Ni catastrophe, ni accident — simple incendie?
D.M.Grodzinski (Ukraine)n V.B.Nesterenko (Belarus), A.V.Yablokov (Russie)
(Notes en marge du rapport 2002 de l'ONU)
En juillet-août 2001 six experts de Russie,
Belarus et Ukraine ont été chargés par diverses organisations de l'ONU de
recueillir "des informations utiles et fiables sur les conséquences
humanitaires de l'accident à la centrale nucléaire de Tchernobyl". Se
fondant sur "une analyse rigoureusement scientifique des données factuelles",
obtenues par observation ainsi que fournies par les autorités locales des
territoires contaminés, ces représentants du Goscomhydromet et du Comité
Tchernobyl du Belarus, du Ministère des situations d'urgences, du Centre de
médecine radiologique, de l'Institut de sociologie et de la Chambre haute
d'Ukraine, ainsi que de l'ONG "Taïfun" et de deux établissements scientifiques
de l'Académie des sciences de Russie absents de la liste officielle des
établissements académiques (il s'agit d'un soi-disant "Laboratoire de
dosimétrie écologique et médicale" et de "l'Institut de sécurité
nucléaire de l'Académie des sciences de Russie"), ont élaboré une série de
recommandations à l'attention de la communauté internationale et des
gouvernements du Belarus, d'Ukraine et de Russie concernant les problèmes liés
aux conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. Pour ce faire, ils se sont
servi des Rapports des programmes nationaux consacrés à Tchernobyl (les
matériaux déjà cités de Goscomtchernobyl et du Ministère de l'Education du
Belarus, du Ministère des situations d'urgence d'Ukraine et le rapport russe sur
la qualité de l'eau dans la région administrative de Briansk) et de l'analyse
"d'articles scientifiques, d'actes normatifs et d'autres publications". Le
rapport de ces experts à l'ONU, publié sous forme de livre en anglais et en
russe et intitulé "Les conséquences humanitaires de l'accident à la centrale
atomique de Tchernobyl", fut solennellement présenté aux médias et au public en
février 2002 à New-York, Minsk, Kiev et Moscou.
Il existe deux points de vue diamétralement opposés sur Tchernobyl. Ces deux
positions se reflètent également dans les structures de l'ONU: l'UNSCEAR, l'AIEA
et l'OMS clament d'une seule voix qu'à part quelque 1800 cancers de la thyroïde
causés par une irradiation dans l'enfance et la mort de plusieurs dizaines de
"liquidateurs", il n'y a pas d'autres conséquences de la radiation due à
Tchernobyl établis avec assurance. D'autre part le Secrétaire général des
Nations Unies, M. Kofi Annan a écrit en 2000 dans la préface à une publication
de l'Office de l'ONU sur la coordination des affaires humanitaires: " Il se
peut qu'on ne connaîtra jamais le nombre exact de victimes. Mais les trois
millions d'enfants qui réclament des soins - non pas en 2016 mais bien plus tôt
- nous donnent une idée du nombre de gens qui risquent de tomber gravement
malades… Leur avenir en sera mutilé comme l'est leur enfance. Nombreux mourront
avant terme. Pouvons-nous les laisser vivre et mourir avec le sentiment que le
monde est indifférent à leur déplorable situation?"
Le rapport 2002 de l'ONU est une tentative de
réconcilier ces deux points de vue : ainsi trouve-t-on parmi les organisations
qui l'ont financé l'OMS, connue pour ses sympathies pour le nucléaire, mais
aussi la Fondation pour l'Enfance de l'ONU (UNICEF), le Programme de
développement de l'ONU (UNDP) et l'office de coordination des affaires
humanitaires (UN OCNA).
La tragédie de Tchernobyl a touché des millions de personnes, c'est un événement
à l'échelle du globe qui témoigne à la fois de l'aventurisme des promoteurs du
nucléaire, de la lâcheté et de l'héroïsme, des souffrances et de la solidarité
des hommes de la terre. Tchernobyl continue à placer l'humanité devant de
nombreux problèmes et parmi ceux-ci le plus important : que faire pour diminuer
la souffrance des populations, comment normaliser la vie dans les territoires
contaminés? L'envergure économique du problème vaut son échelle humaine : des
dizaines de milliards de dollars ont déjà été dépensés mais les dépenses à venir
sont encore bien plus importantes.
On trouve dans le rapport de l'ONU des paroles fort justes sur l'importance
d'une aide internationale efficace; les mesures qui y sont proposées
contribueront sans aucun doute à la consolidation des efforts de la communauté
internationale. Nous sommes entièrement d'accord avec les auteurs du Rapport
lorsqu'ils disent qu'il est "nécessaire d'avoir une information complète,
véridique et précise sur les conséquences de l'accident" et que tout
argument doit être soumis à "une expertise détaillées et honnête". Mais
la lecture attentive du Rapport nous oblige à conclure que ce document de l'ONU
manque justement de véracité, et que l'information qu'il donne n'est ni
complète, ni objective.
