire biélorusse avait été touchée. Les pays européens qui ont subi des pluies au passage du nuage radioactif ont eu de fortes concentrations d'I 131 et d'autres radionucléides sur le sol, les villes de Bâle et de Strasbourg avaient 20.000 à 30.000 Bq/m2. En Biélorussie, les valeurs mesurées étaient énormément supérieures.

Le Prof. Nesterenko a réalisé des cartes pour son pays à un moment où cette information était cruciale, pour protéger les populations. C'est pendant cette période que le Prof. Titov notait les plus graves désordres lors de la numération et de la détermination des lymphocytes sanguins. Il a aussi trouvé des anomalies au niveau des immunoglobulines. La situation restait critique 10 après l¹explosion.

Au bout de quelques mois et années, ce sont des radionucléides comme le césium (surtout le Cs137), le strontium (Sr90) et les particules de plutonium qui sont incorporées dans l'organisme humain principalement par voie orale.

Les mesures des concentrations de ces radionucléides dans le sol et dans le milieu vivant ont également été réalisées par les équipes de Nesterenko et d'autres institutions. Les cartes de contamination par le Cs137 ont été publiées. Ce qui surprend, c'est de voir dans beaucoup de zones du Bélarus, le Cs137 se recycler sans cesse à travers le monde végétal.

Cependant, il fallait des médecins et des pathologistes pour découvrir la corrélation entre des taux élevés de Cs137, de Sr90 dans l'environnement et les aliments et l'apparition d'une pathologie nouvelle : soit des maladies nouvelles comme les cardiomyopathies dues au Cs137, soit des maladies connues comme le diabète type I dont l'incidence augmentait ou apparaissait à des âges plus précoces que par le passé.

Ce fut le mérite du Prof. Y Bandazhevsky et de son équipe à Gomel de faire progresser les connaissances, d¹établir la corrélation, les analyses statistiques, ainsi que les démonstrations expérimentales nécessaires pour éclairer la physiopathologie de tout un ensemble de maladies, chacune pouvant être rapportée à une concentration anormale de Cs 137 dans l'organe malade (coeur, foie, rein, système digestif etc).


                                        Stratégies pour la prévention des maladies

 

Au mois de mai 2000, à Genève, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a rappelé le rôle fondamental que jouent des facteurs comme la pauvreté, accompagnée de défaillances de la scolarité, et leur répercussion dans la dégradation de l'hygiène, avec comme exemple la progression du SIDA.

La lutte contre les vecteurs de maladies parasitaire comme la malaria, les maladies virales et d'autres, passe par l'utilisation de moustiquaires et de façon plus définitive, par l'aménagement du territoire et l¹éducation.

Enfin, comme cause déterminante de l'amélioration de la santé, figure l'alimentation, pour laquelle la communauté internationale fait appel à la FAO. Dans toutes ces démarches, ce ne sont pas les médecins qui interviennent, mais bien le corps enseignant, les ingénieurs et urbanistes, enfin les agriculteurs.

Ainsi, par le passé, la longévité n'a pas été essentiellement le résultat du travail des médecins, mais le fruit de ceux qui ont enseigné l'hygiène aux enfants et aux parents. Ce sont également des techniciens, ingénieurs et installateurs sanitaires qui, en apportant de l'eau chimiquement et bactériologiquement pure aux habitants, ont supprimé les fièvres typhoïdes et autres gastro-entérites ou hépatites épidémiques, mieux que les antibiotiques.

La vaccination contre des maladies infectieuses, autrefois principales causes de mort, a considérablement prolongé la survie moyenne des peuples. Un des pères de ce progrès a été Monsieur PASTEUR qui était fier de n'être pas médecin. L'humanité doit à ce biologiste non seulement une espérance augmentée, mais encore une amélioration de la qualité de vie liée à la diminution des souffrances liées aux maladies infectieuses. On souhaite ardemment - et il semble que ce cela puisse être le cas d¹ici 7 à 10 ans le cas - que l'Institut Pasteur ou un autre Institut apparenté - découvrira le vaccin contre le SIDA.


 

Comment réagir face à une situation nouvelle : Tchernobyl

Aujourd'hui, une nouvelle épidémie mérite la même attention que la peste ou la variole : c'est la contamination radioactive qui affecte des vastes régions . Les populations se contaminent principalement par les aliments chargés de radionucléides.

Il était nécessaire de détecter l'étiologie des nouveaux syndromes cliniques, dont souffrent pratiquement tous les enfants qui vivent en zones hautement contaminées ou ceux qui consomment des aliments contenant du Cs137, du Sr90 ou d'autres radionucléides. Ces syndromes ont été décrits par des pathologistes comme le Prof. Y. Bandazhevsky et son équipe, des immunologistes comme le Prof. L. Titov, des généticiens comme le Prof. G. Lazjouk et le Prof. R.I. Gontcharova.

Combattre cette épidémie passe par de nouvelles compétences, voire de nouveaux instituts aussi indépendants et créatifs que l'a été l'Institut Pasteur. Dans ce contexte, l'Institut de Protection Radiologique "Belrad" apparaît comme la source d'un grand espoir pour les populations.

La radioprotection intéresse, bien entendu, les médecins, mais de grands chefs de service à l¹Ouest ne sont pas forcément médecins. Il serait même souhaitable qu¹une profession indépendante, c'est-à-dire sans conflits d'intérêt, par exemple face aux radiologues, puisse assister le monde médical, pour éviter les erreurs que l¹on a connues dans cette profession, comme les radiographies abdominales réalisée trop souvent chez des femmes enceintes..

