Memo : Rencontre à l’OMS, 18 juillet 2002

 

 


 

                                  

OMS : Dr. David Nabarrod, Directeur Exécutif, et deux Directeurs du Département de la Protection de l’ Environnement Humain, le Dr. Richard Helmer Directeur et Dr. Michaël Repacholi, Directeur du département des Radiations, à peine rentré du Belarus.

 

PSR/IPPNW Switzerland et WILPF : PD Dr. Jean-Luc Riond, Président d’ IPPNW (engagé dans la prévention de la guerre nucléaire , et des accidents nucléaires comme Tchernobyl), Prof. Michel Fernex, membre du Comité de PSR, la section suisse d’ IPPNW (15 années de coopération active dans les Groupes de Travail Scientifiques de la Recherche sur les maladies Tropicales (T.D.R.) de l’OMS, ancien membre du Comité Directeur de l’OMS sur la Malaria et ensuite sur les Filarioses) et Mme Solange Fernex, Présidente of WILPF France (Women International for Peace and Freedom) engagée depuis un demi siècle dans la prévention des dangers du nucléaire.

 

L’OMS aurait souhaité la présence d’un membre de CONTRATOM à cette réunion. Cependant PSR et WILPF ont les mêmes revendications que CONTRATOM, concernant la transparence et l’indépendance de la recherche médicale dans le domaine des radiations ionisantes, en particulier suite à Tchernobyl.

 

La demande d’amender l’accord signé entre l’AIEA et l’OMS (Rés. WHA. 12.40), comme premier pas vers l’indépendance de la recherche et des publication, est une revendication commune de WILPF, IPPNW, CONTRATOM, et beaucoup d’autres ONG. Toutes ces ONG agissent également pour obtenir la libération du Prof. Youri Bandajevsky, prisonnier de conscience au Belarus. En étroite collaboration, elles continueront à lutter en faveur de Bandajevsky et d’autres médecins, prisonniers de conscience au Belarus

 

Les ONG estiment qu’après Tchernobyl, l’OMS aurait dû rendre visite à l’Institut de Médecine établi dans la région la plus contaminée par le césium, le strontium, l’uranium et le plutonium. L’institut Médical d’Etat de Gomel a été créé et dirigé par le Prof. Yuri Bandajevsky. L’équipe de recherche médicale du Prof. Bandajevsky a rédigé plus de 20 thèses sur le dysfonctionnement des organes et des systèmes suite à la contamination chronique par le césium 137 dans des organes comme le pancréas, les glandes endocrines, le thymus, le cœur ou le placenta. Nous avons l’impression que la délégation de l’OMS n’a pas obtenu la permission de visiter cette faculté médicale, qui travaillait dans le cadre du Ministère de la Santé du Belarus.

 

Le dr. Nabarrod ne pense pas que l’OMS ait été absente du terrain à Tchernobyl jusqu’en 1992, et le département juridique de l’organisation ne considère pas que l’Accord (WHA 12.40) soit un obstacle pour l’indépendance et la transparence.

 

PSR/IPPNW n’est pas d’accord avec cette position. Bien entendu, nous connaissons le travail entrepris par le Bureau Régional de l’OMS, essentiellement au travers du Bureau de Helsinki pour les urgences nucléaires et la santé publique, avec les travaux remarquables du Dr. Baverstock au début des années 90, où il a confirmé l’épidémie de cancers de la thyroïde chez les enfants. Malheureusement cet effet stochastique de Tchernobyl n’a été reconnu que 5 années plus tard par l’AIEA et l’UNSCEAR, et ce délai a eu des conséquences négatives pour l’aide thérapeutique à ces malades. Nous apprécions aussi beaucoup les “lignes directrices pour la prophylaxie par l’iode suite à des accidents nucléaires” (OMS, 1999).