Le Rapport affirme par exemple que les retombées radioactives "continueront
encore à agir sur la population des campagnes pendant plusieurs dizaines
d'années". C'est faux. La contamination par le césium et le strontium, même
affaiblie avec le temps, continuera à agir encore pendant plusieurs centaines
d'années (dix périodes de demi-vie), quant aux territoires contaminés par le
plutonium et l'americium, ils resteront dangereux à jamais, pendant de nombreux
millénaires. Notons d'ailleurs que même après la baisse de la radioactivité due
à la transformation naturelle des radionucléides, la contamination des gens peut
ne pas diminuer et même — comme le montre l'expérience — augmenter: c'est
précisément ce que l'on constate actuellement partout dans les territoires
contaminés par Tchernobyl.
Il est également incorrect d'affirmer que les risques liés au premier impact de
la radioactivité "se sont déjà réalisés". On sait que la radiation
provoque une transformation du matériau génétique (mutations) et que ces
changements génétiques sont héréditaires. Rien que pour cette raison le choc
radiologique de Tchernobyl se fera malheureusement encore sentir dans les
nombreuses générations à venir. On sait en outre que les cancers radio-induits
n'apparaissent pas immédiatement : le cancer du sein et des poumons — au bout de
20 ans, le cancer du colon au bout de 30 ans. Ce n'est donc qu'après 2016 que
les risques se seront réalisés pour ceux qui ont reçu le premier choc
radiologique en 1986.
Les phobies sans fondement ne sont certes d'aucun secours. Cependant prendre la
radiation à la légère est tout aussi dangereux. Lorsqu'on nous affirme qu'il est
possible "de créer un environnement favorable" dans les territoires
contaminés, on ment. L'environnement y sera toujours défavorable. Par contre
même dans un milieu aussi défavorable, il est possible d'organiser la vie de
manière à écarter dans une certaine mesure le danger si on s'applique à suivre
tout une suite de règles et à respecter tout une suite d'interdits (voir
ci-dessous). Mais il est clair qu'au cours des siècles à venir il faudra prendre
bon nombre de diverses mesures pour que la vie se poursuive dans ces
territoires.
En insistant toujours sur le fait qu'il est possible de vivre sans danger dans
les territoires contaminés, les auteurs affirment "qu'il existe des espèces
agricoles que l'on peut cultiver sans danger sur des sols contaminés par les
radionucléides". Nous avons encore affaire à une demi vérité. Il est vrai
que certaines espèces de végétaux accumulent moins de radionucléides que
d'autres. Par exemple il y a cinq fois moins de strontium radioactif dans le blé
cultivé sur un sol contaminé que dans l'orge ou le pois cultivés sur le même
sol; deux fois moins de radionucléides accumulés dans les pommes de terre que
dans la betterave etc… On peut même distinguer les espèces d'arbres par la
manière dont ils accumulent les radionucléides. Cependant il n'existe pas de
végétaux qui n'absorberaient pas du tout de radionucléides à partir du sol. Cela
signifie qu'il faudra longtemps encore poursuivre le contrôle radiologique des
produits alimentaires.
La thèse centrale du chapitre écologique du Rapport est également fausse au
point de vue scientifique. On y propose d'utiliser "le potentiel" des
territoires contaminés pour "remplir les obligations internationales des
trois pays concernant la protection de la diversité biologique", d'utiliser
les écosystèmes des forêts et des marécages "dans le but de la conservation
de la diversité biologique". Dans la zone contaminée par Tchernobyl il peut
sembler que la vie sauvage, libre de l'influence de l'homme, est
particulièrement riche mais cette zone ne peut en aucun cas être considérée
comme une réserve normale et saine des diverses formes de vie. Les études
effectuées aussi bien dans les territoires contaminés par Tchernobyl que dans
les territoires de l'Oural de l'Est et d'autres régions précédemment contaminées
(par exemple dans la région de l'explosion de Totsk près d'Orenbourg) ont montré
que des dizaines de générations plus tard une instabilité génétique survient
dans les populations d'organismes vivants qui ont subi le choc radiologique. De
plus la santé des animaux et des plantes nés dans ces territoires est bien
problématique. Le fait que la plupart des oiseaux ne reviennent pas sur les
lieux après l'hivernage, par exemple, semble montrer qu'ils périssent en grand
nombre au cours du premier hiver. L'appareil génétique des espèces animales et
végétales des territoires contaminés que l'on a étudiées s'avère altéré. La
diversité biologique dans ces territoires n'est qu'une illusion extérieure. En
réalité la santé de ce milieu est sérieusement perturbée. Ces territoires ne
constituent pas une réserve de vie, ils sont bien au contraire une sorte de
tumeur cancéreuse sur le corps de la nature vivante. Scientifiquement parlant le
problème n'est pas d'utiliser cette diversité biologique radioactive mais d'en
protéger les autres populations.