Malheureusement l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique (AIEA) a encore davantage de conflits d'intérêts. En effet, son objectif principal est, selon ses statuts : "d'accélérer et d'accroître la contribution de l'énergie atomique pour la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier".

En conséquence, à propos de l'explosion du réacteur de Tchernobyl, l'AIEA se doit de convaincre les investisseurs et les ministères de l'industrie ou de l'énergie de tous les pays, qu'une telle catastrophe ne coûte pas cher. Comme le disait son Directeur Général, M. Blix, dans le journal LE MONDE du 28 août 1986 : "Le monde supporterait un accident comme Tchernobyl chaque année, vu l'importance de cette source d'énergie."

Pour cela il suffit de nier toute relation entre la contamination radioactive et la mortalité périnatale, l'augmentation des malformations congénitales (tératologie), les maladies génétiques, l'atteinte du système immunitaire, endocrinien ou digestif, les maladies du cour, des reins, ainsi que celles du système nerveux central, de la vision etc. Je ne mentionne pas les cancers et les leucémies, car ce groupe de maladies ne constitue que le sommet de l'iceberg.

Avec beaucoup d'années de retard par rapport aux médecins du Bélarus, l'AIEA a finalement été obligée d'admettre en 1996 que le cancer de la thyroïde - mais chez l'enfant exclusivement - pouvait être lié à Tchernobyl. Le conférencier de l'AIEA ajoutait néanmoins lors de la Conférence de Vienne en 1996, que ce cancer était "un bon cancer". Ce n'est pas forcément l'avis des centaines de familles dont un enfant doit être traité pour cette maladie. Le coût du traitement est également élevé pour l'état.


 

                          L'Institut "Belrad" dans la lutte contre cette nouvelle épidémie

 

Je connais depuis quelques années les travaux du professeur V.B. Nesterenko. Ces travaux ont en grande partie été traduits en anglais et diffusés en Europe Occidentale, où ces publications ont suscité beaucoup d'intérêt. Ainsi de nombreuses fondations et organisations humanitaires ont soutenu les projets qui en découlent.


 

Protéger les sujets les plus fragiles

Au moment de la catastrophe de Tchernobyl, la protection des populations, mais avant tout celle des enfants et des femmes enceintes, les seules mesures vraiment efficaces auraient été l'évacuation de ces sujets à haut risque en dehors des régions contaminées. Il aurait fallu en outre ne consommer aucun aliment contaminé pour l'ensemble des populations. Il fallait aussi éviter de respirer des poussières ou des fumées chargées de radionucléides.

Déplacer aujourd'hui des milliers de familles pour des dizaines d'années est peut-être malheureusement impossible? Il s'agit en conséquence de réduire la contamination et de protéger les sujets les plus fragiles. Placés au sommet de la chaîne alimentaire, les humains qui vivent dans des régions ayant subi des retombées radioactives se contaminent depuis 14 ans, presque exclusivement par voie orale. C'est donc avant tout en éliminant la radioactivité des aliments qu'on protégera les populations.

Le travail qui s'est imposé à l'institut "Belrad", créé par le Prof. Nesterenko, a été la mesure du rayonnement émis par les aliments et les végétaux contaminés que mangent les animaux domestiques, les bovins en particulier, celui des sols pollués où l'on plante des céréales, légumes et pommes de terre, ainsi que celui de l'alimentation contaminée absorbée par les adultes et les enfants.

Pour quantifier ce rayonnement, le Prof. Nesterenko a développé plusieurs types d¹instruments simples et efficaces, et réalisé des centaines de milliers de mesures. Il ne s¹agit aucunement d'actes médicaux. Ces mesures permettent néanmoins de prévenir une grave altération de la santé publique, car elles permettent d¹informer les administrations, les agriculteurs, les familles, les enseignants et les consommateurs.

Grâce à ces mesures, on peut connaître les terrains fortement contaminés où il ne faut pas recueillir de fourrage ni de produits maraîchers, les aliments dangereux pour les enfants à éviter ou à traiter, en particulier le lait, qui constitue une des principale source de contamination des enfants.

Le Prof. Nesterenko a formé des techniciens, qui enseignent aux familles un comportement aussi radio protecteur que possible, sachant que la non-consommation de légumes, fruits, viandes, produits laitiers produits sur place implique un énorme renchérissement de la vie.

Il s¹agit aussi d¹éviter des comportements dangereux, comme les feux de bois contaminé et la consommation des produits de la forêt (baies, champignons, gibier, poisson). Il faut être très prudent et éviter le dépôt sur les terres cultivées du jardin, des cendres radioactives. Ces conseils d¹hygiène alimentaire et de comportement ne constituent pas des actes médicaux.

L'institut  "Belrad" a réalisé avec des appareils de spectrométrie mobiles d¹une précision remarquable, fabriqués à Minsk, relativement peu coûteux, des centaines de milliers de mesures d¹échantillons de nourriture, apportés par les habitants des villages situés en zones contaminées. Les habitants reçoivent les résultats en même temps que des conseils de nutrition et de préparation des produits alimentaire, destinés à débarrasser ceux-ci d¹une partie de leur radioactivité (faire macérer la viande, les champignons… dans l’eau saleé, puis la jeter ; centrifuger le lait etc).

Dans les centrales atomiques, les contrôles de la radioactivité des ouvriers fait partie de la routine dans le travail quotidien. Les contrôles opérés chez les écoliers doivent être comparés au port d'un dosimètre par un ouvrier, et ne constituent en aucune façon un acte médical. Les mesures, dans un cas comme dans l¹autre, doivent conduire à des décisions motivées, comme l'arrêt du travail dans un cas, et l'envoi dans un centre de vacances situé dans une zone non contaminée, dans l'autre.