 

Cependant, les 700 participants à la Conférence de l’OMS en novembre 1995, organisée par le Dr. Hiroshi Nakajima, ont reçu une fiche d’information (1), indiquant que les plans pour le projet IPHECA avaient été finalisés par l’AIEA en mai 1991. L’auteur de ce projet n’était pas l’OMS mais  l’AIEA, probablement à cause de l’ Article I point 3 de l’Accord avec l’OMS qui prévoit :

"Chaque fois que l’une des organisations propose d’initier un  programme ou une activité dans laquelle l’autre organisation a ou pourrait avoir un intérêt substantiel, la première partie consultera l’autre dans le but de régler le problème par accord mutuel

 

IPPNW, WILPF et d’autres ONG demandent depuis des années l’amendement et le raccourcissement de cette phrase comme suit : "... la première partie informera l’autre. " (point à la ligne)

 

D’autres modifications de l’Accord ont été proposées dans une lettre envoyée aux Ministres de la Santé de tous les états membres de l’OMS aux Assemblées Mondiales de la Santé de 2001 et 2002 (Voir l’annexe 2 : lettre signée par le Prof. Abraham Béhar, ancien Président d’IPPNW France et Président d’ IPPNW Europe, P.D. Dr. Riond, et le Prof. Fernex, ainsi que le document distribué en 2001). Nous estimons que les termes de l’Accord peuvent par exemple expliquer pourquoi les conséquences génétiques n’ont pas été incluses dans le projet de recherche IPHECA de mai 1991, alors que les caries dentaires des enfants ont été étudiées par l’OMS.

 

Le Dr. Repacholi nous informe de son récent voyage au Belarus. La démonstration des liens du cancer du sein avec les radiations de Tchernobyl est inquiétante. Une recherche importante est en cours. Les 2 millions de dollars US fournis par le Japon sont dépensés à Gomel, ce qui nous donnera des connaissances plus approfondies sur le cancer de la thyroïde (carcinogenèse).

 

Au moment où il a voulu discuter de la libération  du Prof. Bandajevsky, le Dr. Repacholi a rencontré un accueil glacial, étant donné que les personnalités qu’il a rencontrées à Minsk étaient précisément celles visées par le rapport critique de Bandajevsky (Annexe 3). Amnesty International considère que ce rapport, rédigé en 1999  sur le travail effectué en 1998 avec un financement de 17 milliards de BY roubles, versés principalement par l’OMS, l’AIEA, l’OCHA, le Royaume Uni et l’Allemagne, par l’Institut de Recherche Clinique sur les Radiations et l’Endocrinologie (y compris par des chercheurs non indépendants), était la véritable cause de l’emprisonnement soudain de Bandajevsky, peu après qu’il ait remis son rapport qui lui avait été commandé par le Gouvernement.

 

Nous aimerions savoir si l’OMS est oui ou non d’accord avec les critiques scientifiques de Bandajevsky sur le travail réalisé par l’Institut sus-nommé, avec l’argent des contribuables.

 

Le Dr. Nabarrod nous demande quels projets nous suggérerions pour la tranche de population la plus touchée, à savoir les enfants ?

 

Une approche classique pour l’OMS est de mettre sur pieds des Groupes de Travail Scientifiques (GTS) sur les pathologies les plus importantes attendues dans une région. Nous pourrions en conséquence faire les suggestions suivantes :

 

1.      un GTS pourrait reprendre le travail du groupe de 1956 sur "Effets génétiques des radiations chez l'homme". (Rapport d'un groupe d'étude réuni par l'OMS, publié à Genève, 1957). A la place du Prof H.J. Muller, Prix Nobel de génétique, A.J. Jeffreys, Prix Nobel britannique pour la Génétique pourrait être sollicité pour choisir les meilleurs spécialistes dans ce domaine. Les publications de Dubrova n’ont été publiées dans NATURE, que grâce au fait que Jeffreys était co-auteur. Les méthodes découvertes par Jeffreys ont également été utilisées à Tchernobyl par les équipes suédoises d’Ellegren et al. et par d’autres en Israël dans des familles de liquidateurs.