Mais c'est probablement dans leur étude de la morbidité dans les populations des
territoires contaminés que les auteurs du Rapport font les plus sérieuses
entorses à la vérité.
Ils affirment que l'augmentation des malformations innées liée à un excès
d'irradiation ne se voit pas confirmées par des données statistiques. C'est faux
: ces données existent. C'est ainsi que de 1986 à 1995 sur tout le territoire du
Belarus la fréquence des malformations innées importantes (bec de lièvre et
fission du palais, anomalie de la formation des membres, altération du
développement du système nerveux central et du système de circulation sanguine,
fermeture de l'œsophage ou de l'anus etc.) a augmenté de 40% (elle est passée de
12 à 17 pour 1000 nouveau-nés) et si l'on compte les fœtus avortés pour
malformation, elle a augmenté de 80% (jusqu'à 22 cas sur 1000). Certaines autres
données montrent que de 1988 à 1999 la fréquence des malformations innées en
Bélarus a plus que doublé. Des données statistiques confirmant l'augmentation
des malformations innées existent également pour les territoires contaminés
d'Ukraine et de Russie.
Nombre de cas de malformation innées sur 100.000 nouveau-nés dans les régions
administratives de Briansk et de Kalouga (Balaïeva et co, 2001)
Région |
1990 Ý. |
1998 Ý. |
Augmentation |
Kalouga |
104,7 |
û52,6 |
x 3,4 |
Briansk |
32,3 |
404,2 |
x 12,5 |
L'argument habituel contre ce genre de statistiques consiste à dire que l'augmentation observée n'est qu'un effet de "screening", c'est à dire provient de l'attention excessive portée à la fixation de ces cas. Mais cet effet ne peut survenir dans l'étude d'une seule et même région par les mêmes personnes et les mêmes méthodes. Pourtant c'est précisément dans les régions contaminées que l'on observe l'augmentation significative de cas de malformation innée. Ces données existent pour de nombreuses régions du Belarus (Gomel, Moguilev), d'Ukraine (Jitomir) et de Russie (Briansk). Grâce à ses services de statistiques développés, l'Allemagne dispose également de données de ce genre. Après une minutieuse analyse des statistiques médicales, on y a récemment découvert qu'en Bavière, la région d'Allemagne du sud la plus touchée par les retombées de Tchernobyl, le nombre de cas de malformations innées avait atteint un maximum en novembre-décembre 1987, c'est à dire 7 mois après le pic de la concentration du césium dans le corps de la mère. Le fœtus qui se développait dans le corps de la mère s'est avéré le plus sensible à l'action tératogène des radionucléides pendant le second mois de la grossesse. On observe dans les territoires contaminés du Belarus une augmentation du pourcentage de nouveau-nés morts suite à des défauts du développement du système nerveux, une augmentation de mort-nés… Tout cela montre que sous l'action de doses même relativement faibles de radiation, des altérations incompatibles avec la vie surviennent dans le développement du fœtus. La détérioration catastrophique de l'état de santé des enfants pour toutes les maladies dans les territoires contaminés ne laisse aucun doute : si en 1985 plus de 80% des enfants vivant dans ces territoires étaient en bonne santé, en 2000 il n'y en avait plus que 20%. Dans les régions méridionales les plus touchées de la région de Gomel il n'y a pratiquement aucun enfant en bonne santé.
Affirmer, comme on le fait dans le Rapport, que l'augmentation de la mortalité
"ne peut être le résultat de Tchernobyl" pour la seule raison qu'on
observe ce phénomène dans l'ensemble de l'ex-URSS, manque de rigueur
scientifique. La mortalité a en effet augmenté dans toute l'ex-URSS mais,
premièrement, cette augmentation a atteint une valeur observable justement après
1986 et il n'est pas exclu qu'une des raisons de cette augmentation soit due aux
retombées de Tchernobyl qui ont recouvert des territoires où habite plus de la
moitié de la population de l'URSS. Deuxièmement, cette augmentation de la
mortalité est particulièrement importante précisément dans les territoires
fortement contaminés.