Le travail de l'Institut "Belrad" représente une activité d¹information publique essentielle, comme l¹Organisation Mondiale de la Santé la préconise dans sa Constitution.


 

Dépister les enfants menacés par une forte contamination par le Cs-137

Comme pour les ouvriers du nucléaire, il faut dépister les sujets qui dépassent ou vont dépasser certaines limites de contamination. L¹Institut "Belrad" réalise ces mesures physiques de la radioactivité dans un fauteuil radio métrique ambulant, très simple et très performant, qui peut être transporté d¹une école à l¹autre. Plus de 50.000 mesures ont ainsi été réalisées par cet Institut.

C'est comme si le dosimètre de ces enfants permettait, le cas échéant de prendre des mesures adéquates, par exemple des séjours de convalescence dans des régions saines, voire à l'étranger. Ce sera toujours une occasion d¹enseigner les méthodes d¹autoprotection.

Dès leur retour d¹une région propre, ces enfants se retrouvent dans la situation antérieure qui va nécessiter des mesures éducatives de protection. Une aide alimentaire pourrait être utile. C'est en particulier dans ce contexte, que peut s'imposer l'utilisation d'additifs alimentaires contenant des adsorbants.


 

Développer un adsorbant alimentaire : la pectine

C¹est pourquoi j¹estime que la recherche d¹un additif alimentaire, qui permet de réduire significativement l'absorption de radionucléides (Cs137, Sr90 et autres) et qui en favorise l'élimination, constitue une préoccupation d¹hygiène publique fondamentale dans les circonstances actuelles, pour venir en aide en particulier à certaines communautés rurales. C'est dans cet esprit qu'a travaillé l'Institut de Protection des Radiations "Belrad". Ici encore il ne s¹agit pas d¹actes médicaux.

Des préparations adsorbantes à base de Pectine, capables de fixer les métaux lourds, sont enregistrées en Europe occidentale depuis de longues années. En France, la firme SANOFI a mené des études très approfondies et convaincantes dans ce domaine et a développé une préparation utilisée dans les intoxications aux métaux lourds d'origine industrielle ou environnementale. L'Ukraine possède également des préparations complexes du même type.

Il est logique que les pays confrontés à une pollution radioactive étendue, utilisent ces additifs alimentaires, en particulier la pectine, dans les circonstances rencontrées au nord de l'Ukraine, au sud-ouest de la Russie et dans le sud de la République de Belarus. Le travail de l¹Institut "Belrad", en collaboration avec des médecins et biologistes remarquables, est tout à fait exemplaire en la matière.

L¹équipe de Nika Gres a en effet établi de façon incontestable que les concentrations plasmatiques des sels minéraux et oligo-éléments essentiels pour les organismes n¹étaient pas altérées lors de ces cures intermittentes de pectine, alors que la charge en radionucléides baissait de façon significative. Suite à ces cures, les symptômes cliniques se stabilisent ou s¹améliorent.

Les relevés comparatifs très précis des taux de contamination publiés par le Professeur Nesterenko, effectués dans des communautés présentant une forte charge moyenne de Cs-137, sont très convaincants et méritent d'être poursuivis.

Les travaux expérimentaux du Professeur Bandazhevsky confirment par ailleurs que ces préparations contenant de la pectine protègent également les animaux de laboratoire nourris avec des aliments comparables à ceux que consomment les humains : La réduction de l¹absorption de Cs-137 réduit le risque de maladies expérimentales, cardiaques en particulier. Une fois établie, la maladie ne peut être que stabilisée, mais non guérie par ce type de cure.


 

Produire la pectine à Minsk :

Etant donné que ces additifs alimentaires coûtent relativement cher, il apparaît bien préférable d'utiliser les compétences et la main d'oeuvre disponible en République de Belarus, plutôt que d'importer des produits manufacturés et emballés à l¹étranger.

Je considère que produire une telle préparation sur place, à Minsk, plutôt que de l'acheter en France, ou même en Ukraine est un projet économiquement intéressant pour le Bélarus. C¹est le projet que développe actuellement l¹Institut "Belrad" du Prof. Nesterenko.


 

Conclusion

 

Les activités et les projets de l¹Institut "Belrad" m'apparaissent comme un ensemble cohérent de mesures destinées à améliorer l¹hygiène publique dans les régions contaminées par les radionucléides, dans le dessein de prévenir la détérioration de la santé liée à des facteurs environnementaux très défavorables.

Ces mesures sont comparables à celles qui ont été prises, il y a un siècle, par les hygiénistes et ingénieurs, qui ont amélioré l¹approvisionnement en eau et assaini l'environnement humain, réduisant rapidement la mortalité infantile qui était très élevée avant ces interventions. Comme dans le cas des travaux de l¹Institut "Belrad", il ne s¹agissait pas, à cette époque, d¹actes médicaux.

La prévention de la détérioration de la santé représente, comme l¹a rappelé l'OMS en mai 2000, un investissement essentiel de santé publique, qui permet d¹éviter des dépenses sanitaires ultérieures, d¹autant plus lourdes et insupportables, que la situation économique d¹un pays connaît déjà certaines difficultés.

À ce titre, les travaux du Professeur V. Nesterenko et de l¹institut de Protection Radiologique "Belrad" m'apparaissent comme exemplaires et dignes d¹êtres soutenus par les autorités de la République de Bélarus.

J¹estime par ailleurs que ces travaux, qui font honneur à la République de Bélarus, méritent la plus large diffusion possible dans la communauté scientifique, de ceux qui ont à gérer des "Situations d’Urgence" et de santé publique dans le monde. Il serait important que le Professeur V. Nesterenko ait l¹occasion de présenter lui-même ses résultats dans des congrès et symposiums internationaux.