 

2. D’autres approches par le groupe du Prof. Rose Goncharova à Minsk, devraient attirer l’attention : l’augmentation constante des altérations chromosomiques chez des rongeurs, vivant dans des régions plus ou moins contaminées entre Tchernobyl et Minsk, après plus de 20 générations, est frappante. Entre temps, la contamination radiologique de l’environnement décroissait progressivement. La réduction de la pollution chimique au Belarus est également marquée depuis Tchernobyl, étant donné que l’activité industrielle est réduite et que l’utilisation de pesticides dans l’agriculture est réduite ou supprimée  suite à la crise économique. Les études réalisées chez les poissons par ce groupe sont importantes, étant donné qu’à part la présence d’un peu plus de 1 Ci/km2 de 137Cs dans la vase, il n’y avait aucun autre produit chimique ou source de pollution dans l’eau des étangs, où ce groupe continue à étudier des carpes.

 

L’OMS a publié en 1996 un rapport Technique sur le "Contrôle des Maladies Héréditaires", où elle a rappelé l’absence de conséquences génétiques des radiations sur le génome après Hiroshima et Nagasaki. Cependant Tchernobyl doit être considéré comme un problème fondamentalement différent que celui de la bombe atomique. Les faits semblent confirmer cette différence dans tous les domaines de la pathologie : il y a une grande différence entre les effets biologiques d’une énorme irradiation ne durant que quelques secondes, et une irradiation chronique à très faibles doses des cellules, de l’intérieur même du tissu contaminé : par exemple une glande endocrine ou une gonade. Cette irradiation persiste pendant des années.

 

Les généticiens doivent étudier les faits. Après 10 à 17 années d’irradiation chronique interne par le 137Cs, 10% des radiations émis par cet isotope sont des rayons bêta, plus nocifs que les rayons gamma, étant donné qu’ils agissent localement. Les scientifiques doivent trouver de nouvelles manières de calculer le risque par unité de dose pendant des années. Des calculs basés sur une distribution homogène de césium dans l’organisme, et seulement sur son activité d’émetteur gamma, sont faux. Le césium peut se concentrer 100 fois plus dans un tissu spécifique (pancréas, thymus, glandes endocrine, cœur…) que dans d’autres (os, tissus graisseux, foie). 

 

2.  Un autre GTS pourrait se consacrer aux effets de l’incorporation du 137Cs  sur le système cardiovasculaire. Le Prof. Bandajevsky, un pathologiste, serait une figure clé. Le Dr. Galina Bandajevskaya, cardiologue et pédiatre pourrait aussi y contribuer. Dans des régions contaminées par 5 à 15 Ci de 137Cs/km2, jusqu’à 80% des enfants souffrent de symptômes cardiaques. La maladie est due à des altérations dégénératives du myocarde (la cardiomyopathie du césium a également été observée chez des rats recevant une nourriture contaminée, avec les mêmes altérations dégénératives dans les cardiomyocytes des rats, que celles que l’on observe chez des enfants contaminés au césium avec mort subite).

 

Etant donné que la cardiomyopathie est réversible pendant assez longtemps, il est urgent d’étudier ces maladies très courantes, de les prévenir ou de les guérir avec la contribution de l’OMS. Les affections vasculaires, en particulier l’hypertension chez les enfants augmentent également de manière importante avec une contamination croissante par le césium, et des complications comme les attaques cérébrales ou l’infarctus du myocarde.

 

3. Le radiocésium et la reproduction seraient un sujet essentiel pour un troisième GTS. L’accumulation de césium dans les glandes endocrines, les gonades et le placenta pourraient expliquer les avortements spontanés, la fragilité des nouveaux-nés, et l’augmentation des malformations congénitales, ainsi que celle de la stérilité. (Les travaux de Y. Bandajevsky et ceux de G. Laziouk n’ont malheureusement pas été publiés dans des revues occidentales.)

 

Pendant la conférence de l’AIEA à Vienne (1996), étant donné qu’il était assis dans le public avec une étiquette jaune (pas le droit d’intervenir) au lieu de l’étiquette officielle rouge, le Prof. Laziouk n’a pas été autorisé à protester lorsque le rapporteur officiel a dit (si Michel Fernex se souvient correctement de ses termes) : "La preuve qu’il n’y a aucune augmentation des malformations après Tchernobyl est l’absence de tout registre”.