Mortalité (per mille) dans la région de Briansk
1998-1999
(Komogortseva, 2001)
Mortalité |
Dans l'ensemble de la région |
Dans les 3 districts les plus contaminés par les radionucléides |
Des nourrissons |
10,2 |
17,2 |
Générale |
16,3 |
20,1-22,7 |
|
|
|
L'affirmation du Rapport que "la structure de la morbidité dans les territoires contaminés reste analogue à celle des autres régions de l'ex Union Soviétique" est une affirmation mensongère. Là où l'on dispose de statistiques fiables, on voit qu'après la catastrophe, on observe une augmentation importante des avortements spontanés et des mort-nés en plus de l'augmentation de la mortalité. Pour ce qui est des autres changements dans la structure de la morbidité de la population des territoires contaminés (par rapport à celle de la population des territoires voisins où les conditions sociales et économiques sont analogues), on observe:
l'augmentation du nombre de nouveau-nés malades ou affaiblis;
l'augmentation du nombre d'altérations génétiques et de malformations innées;
l'augmentation du nombre de cancers (et pas seulement de la thyroïde);
des troubles du développement mental (retard), neurologique et psychique;
l'augmentation des cas de maladies psychiatriques (y compris la schizophrénie);
une altération de l'immunité et du statut hormonal (endocrinien);
l'augmentation du nombre de maladie des organes de la circulation sanguine et du système lymphatique, des systèmes respiratoire et urinaire, de la peau, des glandes de sécrétion interne et des organes de la vue;
des troubles de la croissance des enfants, amaigrissement anormal;
un rétablissement anormalement long après la maladie;
un vieillissement prématuré.
Les maladies induites par les retombées de Tchernobyl se comptent par dizaines. On ne peut les expliquer ni par l'effet du "screening", ni par des facteurs socio-économiques, car les territoires comparés ne se distinguent que par leur niveau de contamination. Dans le Rapport de l'ONU on mentionne bien certaines des maladies en les accompagnant de réflexions du genre "ce qui n'est pas absolument certain", "c'est possible, ce n'est pas sans fondement", "ce n'est pas confirmé par des données statistiques". Ces expressions viennent de toute évidence cacher des données statistiques absolument fiables. Voici un exemple concret. Parmi les conséquences déterminées par la catastrophe, les auteurs du Rapport mentionnent l'apparition de cataractes chez les liquidateurs qui ont reçu de fortes doses de radiation. Mais ils ne disent pas que ce phénomène ne concerne pas uniquement les liquidateurs et qu'on l'observe aussi chez les habitants des territoires contaminés . Chez les gens évacués de la zone de contrôle rigoureux (plus de 40 Ci/km_) il se manifeste même avec plus d'évidence que chez les liquidateurs.
Fréquence de l'apparition de cataractes
(sur mille)
au Belarus de 1993 à 1994
(Goncharova, 2000)
Fréquence moyenne pour le pays |
Dans la zone de 1 — 15 Ci/km2 |
Dans la zone de plus de 15 Ci/km2 |
Chez les gens évacués de la zone de plus de 40 Ci/km2 |
Chez les liquidateurs |
136,2* |
189,6* |
225,8* |
354,9* |
281,4* |
146,1 |
196,0 |
365,9 |
425,0 |
420,0 |
* 1993 Ý.
Dans leur analyse des données sur les conséquences sanitaires et biologiques de la catastrophe, les auteurs du Rapport laissent se glisser dans leur raisonnement deux erreurs méthodologiques. La première concerne la logique de l'argumentation. Pour justifier leur refus de prêter attention aux données existantes, dans plusieurs endroits du Rapport ils parlent de la nécessité "d'effectuer des recherches scientifiques rigoureuses et reconnues par la communauté internationale", de dégager des "conséquences scientifiquement fiables", de procéder à "des études scientifiques méthodologiquement fondées et sans parti pris", d'être "fidèles aux protocoles scientifiques reconnus dans le monde", d'obtenir des "preuves faisant autorité", de faire "des recherches scientifiques de qualité", d'avoir " un programme de recherches scientifiques reconnu par la communauté internationale", d'avoir "des résultats fiables et objectifs", sous-entendant par là même qu'une grande partie des données recueillies ne correspondent pas à ces critères. On peut ignorer les études existantes uniquement si la comparaison des données recueillies "non conformément aux protocoles scientifiques internationaux" avec celles obtenues conformément à ces protocoles nous montre que les études faites dans les mêmes régions selon des méthodes différentes donnent des résultats différents: il serait alors normal d'exiger une vérification. Tant qu'une telle comparaison n'a pas été faite, il est incorrect du point de vue méthodologique (et moralement inadmissible) d'ignorer les résultats des études scientifiques faites précédemment. Ceux qui les ignorent font preuve de parti pris vis à vis des résultats des recherches qui montrent que la santé des habitants des territoires contaminés se dégrade. Même si l'on accepte le point de vue des auteurs du Rapport et si l'on écarte les milliers d'études qui selon eux ont été effectuées selon des méthodes incorrectes, on n'a pas le droit de conclure à l'absence de conséquences sanitaires pour la seule raison que les données manquent.