Fait le 25 mai 2000, à Rodersdorf signé : Professeur Dr. med. Michel Fernex


***

 

 

L'expertise d'une physicienne retraitée du Commissariat à l'énergie atomique

 

GROUPEMENT DE SCIENTIFIQUES POUR L'INFORMATION SUR LÉNERGIE NUCLÉAIRE (GSIEN)

2 rue François Villon, 91400 Orsay, France

Tel 0160100349, fax 0160143496. Secrétariat 0142774086

 

Mme Bella Belbéoch, Physicienne                                                               Paris le 16 Août 2000

Ingénieur-docteur (mention Physique du solide)

Retraitée du Commissariat à l'énergie atomique

Secrétaire du GSIEN

 

Monsieur le Ministre de la Santé

de la République de Belarus, I.B.Zelenkevitch

 

 

Objet : Utilisation du spectromètre SRH

             par l'Institut BELRAD

 

Monsieur le Ministre de la Santé de la République du Belarus.

 

Je prends la liberté de vous écrire au sujet de l'utilisation du spectromètre SRH par l'Institut BELRAD dont le directeur est le Pr. V.Nesterenko.

 

Par lettre adressée à l'Institut BELRAD datée du 5 juillet 2000 (référencée 02-4-8/5074) le premier vice-ministre transmettait le procès-verbal d'une réunion tenue le 27 juin 2000 dans laquelle vos proches collaborateurs indiquaient "les travaux de mesure de la population effectuée par l'Institut Belrad sur les appareils SRH appartiennent à l'activité médicale", activité pour laquelle le Pr. Nesterenko n'a pas d'habilitation.

 

Je désirerais, par ce courrier, vous faire part de mon étonnement, car, à mon expérience personnelle, de tels examens ne sont pas des actes médicaux.

 

J'ai travaillé pendant 30 ans au Centre d'études nucléaires de Saclay, un des centres de recherche du Commissariat à l'énergie atomique, comme spécialiste de rayons x, dans les domaines de recherche tant fondamentale qu'appliquée (entre autres études, les changements de structure des oxydes d'uranium, les défauts créés par l'irradiation des neutrons dans des réfractaires comme l'oxyde de béryllium etc.).

Au Centre d'études nucléaires de Saclay on trouve des installations lourdes (piles atomiques, accélérateurs etc.) des appareils variés générateurs de rayonnement externe et de nombreux laboratoires spécialisés dans l'élaboration et l'utilisation de radioéléments variés pouvant être à l'origine de contamination interne du personnel.

La radioprotection des travailleurs, en situation de routine ou accidentelle, est assurée par des techniciens et ingénieurs physiciens spécialisés dans la mesure des rayonnements qu'il s'agisse de détecter et mesurer l'intensité des source de rayonnement externe ou de déterminer la contamination interne par spectrométrie gamma de tel ou tel radioélément incorporé. Ainsi ces mesures ne sont jamais effectuées par des médecins ou du personnel médical.

 

A ce sujet, quelques précisions. Les mesures effectuées n'ont de sens que

1.- si l'étalonnage des appareils est effectué correctement et que les détecteurs sont correctement sélectionnés pour l'énergie du rayonnement correspondant à la source d'irradiation recherchée (externe ou interne),

2.- si aucun rayonnement parasite ne vient perturber la mesure et ainsi, la fausser,

3.- si on s'assure que la mesure est reproductible et on évalue sa marge d'incertitude.

 

Cette liste n'est pas exhaustive. Or, en général, les médecins n'ont aucune formation théorique et pratique concernant ces problèmes délicats de mesure de radiations. Cette lacune a d'ailleurs été soulignée dès 1977 par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) dans sa publication CIPR 26 et réitérée depuis à plusieurs reprises.

 

Je me permets de vous rappeler que le Pr. Karl Morgan (USA) a élaboré, il y a quelques décennies, les premières normes d'admissibilité concernant l'inhalation et l'ingestion des radionucléides. Cet ancien président de la CIPR e été l'initiateur et le directeur de la revue Health Physics, revue internationale de radioprotection qui consacre la naissance d'une nouvelle branche de la physique.

 

Les appareils SRH Skrinner 3M utilisés par l'Institut BELRAD pour examiner les habitants de la République du Belarus, sont des spectromètres gamma particuliers : ils permettent de mesurer sélectivement l'intensité des raies gamma émises par le césium-137 (Cs137) et le potassium 40 (K40) incorporés par la personne examinée. Cela est particulièrement précieux pour déterminer la charge corporelle en Cs137 de la population vivant dans les zones contaminées après la catastrophe de Tchernobyl.

Il va de soi que les effets biologiques des radiations sont du domaine des médecins, mais la mesure de la charge incorporée, elle, n'est pas un acte médical. Il faut qu'elle soit faite correctement et il me semble que le Pr. Nesterenko a une compétence incontestée en tant que physicien.

 

J'ose espérer, Monsieur le Ministre de la Santé, que vous voudrez bien prendre en considération ces quelques remarques et que le Pr. Nesterenko pourra continuer à exercer ses mesures de contamination interne à l'aide des appareils SRH sans subir d'entraves administratives.

 

En vous remerciant à l'avance, je vous prie de croire, Monsieur le ministre de la Santé, à mes sentiments respectueux.

 

 

                                                                                                                     Dr Bella Belbéoch

 

 

 

Expertise du Professeur Kolomietz

 

Centre scientifique et pratique républicain d'expertise de la qualité et de la sécurité des produits alimentaires du Ministère de la santé de la République du Belarus

 

 

12.06.200001-4/240

Ministère des Situations d’Urgence

A l'attention du Vice-Ministre

Baringolz B.S.