 

En premier lieu, ce n’est pas une preuve scientifique, et, bien au contraire, le Belarus était le seul pays au voisinage de Tchernobyl à posséder un registre national fonctionnant bien, installé 5 ans avant Tchernobyl. Il est très inquiétant de voir que des experts étrangers (financés par le Commissariat français à l'Energie Atomique, CEA) sont en train "d’améliorer" et "de corriger" le Registre du Belarus. Les ONG considèrent que les sources de financement des "experts" devraient être examinées. Si un lobby particulier, le lobby du tabac ou le lobby nucléaire, finance des  recherches dans le domaine correspondant, les risques d’arriver à des conclusions biaisées augmentent.

 

4.  Tchernobyl et le système immunitaire  serait un autre sujet pour un GTS. Là aussi il faudrait concentrer la recherche chez l’enfant. Les spécialistes de l’AIEA affirment que le stress et la vodka sont beaucoup plus importants que les radiations. Cette affirmation est moins convaincante en présence de maladies de l’enfant. Dans les zones contaminées, les enfants reçoivent  2 à 3 repas “propres” par jour. Le suivi des paramètres immunologiques a commencé immédiatement après l’explosion par le Prof. Titov chez des enfants et par le Prof. Pelevina chez des rongeurs sauvages.

 

Les conséquences cliniques à long terme sont les allergies, une incidence accrue de l’asthme bronchique, l’allergie à des aliments, et des maladies auto-immune. L’épidémie de thyroidite de Hashimoto  est statistiquement proportionnelle à la contamination du sol par le césium. L’augmentation de l’incidence du diabète sucré type 1 est encore plus dramatique. Le diabète survient plus tôt qu’auparavant : en 1996, on a commencé à voir des cas âgés de 4 ans;  en 2000, il peut survenir chez des enfants âgés de 6 à 10 mois. Cette maladie, due à une îlotite auto-immune, n’augmente pas "parce que les médecins la cherchent", comme le disent en général les représentants du lobby : dans la règle, les enfants sont hospitalisés pour la première fois dans le coma.

 

Il serait essentiel de reconnaître les premiers signes d’une îlotite. Bandajevskaya a mis en évidence une tendance à l’hypoglycémie chez des enfants hautement contaminés. Ceci pourrait être un signe précoce d’altérations des cellules bêta. La prévention du diabète avant la destruction complète des îlots de Langerhans serait un sujet important à étudier pour l’OMS

 

5. Les atteintes neuropsychiques, en particulier dues à l’inhalation ou l’ingestion de différents isotopes de l’uranium ou du plutonium par les liquidateurs, pourraient être un sujet pour un GTS. En novembre 1995, le Ministre de la Santé de l’Ukraine a déclaré à Genève, que 10% des liquidateurs de son pays étaient déjà invalides. Au congrès OMS de Kiev en juin 2001, il a été déclaré que dans la plupart des républiques de l’ancienne Union Soviétique, la proportion des invalides parmi les liquidateurs dépassait les 30% !

 

La détérioration de l’état neurologique des liquidateurs est dramatique depuis 1998, et pourrait conduire à la mort rapide de ces  adultes qui étaient jeunes (33-34 ans) et en bonne santé lorsqu’on les a mobilisés pour déblayer la zone de Tchernobyl. Utilisant différentes méthodes, les neurologues décrivent la topographie des lésions, localisées principalement dans l’hémisphère gauche, et qui conduisent à une détérioration dramatique de l’état mental de ces sujets (ils étaient 600.000 selon les données présentées en 1995).

 

Le prof. Pierre Flor-Henry de l’Université d’Alberta à Edmonton, décrit une destruction des neurones principalement dans l’hémisphère gauche de ces patients. Les enfants irradiés in utero présentent également des atteintes du cerveau principalement localisées dans l’hémisphère gauche. Flor-Henry qui a étudié les atteintes neuro-psychiques chez des vétérans de la Guerre du Golfe, a décrit des lésions similaires à celles des liquidateurs. Par exemple. : le "chronic fatigue syndrome" est observé dans les deux groupes.