La seconde erreur méthodologique des auteurs du Rapport consiste à ignorer le
principe de précaution. L'histoire de l'humanité montre que dans les cas où nous
ne pouvons affirmer avec certitude que nos actes sont inoffensifs, nous devons
supposer qu'ils peuvent avoir des conséquences dangereuses. Les auteurs du
Rapport reconnaissent que la catastrophe de Tchernobyl présente encore de
nombreux aspects peu clairs aux conséquences incertaines: on ne sait pas tout
des premières doses reçues dans les premiers jours qui ont suivi la catastrophe,
des particularités de la distribution géographique des radionucléides tombés sur
le sol, de l'irradiation future des habitants des zones contaminées, des
conséquences sanitaires et génétiques de l'impact radiologique. Qui plus est —
on parle dans le Rapport de la nécessité d'étudier "l'éventuel lien entre le
cancer du sein chez les jeunes femmes et chez les femmes qui allaitaient au
moment de l'accident et de la radiation", "entre la radiation et le cancer du
sein, du cancer de la thyroïde chez les adultes et la santé des participants à
la liquidation des conséquences de l'accident"; "la répartition du césium dans
les tissus biologiques et les risques d'altérations spécifiques", "l'éventuel
impact de la radiation sur le développement intra-utérin". Comment les
auteurs du Rapport peuvent-ils affirmer que "les conséquences sanitaires de
la radiation sont exagérées" s'ils reconnaissent eux-mêmes que nos
connaissances scientifiques sur ce sujet sont encore bien insuffisantes? Tout en
reconnaissant que nous ne connaissons pas encore tous les risques possibles,
comment peuvent-ils affirmer qu'il n'y a aucun danger!
On ne peut que s'étonner du fait que tout en citant les aspects qu'il est
nécessaire d'étudier scientifiquement dans l'avenir, ils ne mentionnent même pas
tout une suite de questions liées à l'impact de la radiation qui nécessitent une
étude non moins urgente. Citons parmi ces aspects l'action de la radiation :
sur la santé génétique de la population;
sur le système nerveux central et les organes des sens;
sur la lésion de l'endothélium (les parois des vaisseaux);
sur l'atteinte à l'immunité;
sur l'atteinte au système hormonal;
sur le vieillissement prématuré de l'organisme;
sur l'augmentation de la mortalité de certains groupes d'âge.
Dans leur recommandations les auteurs du Rapport ont laissé de côté de nombreuses questions de principe fort importantes, ce qui fait douter de l'ensemble de la stratégie qu'ils proposent, y compris de leur "nouvelle approche" (p. 158, 159), qui consiste à résoudre le problème de Tchernobyl en trois étapes: l'étape "de la résolution des problèmes d'extrême urgence", 1986-2001, l'étape de la "réhabilitation", 2002-2012, et l'étape de la "gestion" après 2012. Il est inquiétant de voir que les auteurs ne prévoient que pour 2012 "d'effectuer une analyse plus approfondie de l'état des choses…, de définir les besoins courants dans les domaines tels que la santé publique, l'écologie et la recherche scientifique". Selon nous il faut faire tout cela immédiatement et continuer en permanence sans attendre la fin de la prochaine décennie.
Les auteurs du Rapport s'écartent de l'objectivité qu'ils déclarent (et du but
essentiel du Rapport) lorsqu'ils manifestent ouvertement leur attitude favorable
vis à vis de l'industrie nucléaire qui est à l'origine de la catastrophe. Ceux
qui travaillent dans le nucléaire répètent depuis longtemps que Tchernobyl n'est
qu'un accident technologique qui a causé la mort de plusieurs dizaines de
personnes, moins de 2000 malades du cancer de la thyroïde (facile à traiter),
que ses conséquences sont exagérées et proviennent surtout du stress causé par
la radiophobie et les évacuations trop rapides de la population, bref, qu'il est
grand temps "d'oublier Tchernobyl". Bien que les auteurs déclarent dès les
premières lignes du Rapport — on se demande pourquoi — qu'ils ont travaillé
"sans aucune pression de la part de quelque organisation ou personne intéressées
que ce soit", ils affirment à l'unisson avec les défenseurs du nucléaire que
les craintes de la population concernant la contamination radioactive et ses
conséquences sont "non fondées" et même qu'elles sont dues à des
"provocations". Les auteurs du Rapport vont plus loin que les promoteurs du
nucléaire et au lieu de parler "d'accident", parlent maintenant de
"l'incendie à la Centrale nucléaire de Tchernobyl", comme cause de la
propagation de radionucléides. Parler ainsi est dire des choses foncièrement
fausses car les radionucléides ont été projetés dans l'atmosphère non pas à
cause de l'incendie mais de l'explosion du réacteur nucléaire. L'incendie à la
centrale de Tchernobyl est un événement second. L'utilisation de termes
"d'incendie" a pour but de calmer les esprits: parler de catastrophe est combien
plus inquiétant que parler d'incendie.
Les auteurs du Rapport ne cachent pas leur inquiétude de voir se développer
l'industrie nucléaire et disent que "le sort de la population des villes et
villages contaminés restera au centre de toute nouvelle discussion sur le
développement de l'énergétique dans les années à venir" et que "les
compagnies mondiales travaillant dans le domaine de l'énergie sont intéressées à
ce que ces problèmes soient résolus et que l'avenir de l'énergie nucléaire soit
examiné sans émotions mais raisonnablement en se fondant sur les arguments et
les faits". N'est-il pas surprenant de voir les auteurs de l'analyse de la
catastrophe humanitaire si soucieux du développement de l'énergie nucléaire?