 

Avis sur le projet international de l'Institut de protection radiologique "Belrad": "Suivi radiologique avec SRH des enfants vivant dans les régions du Belarus victimes de la catastrophe de Tchernobyl, leur protection radiologique au moyen de produits à base de pectine et la pertinence d'une production dans la république de compléments alimentaires sur la base de produits contenant de la pectine".

 

 

       L'accident dans la centrale d'énergie atomique de Tchernobyl a causé un préjudice irréparable à la santé humaine et à l'environnement. Les radionucléides accumulés dans les couches supérieures du sol continuent d'être la source principale d'accumulation dans les aliments. Toutefois, dans les conditions géographiques, sociales et écologiques existantes, il est impossible d'exclure totalement la présence d'habitants et la production agricole dans les territoires contaminés. Il est important d'organiser un contrôle permanent et des mesures convenables pour la diminution du taux d'incorporation des radionucléides dans l'organisme. Il est tout à fait évident qu'en se nourrissant toujours des mêmes aliments, les enfants reçoivent une charge corporelle supérieure à celle des adultes, et pour un organisme en âge de croissance c'est plus dangereux. De même, les enfants vivant dans les villages ont des charges corporelles supérieures à celles des enfants des villes.

       L'impossibilité d'exclure l'action des radionucléides sur l'organisme rend nécessaires l'élaboration et l'introduction de mesures qui permettent de réduire les charges corporelles.

       Malheureusement, il n'y a pas aujourd'hui une opinion commune pour la solution du problème. Les nombreuses recherches, réalisées par des scientifiques de différents pays, attestent que le but peut être atteint de manières différentes. Toutefois, il faut distinguer entre les mesures à grande échelle, les mesures locales et les mesures individuelles.

       Parmi les mesures à grande échelle il faut sans doute ranger la mise à disposition des habitants des territoires contaminés de moyens pour un contrôle permanent du taux de radioactivité dans les produits des économies domestiques, pour les mesures de l'incorporation des radionucléides dans l'organisme (pas moins de 2 fois par an), pour une modification de la nature de l'alimentation. Ces mesures peuvent être considérées comme prophylactiques et ne requièrent pas un contrôle médical spécial, "sévère".

       Parmi les éléments positifs du projet il faut citer:

       1. La possibilité offerte à la population de mesurer le taux de radioactivité dans les produits "domestiques". Dans ce cas, l'existence de connaissances de base, obtenues au cours d'un travail d'éducation sanitaire,  permettra de modifier la façon de cultiver et de préparer les aliments. Devant une différence évidente entre la présence du césium-137 "avant" et "après", l'utilité de mesures simples pour l'élimination des radionucléides des aliments ne sera pas contestée par la plupart des familles, indépendamment du degré d'instruction.

       2. L'emploi des SRH pour mesurer le taux d'incorporation du césium-137 dans l'organisme est également fondé. Ces appareils sont universellement connus, sont attestés du point de vue métrologique et sont utilisés dans de nombreux pays. La procédure de mesure est extrêmement simple et peut être exécutée par un spécialiste techniquement compétent. Compte tenu du fait que le SRH mesure seulement le rayonnement gamma qui émane du corps humain, la procédure ne peut pas être considérée comme strictement médicale, pas plus que la mesure de la hauteur et du poids du corps. De ce point de vue il est indispensable de mettre au point la question de l'interprétation des résultats, c'est à dire de déterminer le seuil de la valeur, en présence de laquelle le patient doit s'adresser au médecin. Si le seuil n'est pas atteint, des mesures simples de correction de l'alimentation permettront de diminuer la présence des radionucléides dans l'organisme.

       3. L'emploi de produits à base de pectine est également logique. Il n'existe aucune raison pour mettre en doute le fait scientifique connu, que la pectine favorise l'élimination des radionucléides, des sels des métaux lourds, d'autres substances toxiques de l'organisme, qu'elle améliore le métabolisme du cholestérol. Selon l'opinion des principaux diététiciens, l'être humain doit consommer quotidiennement 15 gr. de pectine avec les aliments à titre prophylactique; cependant les recherches sur l'alimentation réelle ont montré que notre ration alimentaire est extrêmement pauvre en pectine et en cellulose. Du fait que la pectine est une substance naturelle, aucune limitation importante dans les dosages n'est nécessaire, s'agissant d'un concentré sec de pommes enrichi en vitamines, dont la teneur dans le produit est dix fois inférieure aux valeurs admises. De ce fait, le "Vitapect" proposé par "Belrad" est un produit diététique alimentaire et non un médicament. Par conséquent il est pour le moins déplacé de comparer son action avec l'action du méditapect ou d'autres adsorbants. L'avantage du "Vitapect" réside justement dans le fait que ce n'est pas un médicament. Il n'y a aucune contre-indication pour l'enrichissement de la ration alimentaire par des pectines. A part le "Vitapect", d'autres produits contenant de hautes concentrations de pectine peuvent être employés.

       4. Efficacité du Projet. Suivant les données présentées par le professeur V.B.Nestrenko, l'efficacité d'élimination du césium-137 de l'organisme se situe dans les limites de 30-40% par mois. Toutefois l'observation de la dynamique est effectuée au cours de périodes qui ne dépassent pas 6 mois - 1 an. Par conséquent il serait utile d'organiser une observation de longue durée d'un même groupe et d'attirer des médecins dans ce travail, pour donner objectivement une appréciation de la santé des personnes observées.