 

Il est peut-être trop tard de venir en aide aux victimes de la poussière contaminée par des atomes lourds émettant des radiations alpha  autour de Tchernobyl. Cependant, pour l’OMS, une étude des effets de particules ou atomes lourds, émettant de manière chronique des particules alpha dans les tissus environnants, serait utile : une mesure préventive pourrait être la décision de ne plus utiliser de l’uranium 238  dans les munitions, les tanks et les avions.

 

6 Autres sujets :

 

A. Le rôle d’un registre des cancers en cas de catastrophes environnementales? À partir de l’exemple de Tchernobyl pourrait faire l’objet d’un GTS. Après Tchernobyl, la plupart des cancers se trouvent encore en période de latence. L’étude de 1 - 2 types de cancers seulement peut masquer le véritable problème. Il y a quelques années, les tumeurs du cerveau étaient un sujet important en  Ukraine et à Minsk.

 

IPPNW regrette le démantèlement du Registre des Cancer du Belarus, peu après la Conférence de Vienne en 1996. Des chercheurs très proches de l’AIEA l’ont pris en main. Beaucoup estiment qu’Okéanov n’a pas été licencié à cause de sa conférence très claire à Genève en novembre 1995, mais parce qu’il a répondu à des questions, après la présentation du rapport officiel à Vienne en 1996, en contredisant ce que le rapporteur venait de dire (absence de tout cancer sauf celui de la thyroïde chez l’enfant exclusivement).

 

Le prof. Okéanov a perdu la direction de son ancien institut (avec des accusations similaires à celles utilisées pour emprisonner Prof. Bandajevsky), et il a été écarté pendant plusieurs années, son registre a été démantelé en trois parties.

 

Ayant été réhabilité récemment, certains observateurs pensent qu’il est encore possible de rétablir le Registre National des Cancers. Cependant, Okéanov peut encore être très menacé. L’un de ses propres collaborateurs, politiquement bien plus fort que lui, car il est très proche ou très favorable à la politique de l’AIEA, dirige une grande partie du Registre depuis 1996.

 

B. Les conséquences de Tchernobyl sur les fonctions gastrointestinales semblent importantes, bien que nous n’ayons pas beaucoup de documents sur ce sujet. Le stress sera difficile de distinguer de l’effet radiotoxique du césium. Le rein, le foie et d’autres organes devraient être étudiés, ainsi que la cicatrisation. La difficulté serait de trouver une corrélation avec l’accumulation du césium, étant donné que la plupart des hôpitaux n’ont pas d’anthropogammamètres. Lorsqu’il n’y a pas de données fiables pour les épidémiologistes des travaux expérimentaux seraient indiqués.

 

7. Toutes les données de l’équipe de Bandajevsky sur l’incorporation de radiocésium doivent être confirmées, étudiées à nouveau, et son travail expérimental doit être répété. Ceci nécessiterait une coordination internationale, que pourrait diriger un GTS.

 

Dans des centaines d’autopsies pratiquées chez des adultes, des enfants et des fétus, Bandajevsky a étudié la distribution comparative de ce radionucléide. La distribution de 137Cs dépend de l’espèce (humains, animaux), mais aussi de l’âge, de l’activité, du sexe etc.. Sous la direction de Bandajevsky, les collaborateurs de l’Institut de Médecine de Gomel ont étudié les modifications métaboliques produites par le radiocésium chez les rongeurs (et les humains). Bandajevsky a publié les données sur différentes altérations endocriniennes et hématologiques induites par le radiocésium, comparant les animaux et les humains vivant dans des régions plus ou moins contaminées, la ressemblance entre les données expérimentales et cliniques étant frappante.

 

Les malformations congénitales dépendant de l’accumulation de 137Cs dans le placenta de Hamster sont similaires à celles que l’on observe chez des fétus ou des enfants nés de mères contaminées. La concentration de 137Cs dans le placenta semble être le paramètre le plus important pour une corrélation avec les malformations chez les humains. Toutes les recherches  expérimentales doivent être répétées dans différentes espèces dans différents laboratoires. Ici encore l’OMS pourrait jouer un rôle de coordination important.