Si les auteurs du Rapport reprennent la thèse des promoteurs du nucléaire en
répétant que la mort de 39 personnes fortement irradiées fut la conséquence
déterminée avec le plus d'évidence par Tchernobyl, ils ne disent rien des
données de "l'Union Tchernobyl", association regroupant les participants à la
liquidation des conséquences de l'accident (les liquidateurs), selon lesquelles
près de 70% des liquidateurs sont malades (troubles du système endocrinien 10
fois plus fréquent que la moyenne pour la Russie, troubles psychiques — 5 fois
plus fréquents, maladie du système de circulation sanguine et digestif — 4 fois
plus fréquent qu'en moyenne pour la Russie). Les liquidateurs deviennent
invalides quatre fois plus souvent que le reste de la population. En général le
sort des 600.000 liquidateurs est également un des aspects humanitaires
importants de l'accident qui mérite qu'on y attire l'attention de l'ONU. On sait
que les altérations du matériel génétique subies par les liquidateurs se
transmettent aux générations suivantes.
Les auteurs du Rapport sont de facto solidaires avec les promoteurs du nucléaire
qui répètent depuis longtemps que l'arrêt du développement de l'industrie
nucléaire est une des conséquences les plus tragiques de Tchernobyl et "qu'il
est temps d'oublier Tchernobyl". Certes les gouvernements de tous les pays
victimes de Tchernobyl ont intérêt à minimiser les dépenses destinées à pallier
aux conséquences. Pour les uns comme pour les autres, moins on sera au courant
des maladies radio-induites, mieux cela vaudra. Ce refus de connaître la triste
vérité se manifeste par l'arrêt des recherches consacrées à Tchernobyl dans les
établissements d'état, l'abaissement du statut des organes chargés des aspects
sociaux du problème de Tchernobyl et même par l'écartement direct des chercheurs
les plus actifs et les plus honnêtes des études scientifiques (comme c'est le
cas au Belarus pour le prof. Y.Bandazhevsky).
Pour ce qui est de l'analyse des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl,
on observe aujourd'hui le même phénomène que pour l'étude des conséquences
sanitaires du bombardement de Hiroshima et Nagasaki au début d'août 1945. Les
Forces d'occupation avaient alors interdit de procéder à toute recherche
consacrée à l'influence de la radiation. Celles-ci n'ont été autorisées qu'en
1950, quatre ans et demi plus tard, quand l'information la plus importante sur
l'effet de la radiation était à jamais perdue. Notons que ce sont précisément
ces données statistiques châtrées qui ont servi de base à toutes les normes de
sécurité radiologique en vigueur actuellement. Ces normes ont été élaborées sans
tenir compte de la mortalité exagérée des groupes les plus sensibles de la
population — les enfants, les vieillards, les malades — et sont incapables
d'assurer efficacement notre protection. Comme l'a récemment avoué un des plus
grands spécialistes russes en radioprotection, le directeur du complexe "Radon"
de Moscou: "L'élaboration des normes de radioprotection s'est révélée dès le
début une forme de révérence à l'industrie nucléaire". Cette attitude est à la
source de nombreux millions de morts au XX siècle. Ces morts sont dus au
développement de l'industrie nucléaire et avant tout, certes, aux essais
nucléaires dans l'atmosphère, mais aussi à l'irradiation par rayons X, au
traitement du carburant nucléaire et au travail ordinaire dans les centrales
atomiques.
Les données de Tchernobyl subissent sous nos yeux le même sort que celui réservé
par les promoteurs du nucléaire aux données de Hiroshima et Nagasaki. On nous
propose d'admettre que toutes les données réunies par les nombreux chercheurs du
Belarus, d'Ukraine et de Russie n'ont aucune valeur scientifiquement et de
recommencer à zéro l'étude des conséquences de la catastrophe maintenant que 15
ans se sont écoulés et qu'une énorme quantité de données est irrécupérable.
Que devons-nous donc faire? Quelle doit être notre stratégie pour que notre
action soit efficace? Essayons d'en tracer les contours.