 

      CONCLUSIONS

      Le projet proposé par l'institut "Belrad" peut être mis en pratique sur le territoire de la République du Belarus, à commencer de 2000. Pour une meilleure précision des résultats il faut augmenter les périodes d'observation, élaborer les critères pour l'estimation finale. L'emploi des produits à base de pectine est indiqué pour la correction de l'alimentation et pour la diminution de l'accumulation du césium-137 et du plomb dans l'organisme.

 

Vice-Directrice

en travaux scientifiques

professeur, docteur en médecine                            (signé)                        N.D.Kolomietz

 

 

 

 

Le Professeur Fernex écrit au Président Loukachenko

 

Dr. Michel Fernex, Docteur en médecine                                            

Professeur émérite de médecine interne                                                 

68480 Biederthal, France   

Fax : 0389.40 78 04                                                                               

Président de l'Union de  Russie et du Belarus

Monsieur Alexander Loukachenko

Aux bons soins de Son Excellence l'Ambassadeur     

de la République du Belarus en France

38, Boulevard Suchet, Paris 75016                                                                                                                                                                                     Fax  : 10 44 14 69 70

 

Concerne : Travaux du Professeur Vasily B. Nesterenko, dans le cadre de l'Institut "Belrad"

 

                                                                                                                                                              Biederthal, le 12 juillet 2000

 

 

Monsieur le Président,

 

Au mois de mai 2000, Monsieur le Vice-Ministre B.S. Barengolz m'avait sollicité pour une expertise concernant les travaux projetés par l'Institut de protection des radiations "Belrad" consacrés au "Suivi des radiations au moyen de spectromètre pour le rayonnement humain (SRH) des enfants des régions du Belarus contaminées par les retombées radioactives de Tchernobyl".

 

Les travaux du Professeur Nesterenko sont connus depuis bien des années et votre nation peut s'enorgueillir de compter une personnalité scientifique de très haut niveau. Il a toujours été très rigoureux dans ses études, mais en même temps très dévoué à sa nation. C'est pourquoi aujourd'hui il se consacre à l'amélioration de la qualité de vie des victimes de Tchernobyl.

 

L'explosion du réacteur de Tchernobyl a entraîné une contamination radioactive d'une grande partie de l'hémisphère Nord. Il y a eu des victimes dans de très nombreux pays. Par exemple, les travaux des épidémiologistes allemands ont montré que dans ce pays, l'année qui a suivi Tchernobyl s'est soldée par une augmentation significative de la mortalité infantile, à l'échelle de la nation entière. cette augmentation dépassant 8% dans les régions où les retombées étaient les plus importantes, comme les Alpes, l'Allemagne de l'Es et Berlin (Environ. Health Perspect. 108 : 159-165, 2000). Hélas, votre pays a subi des retombées radioactives bien plus importantes que l'Allemagne.

 

Au début la radioactivité ambiante venue du réacteur de Tchernobyl a entraîné une irradiation externe importante, mais bientôt les radionucléides ont été incorporés dans l'organisme par inhalation de gaz et de très fines particules de poussière radioactives dans les poumons. Progressivement la contamination orale par le césium (surtout Cs137) et le strontium (Sr90) contamine l'organisme humain par les aliments.

 

Les mesures physiques pour ces radionucléides ont été réalisées par les équipes de Nesterenko et d'autres institutions. Les cartes de contamination par le Cs137 ont été publiées. Ce qui surprend, c'est de voir le Cs137 se recycler sans cesse à travers le monde végétal.

 

Il fallait des médecins et des pathologistes pour découvrir la corrélation entre les taux de Cs137, de Sr90 dans l'environnement et les aliments d'une part, et l'apparition de maladies nouvelles, et de maladies connues comme le diabète et athérosclérose dont les dommages comme l'hypertension et l'infarctus du myocarde apparaissent à des âges de plus en plus précoces, voire chez des petits enfants.

 

Protéger les humains

 

Au sommet de la chaîne alimentaire on trouve les populations qui se contaminent par voie orale. C'est donc en éliminant la radioactivité des aliments qu'on protégera l'humain. Le Prof. Nesterenko étudie la teneur en radionucléides des aliments que mangent les animaux domestiques, comme ceux des aliments humains, pour pouvoir s'en défendre. On parvient en particulier à réduire l'absorption des radionucléides par des extraits de pomme. Nous vous savons gré d'avoir encouragé le Professeur Nesterenko à produire ces additifs alimentaires à base de pectine.

 

Il faut contrôler l'efficacité de ces mesures préventives, en mesurant la radioactivité due à des radionucléides "artificiels" incorporés dans l'organisme des enfants. Pourquoi les enfants? D'abord parce qu'ils constituent l'avenir de la nation. Ensuite parce que l'enfant absorbe les radionucléides mieux que l'adulte. Enfin parce que l'enfant est bien plus sensible que l'adulte aux rayonnements faibles mais chroniques.

 

Dans ces contrôles, il s'agit de mesures physiques, qui ne sont en aucune façon des actes médicaux, mais qui permettent de prévenir une grave détérioration de la santé des enfants en République du Belarus.

 

Lors de l'Assemblée Mondiale de la Santé en mai 2000, l'OMS a rappelé le rôle fondamental de facteurs tels que la pauvreté, les défaillances de la scolarité, qui entraînent la dégradation de l'hygiène, avec par exemple la progression du SIDA. Ce ne sont pas des médecins qui vont résoudre ces problèmes. La lutte contre les insectes vecteurs de maladies comme la malaria, des maladies virales et autres, passe aussi par l'agriculture et l'aménagement du territoire.