 

La corrélation se base souvent sur la contamination du sol par le 137Cs, ou sur les émissions de rayons gamma mesurés chez des humains ou des animaux. Bandajevsky a montré que ces mesures ne suffisent pas, les concentrations de 137Cs variant selon les organes: les valeurs les plus élevées ont été mesurées dans le pancréas, les surrénales, la thyroïde et le thymus chez les enfants, la charge de césium étant 100 fois plus élevée que dans l’os ou dans les tissus adipeux, 50 fois supérieur à la charge du foie. Une dosimétrie basée sur des spéculations, des valeurs moyennes et les mathématiques, devrait être remplacée par des mesures précises et directes de la contamination radioactive..

 

Les travaux expérimentaux pourraient servir à élaborer des mesures préventives ou thérapeutiques pour la population exposée. Bandajevsky a déjà montré que la pectine de pommes naturelle avait la propriété de réduire l’absorption de radiocésium chez les rats (idem pour le strontium), et de prévenir la cardiomyopathie chez l’animal, (également chez les enfants, comme semblent le montrer les données préliminaires de Bandajevskaya).

 

La pectine accélère l’élimination du césium de l’organisme. Les mécanismes n’en sont pas encore bien connus. On pourrait étudier d’autres adsorbants. Des extraits de pectine de pommes, avec un degré de pureté de 12 à 16% sont bon marché et capables de mobiliser le césium hors de l’ organisme des enfants. Elle est largement utilisée pour protéger les enfants dans les régions contaminées d’Ukraine et plus récemment au Belarus (voir annexe 4 : manuscrit de Nesterenko & coll.).

 

 

Le Dr. Nabarrod nous demande si nous serions favorables à la publication des actes de la Conférence de l’OMS en 1995.

 

Les Actes, que l’OMS avait prévu de vendre aux participants, auraient été un best-seller en mars 1996, la date prévue et promise par les organisateurs de la Conférence de l’OMS en 1995. En 2002 ou 2003, cette publication aurait toujours un intérêt historique, mais n’apporterait pas de révélations scientifiques, étant donné que 70% des exposés ont été publiés ailleurs. Les controverses dans les discussions seraient intéressantes.

 

La présentation complète du Prof. Okéanov en 1995, serait encore importante. La présentation du Ministre de la Santé d’Ukraine n’a pas été publiée, où il indiquait que déjà 10% des liquidateurs étaient invalides (à présent, un tiers d’entre eux est invalide, c’est un grave problème pour toutes les républiques de l’ancienne Union Soviétique), et que le diabète augmentait rapidement dans son pays (et pas à cause de la suralimentation, le pays devenant de plus en plus pauvre). Le discours de Claude Haegy, du Gouvernement de Genève était aussi très stimulant.

 

D’autres articles vaudraient la peine d’être publiés, mais le nombre des lecteurs serait 100 fois moindre que si les actes complets avaient été publiés en mars 1996. Entre temps, les connaissances ont augmenté. Les discussions auraient été intéressantes. Des remarques comme celles du Prof. Yarmonenko, disant : “Si dans un congrès, une conférence mentionne les effets des faibles doses de radiations, les organisateurs devraient immédiatement exclure cet orateur ! " Nous savons maintenant que le génome peut être altéré par de très faibles doses de radiations, et que ces altérations peuvent persister pendant des générations. Cependant, ceci ne peut justifier les efforts et les coûts de la  publication de tous les actes de la Conférence de l’OMS en 1996, après un retard de sept ans.

 

Le Dr. Nabarrod déclare très clairement qu’il veut que les scientifiques restent indépendants dans tous les projets de l’OMS. Il exige objectivité et transparence et refuse toute interférence de l’extérieur, même de l’AIEA. L’offre de nous permettre de continuer à communiquer par téléphone ou e-mail, est aussi une conclusion très constructive exprimée par le Dr. Nabarrod.

 

Nous sommes très reconnaissants pour l’engagement et le souci exprimé pour les populations affectées, spécialement pour les enfants de la région de Tchernobyl. Un message du Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan, déclare que 9 millions d’adultes, plus de 2 millions d’enfants, souffrent des conséquences de Tchernobyl, et la tragédie ne fait que commencer. "L’héritage de Tchernobyl restera avec nous et nos descendants, pour les générations à venir ".