Bien qu'il ne puisse être question de réhabiliter entièrement les territoires
contaminés, on peut et on doit entreprendre un ensemble de mesures pour
minimiser les conséquences humanitaires de la catastrophe. Il faudrait avant
tout avoir un instrument de mesure sûr. Le calcul de la charge radioactive subie
par les populations se base actuellement sur la densité de la contamination des
territoires et s'avère fort imprécise. Il faut le remplacer par la mesure
objective et précise de la charge corporelle accumulée par chaque individu. Dans
un seul et même village les doses reçues par les habitants peuvent sensiblement
varier d'une personne à l'autre. Cela peut dépendre d'un tas de choses (de la
contamination par taches du territoire, du régime alimentaire etc.) Une
stratégie efficace se doit d'être individualisée au maximum et tournée en
premier lieu vers ceux qui ont le plus souffert ou qui affrontent les plus
grands risques. Réaliser une telle approche individualisée est tout à fait
possible, il y a tout ce qu'il faut pour cela: des appareils pour mesurer le
rayonnement humain (les spectromètres de rayonnement humain ou SRH), des
méthodes pour analyser les valeurs de l'irradiation accumulée au cours de tout
une vie au moyen de la dosimétrie de l'émail dentaire, et par les modifications
survenues dans les molécules des protéines (méthode FISH). D'autres méthodes
objectives de dosimétrie individuelle peuvent très certainement être élaborées
si l'on attire l'attention des scientifiques vers ce problème et si l'on leur
donne les moyens nécessaires.
La reconstitution de la contamination des premiers jours et semaines qui ont
suivi l'accident fait également partie de l'étude objective telle que nous
l'entendons. Les premiers jours les charges radioactives étaient des centaines
et des milliers de fois plus importantes que maintenant à cause des
radionucléides à vie brève. Il s'agit de l'action non seulement de l'iode 131,
mais du lantan 140, tellurium 132, neptunium 239, xénon 133, baryum 140 et
d'autres. Il se peut que les effets peu clairs observables actuellement peuvent
s'expliquer par l'impact bref et puissant de ces radionucléides rares.
Il est nécessaire de créer auprès de l'ONU un fonds d'aide aux victimes des
catastrophes nucléaires. Il y a dans le monde près de 430 réacteurs en
fonctionnement; à mesure qu'ils vieillissent, les risques d'accident augmentent.
Pas de doute: nous devons nous attendre à de nouvelles catastrophes dans les
centrales atomiques. Ce fonds devrait se constituer grâce à des versement
obligatoires représentant un pourcentage de revenu provenant de la vente de
l'énergie électrique par les pays propriétaires de centrales atomiques.
Comme les habitants des territoires contaminés par les retombées de Tchernobyl
reçoivent actuellement 90% de leur charge radioactive par les aliments de
production locale contaminés par les radionucléides, il faudra poursuivre
pendant de nombreuses dizaines d'années encore le contrôle de la contamination
de ces produits et des charges incorporées par les habitants (au moyen de
l'anthropogammamétrie). Il faut établir des cartes de la contamination de la
population par les radionucléides (et tout d'abord des enfants) et marquer les
régions à surveiller tout particulièrement.
La radioprotection de la population doit s'appuyer sur la charge corporelle
annuelle du groupe critique, c'est à dire du groupe le plus contaminé de la
population. Des mesures au moyen du SRH doivent être effectuées dans chaque
localité sur un échantillon fiable constitué de représentants de divers groupes
sociaux (20% de la population est une proportion suffisante). Les seuils (1
mSv/an pour les adultes) doivent être établis en tenant compte du groupe
critique des habitants du village (plus de 10). La loi biélorusse "De la
protection sociale des citoyens victimes de la catastrophe à la centrale de
Tchernobyl" a été complétée en 2001 par une exigence extrêmement importante, à
savoir que les mesures de protection doivent être poursuivies même si la charge
annuelle diminue de 1 à 0,1 mSv/an.
Plus de 4 millions de personnes habitent dans les régions de l'ex-URSS
contaminées par les retombées de Tchernobyl y compris près d'un million
d'enfants. Etablir des niveaux rigoureux d'admissibilité de la concentration des
radionucléides dans les aliments et veiller à ce qu'ils soient réellement
appliqués serait une mesure efficace importante de radioprotection. La
contamination du lait par les radionucléides dans une localité précise est un
indice suffisant du danger qu'il y a pour la santé des enfants à vivre dans
cette localité. Selon les données du Ministère de la Santé du Belarus pour 2001,
il y a 1100 villages où la concentration de césium 137 dans le lait dépasse 50
Bq/kg et 350 villages où elle dépasse 100 Bq/kg.
Malgré les repas que les enfants de ces villages reçoivent 2-3 fois par jour à
l'école et au jardin d'enfants, malgré leur suivi médical, les cures de
rétablissement et le traitement qu'ils reçoivent, malgré la fertilisation
complémentaire des sols cultivés par des engrais minéraux, nous n'arrivons pas à
baisser le taux d'incorporation du césium 137 chez ces enfants au-dessous de
30-50 Bq/kg; il est donc nécessaire de rendre les normes d'admissibilité de la
concentration de radionucléides dans les aliments plus rigoureuses. Les normes
européennes pour les situations d'urgence actuellement en vigueur (1 mSv/an pour
le seuil d'irradiation, 1000 Bq/l pour la concentration limite de césium 137
dans le lait pour les adultes et 400 Bq/l pour les enfants) ont été établies sur
la base des coefficients de risques calculés d'après les données de Hiroshima et
Nagasaki et sont absolument inadmissibles. Pour la situation
d'irradiation chronique telle qu'elle se présente après Tchernobyl, ces normes
doivent être 10 à 20 fois plus rigoureuses (la norme d'admissibilité pour la
dose annuelle d'irradiation interne devant être baissée jusqu'à 0,1 mSv/an, ce
qui correspond à 30-40 Bq par kilo de poids du corps).