 

Enfin, comme cause déterminante de l'amélioration de la santé, figure l'alimentation, pour laquelle la communauté internationale fait appel à la FAO. Dans toutes ces démarches ce ne sont pas des médecins qui interviennent, mais le corps enseignant, les ingénieurs et les agriculteurs.

 

Le Professeur Nesterenko a contribué à découvrir l'étiologie des nouveaux syndromes cliniques, dont souffrent les enfants qui consomment des aliments contaminés par le Cs137. Combattre cette nouvelle épidémie passe par de nouvelle compétences, de nouveaux instituts aussi indépendants et créatifs que l'a été l'Institut Pasteur. Dans ce contexte, l'Institut de Protection Radiologique "Belrad" m'apparaît comme source d'un grand espoir pour votre nation.

 

Il est intéressant de noter que l'Organisation Mondiale de la Santé dépend, depuis 1959, de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique (AIEA) pour la radioprotection. Cette organisation a attendu cinq à six ans avant de commencer des études en rapport avec Tchernobyl. Ce sujet n'a pas été à l'ordre du jour des dernières Assemblées Mondiales de la Santé (WHA).

 

Malheureusement l'AIEA qui suit ces problèmes a des conflits d'intérêts, car son objectif principal reste : "d'accélérer et d'accroître la contribution de l'énergie atomique pour la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier". En fait, cette institution non médicale a supervisé et coordonné les recherches concernant la santé après Tchernobyl. Son but étant de propager le nucléaire, on ne pouvait pas s'attendre à une quelconque objectivité dans ses travaux, encore moins dans ses conclusions. Comme le disait le Directeur Général de l'AIEA, M. Blix, dans le journal LE MONDE du 28 août 1986 : "Le monde supporterait un accident comme Tchernobyl chaque année, vu l'importance de cette source d'énergie."

 

Pour cela l'AIEA a été amenée à nier toute relation entre la contamination radioactive et l'augmentation de la mortalité périnatale, l'augmentation des malformations congénitales (tératologie), l'apparition de nouvelle maladies génétiques, l'atteinte du système immunitaire, endocrinien ou digestif, et la survenue chez l'enfant de maladies du coeur et des reins, ainsi que du système nerveux central, de la vision etc. Je ne mentionne pas les cancers et leucémies, ce groupe de maladies ne constitue que le sommet de l'iceberg après Tchernobyl.

 

L'Institut "Belrad" dans la lutte contre une nouvelle épidémie.

 

Les travaux du Professeur V.B. Nesterenko depuis Tchernobyl ont en partie été traduits en anglais et diffusés en Europe Occidentale. Ces publications ont suscité beaucoup d'intérêt en Occident, et de nombreuses fondations et organisations humanitaires ont soutenu les projets qui en découlent.

 

L'Institut "Belrad" a réalisé avec des appareils de spectrométrie mobiles d'une précision remarquable, fabriqués à Minsk, donc relativement peu coûteux, des centaines de milliers de mesures sur des échantillons de nourriture, apportés par les habitants des villages situés en zones contaminées. Ces personnes reçoivent les résultats en même temps que des conseils de nutrition et de préparation des produits alimentaires, destinés à débarrasser ceux-ci d'une partie de leur radioactivité (bouillir la viande, écrémer le lait etc.). Il s'agit d'une activité d'information publique, d'éducation permanente pour les citoyens de tous les âges.

 

Il faut localiser et suivre les enfants des régions les plus contaminées pour pouvoir établir une priorité dans les interventions (éducation, amélioration du régime alimentaire, séjour dans les pays d'accueil pour une cure, loin des sources de contamination). L'Institut "Belrad" réalise ces mesures dosimétriques physiques de la radioactivité, dans un fauteuil radiométrique mobile très performant. Plus de 50.000 mesure dosimétriques ont été réalisées par l'Institut "Belrad". Il s'agit d'un complément des autres mesures de prévention. Il faut le comparer au port d'un dosimètre pour les ouvriers des centrales nucléaires. Ce port du dosimètre n'est en aucune façon un acte médical.

 

Les travaux du Prof. Nesterenko et de l'Institut "Belrad" m'apparaissent comme exemplaires et dignes d'être soutenus par les autorités de la République de Belarus. En effet, ces travaux font honneur à votre pays et méritent la plus grande diffusion possible dans la communauté scientifique mondiale.

 

Le monde vous sait gré d'apporter votre soutien au Prof. Nesterenko et à ses collaborateurs pour leur permettre de poursuivre ces travaux, dans l'intérêt de votre pays et de ses enfants.

 

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l'expression de ma très haute considération.

 

 

                                                                                                             Professeur Michel Fernex

 

 

 

 

Le GSIEN s'adresse au Président Loukachenko

 

 

LE GROUPEMENT DE SCIENTIFIQUES POUR L'INFORMATION SUR L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE

2 rue François Villon, 91400 Orsay, France

 

 

Paris le 21 Septembre 2000

 

A son Excellence le Président de

l'Union du Belarus et de Russie

Alexandre Loukachenko

 

Aux bons soins de son Excellence

l'Ambassadeur du Belarus à Paris

 

 

Objet : Requête en faveur de l'Institut BELRAD

             à Minsk

 

 

Votre Excellence, Monsieur le Président,

 

Vous êtes intervenu récemment à New York lors de l'Assemblée du millénaire de l'ONU. Vous avez souligné la gravité des conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl affectant Belarus et sollicité l'aide internationale.

 

Depuis la catastrophe de Tchernobyl le 26 avril 1986, au sein du Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire (GSIEN) nous nous sommes constamment préoccupés de la dégradation de la santé de la population vivant dans les territoires contaminés de la République du Belarus. En témoignent les nombreux dossiers consacrés à ce douloureux sujet dans notre revue La Gazette Nucléaire afin de faire connaître en France la situation réelle dans votre pays. Des effets inattendus et une nocivité des radiations ionisantes plus élevée que ce qui était admis par les Institutions Internationales, avant Tchernobyl, sont observés (en particulier chez les enfants) par les médecins et les scientifiques travaillant dans les zones contaminées.

Ces observations contredisent l'opinion inébranlable affichée par les organismes tels que l'AIEA, l'UNSCEAR etc., ceux-là même qui ont mis si longtemps à admettre qu'il y avait réellement une augmentation des cancers thyroïdiens chez les enfants du Belarus et qui, pour finir, ne veulent admettre comme seules conséquences de Tchernobyl que les effets thyroïdiens et le stress. Vous savez bien qu'il n'en est rien car, malheureusement, les habitants des zones contaminées sont les sujets involontaires d'une "expérimentation nouvelle" concernant les effets des rayonnements ionisants, différente de celle des survivants des bombes atomiques, puisqu'en plus du rayonnement externe ils sont soumis depuis 1986 aux effets d'une contamination interne chronique, car la terre biélorusse contaminée produit des aliments contaminés.

 

Nous nous permettons. Monsieur le Président, d'attirer votre attention sur le fait que pour obtenir l'aide internationale parfaitement justifiée que vous souhaitez, il est nécessaire que la situation sanitaire réelle qui existe au Belarus soit reconnue. C'est la raison pour laquelle il nous parait essentiel que, de toute votre Autorité, vous apportiez votre soutien aux scientifiques et médecins de votre pays afin qu'ils puissent continuer leurs travaux et apporter leur aide à la population sinistrée.

Concernant, entre autres, la radioprotection des habitants, surtout celle des enfants des zones les plus contaminées, les mesures de la charge corporelle en Césium 137 effectuées par le     Pr. Nesterenko et ses collaborateurs de l'Institut BELRAD, en relation avec les effets sanitaires étudiés par le Pr. Bandazhevsky et ses collaborateurs de l'Institut de Médecine de Gomel, nous paraissent essentielles. Ces travaux révèlent la persistance de la contamination au Belarus et la dégradation de l'état sanitaire des habitants des zones contaminées.

 

Nous voulons souligner cet aspect de persistance de la contamination, par le Césium 137 en particulier. Si les instances internationales ont été très optimistes en minimisant dès 1986 les conséquences sanitaires de Tchernobyl, des études récentes montrent combien les experts internationaux ont été optimistes juste après Tchernobyl dans leurs prédictions sur la rapidité de la disparition du Césium 137 (Nature 11 may 2000, Chernobyl's legacy in food and water, J.T.Smith and al.). En fait, ces études révèlent que depuis 1991, dans l'eau, les poissons, la végétation terrestre, le Césium 137 tend à disparaître beaucoup plus lentement qu'au cours des premières années. Il tend désormais à disparaître conformément à sa période physique qui est de 30,2 ans, c'est à dire que l'activité diminue de moitié au bout de 30 ans! Ceci veut dire que, malheureusement, les habitants des zones contaminées à 15 curies au kilomètre carré et plus, (qui auraient dû être tous évacués d'après les programmes élaborés en octobre 1989 par le parlement de Biélorussie) sont condamnés à incorporer de la nourriture contaminée pendant bien longtemps.

Il est donc de la plus haute importance de continuer la surveillance radiologique de la population des zones contaminées, en particulier celle des enfants qui représentent l'avenir de la République.

Dans ce contexte nous ne comprenons pas la politique suivie par le ministère de la santé de la République du Belarus et nous sommes consternés d'apprendre que des menaces d'interdiction visent l'Institut BELRAD de Minsk. Il est au contraire nécessaire, non seulement de maintenir l'activité de monitoring de cet Institut, mais de la développer.

 

Au GSIEN en tant que scientifiques nous sommes nombreux à exercer ou à avoir exercé notre profession de chercheurs, ingénieurs et techniciens dans des laboratoires et organismes où sont présents en permanence des risques d'irradiation tant externe qu'interne, et la radioprotection est un domaine qui nous est familier car il touche à notre sécurité sur les lieux de travail. Par lettre du 16 août, aux bons soins de son Excellence l'Ambassadeur du Belarus à Paris, nous avons attiré l'attention du Ministre de la santé de la République du Belarus sur le fait que la mesure de la charge corporelle en Césium 137, comme celle d'ailleurs du rayonnement externe, est du ressort des physiciens et biophysiciens et n'est pas une activité médicale. Aussi nous ne comprenons pas l'acharnement injustifié du Ministère de la santé du Belarus vis-à-vis du Pr. Nesterenko et de l'Institut BELRAD, dont la compétence pour exercer la surveillance radiologique des habitants des zones contaminées avec les spectromètres SRH, qui permettent de mesurer le Césium 137, nous paraît incontestable.

La reconnaissance internationale du Pr. Nesterenko vient d'ailleurs d'être soulignée par son invitation à intervenir au Parlement Européen le mois prochain sur la situation sanitaire des victimes de Tchernobyl au Belarus.

 

Nous vous demandons, Monsieur le Président, d'intervenir d'urgence, pour permettre au Professeur Nesterenko et à l'Institut BELRAD de poursuivre son activité scientifique et humanitaire, de faire connaître la situation réelle au Belarus afin d'obtenir l'aide internationale dont ont besoin les victimes de Tchernobyl.

 

 

Mme Belbéoch, Secrétaire du GSIEN

Physicienne, Ingénieur-docteur, retraitée du Commissariat à l'énergie atomique