La recherche médicale doit absolument inclure des projets internationaux visant
à déterminer la corrélation entre les maladies et le niveau de concentration des
radionucléides dans l'organisme. C'est le seul moyen de déterminer les liens de
cause à effet existant entre les maladies et les conséquences de la catastrophe
de Tchernobyl. Avant son arrestation le professeur Y.Bandazhevsky a pu établir
le lien de cause à effet existant entre la dose d'irradiation interne et, d'une
part, les altérations de l'ECG et d'autre part, les maladies de la vue
(cataractes). Il est nécessaire de poursuivre les recherches communes des
physiciens et des médecins dans cette voie: examen sur SRH des enfants pour
déterminer les valeurs de la concentration de radionucléides dans leur organisme
et examen médical de ces mêmes enfants.
Il est également urgent de réaliser une campagne d'information auprès de la
population pour la former aux moyens simples de radioprotection et éviter ainsi
la pénétration de radionucléides dans leur organisme avec les aliments ingérés.
La macération dans l'eau salée (2 cuiller à soupe de sel pour 1 l d'eau) de la
viande, des champignons, du poisson permet de diviser le taux de césium 137 dans
ces produits par les facteurs 3 — 4 . Comme 60% de la charge annuelle provient
de la consommation du lait contaminé, il faut leur apprendre à séparer le lait.
L'ajout d'adsorbants chimiques (bleu de Prusse) dans les fourrages peut diminuer
de 35 à 75% le taux de radiocésium dans le lait et la viande.
Dans chaque district et chaque localité il faudrait réaliser les programmes qui
prévoient d'introduire une fois tous les 3 ans des engrais minéraux dans les
sols cultivables ( et avant tout les potagers privés), les prairies, les forêts
(dans les lieux de cueillette des baies et des champignons, c'est à dire dans un
rayon de 10 km autour des localités). L'apport de 3 t de calcium et de 100 kg de
phosphore par hectare permet de diminuer de 80 à 90% la quantité de
radionucléides transférée dans les plantes. L'apport de calcium ou de lignine
dans les écosystème forestiers s'est avéré fort efficace pour faire baisser le
taux de césium dans les baies et les champignons.
Pour évacuer les radionucléides de l'organisme, la prise d'adsorbants naturels à
base de pectine s'est avérée fort efficace: il faut prendre des additifs
alimentaires à base de pectine pendant un mois au moins quatre fois par an. Pour
la production d'additifs alimentaires à base de pectine, la matière première
(déchets des fabriques de conserves et de jus de fruit) ne manque ni en Russie,
ni au Belarus, ni en Ukraine.
La détérioration catastrophique de la santé (surtout celle des enfants) 16 ans
après la catastrophe de Tchernobyl permet d'affirmer que les maladies ne sont
pas provoquées par le stress ou la radiophobie, ni par l'évacuation en masse
(seuls 140 000 habitants des 2 millions vivant dans les territoires fortement
contaminés ont été évacués au Belarus; en Ukraine et en Russie, la proportion
est la même), mais par l'action chronique de faibles doses de radiation.
L'insuffisance de moyen n'est pas la seule raison pour laquelle les mesures de
protection nécessaires ne sont pas prises: le caractère ambigu et contradictoire
de la politique des gouvernements en est une non moins grave (pour dépenser
moins, les gouvernements ont tendance à cacher les vraies dimensions de la
tragédie).
Cependant une petite équipe d'enthousiastes comptant quelques dizaines de
personnes a su en quelques années examiner 140.000 enfants au moyen de SRH,
distribuer et faire prendre de la pectine à 45.000 d'entre eux et faire
appliquer dans certaines régions des territoires contaminés toutes les mesures
de radioprotection nécessaires. Il ne s'agit donc pas d'une tâche irréalisable
mais elle devrait être réalisée à une tout autre échelle. Il suffirait
d'utiliser raisonnablement les moyens existants pour diminuer sensiblement les
conséquences négatives de la catastrophe de Tchernobyl dans les pays concernés.
Nos pays (et tout d'abord le Belarus) ne pourront, certes, jamais dans les
décennies à venir effacer les conséquences de la tragédie de Tchernobyl sans
l'aide internationale la plus large. Il faut trouver les moyens financiers pour
réaliser tous les projets internationaux dans tous les territoires contaminés.
Cette assistance devrait se poursuivre pendant plusieurs dizaines d'années — le
temps que les radionucléides ne quittent les couches végétales du sol et que la
production d'aliments "propres" pour la population tout entière ne soit
définitivement assurée.