La LIFPL récuse l'UNSCEAR sur Tchernobyl, met en doute son
indépendance et demande un audit.
Lettre au Premier Ministre de France
Sur papier à en-tête de la
LIGUE INTERNATIONALE DE FEMMES POUR LA PAIX ET LA LIBERTÉ
WOMAN'S INTERNATIONAL LEAGUE FOR PEACE AND FREEDOM
INTERNATIONALE FRAUENLIGA FUR FRIEDEN UND FREIHEIT
LIGA INTERNACIONAL DE MUJERES PRO PAZ Y LIBERTAD
SECTION FRANCAISE
Paris, le 9 août 2000
Monsieur le Premier Ministre,
Le Conseil Exécutif de la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté (LIFPL/WILPF) vient de se tenir à Berlin du 30 juillet au 4 août. Il a rassemblé plus de 100 déléguées des 41 sections nationales de notre Fédération Internationale.
J'ai l'honneur de vous faire parvenir la motion votée par notre Conseil Exécutif sur la transparence nécessaire et la suppression de conflits d'intérêts, en ce qui concerne l'étude des effets sur la santé des faibles doses de radiations, émises de manière chronique, par des radionucléides incorporés dans l'organisme.
Le récent rapport publié par l'UNSCEAR sur Tchernobyl conclut à l'absence d'effets sur la santé, autres que les cancers de la thyroïde. Notre Ligue connaît beaucoup de scientifiques des régions touchées et des enfants victimes de Tchernobyl, et ce rapport est absolument inacceptable pour notre organisation. Le délégué français à l'UNSCEAR est le Dr. Jean-François Lacronique, de l'Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants, (OPRI), par ailleurs fonctionnaire du Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA).
Par ailleurs le délégué actuel de la France au Comité Exécutif de l'Organisation Mondiale de la santé (OMS), organisme qui devrait prendre en charge les conséquences sanitaires de Tchernobyl, est le Docteur Jean François Girard, ancien Directeur Général de la Santé au moment où le nuage de Tchernobyl se serait "arrêté au dessus du Rhin".
Le Gouvernement a maintes fois plaidé pour la transparence, et un progrès certain a été réalisé dans d'autres domaines que celui de l'effet chronique des faibles doses, incorporées dans l'organisme, sur la santé.
Vous remerciant par avance pour votre avis sur la motion ci-jointe, et pour votre réponse, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de notre haute considération.
Pour la LIFPL
Solange Fernex, Présidente
Copie à :
- Madame Dominique Gillot, Secrétaire d'Etat à la Santé
- Madame Dominique Voynet, Ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire
- Madame Michèle Rivasi, députée, pour le groupe PS à l'Assemblée Nationale
- Monsieur André Aschiéri, député, pour le groupe Vert à l'Assemblée Nationale
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RÉSOLUTION SUR TCHERNOBYL
Lors de son Conseil Exécutif International, Berlin, 30 juillet - 4 août 2000, la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté (LIFPL) a discuté des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl sur la santé.
A l'occasion du 14e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, deux organisations des Nations- Unies, à savoir le Bureau des Nations-Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), et le Comité Scientifique des Nations-Unies sur les effets des Radiations Atomiques (UNSCEAR), ont publié deux rapports contradictoires.
La LIFPL félicite l'OCHA pour le souci qu'elle exprime concernant les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl. La LIFPL remercie tout particulièrement le Secrétaire Général des Nations-Unies, Kofi Annan, pour les pensées très humaines et très inquiètes pour les victimes qu'il exprime dans sa préface au rapport de l'OCHA : "Tchernobyl, une catastrophe qui continue" Nations-Unies, New York et Genève, 2000.
La LIFPL a lu avec effarement les conclusions du rapport de l'UNSCEAR, publié à Vienne sur "Exposition et Effets de l'Accident de Tchernobyl" (Annexe G), 49e Session de l'UNSCEAR, Vienne, 2 - 11 mai 2000. Il y est en particulier écrit :
- § 362 : "Aucune corrélation constante n'a été notée entre le taux d'aberrations chromosomiques et de la chromatide chez les enfants, et le niveau de contamination radioactive des sols".
- § 369 : "A ce jour, aucune augmentation des malformations congénitales, des mort-nés ou des naissances prématurées n'a pu être mis en relation avec l'exposition aux rayonnements, suite à l'accident".
- § 398 :"Aucune augmentation de l'incidence globale des cancers ou de la mortalité par cancers, n'a pu être observée en relation avec l'exposition aux radiations. ... Il n'existe aucune preuve scientifique d'un accroissement d'autres maladies non malignes, somatiques ou mentales, lié aux radiations atomiques".
- § 404 : "Par ailleurs, on peur noter qu'aucune augmentation des risques de leucémie, une maladie connue pour son apparition 2 -3 ans après l'exposition, n'a pu être enregistrée plus de 10 ans après l'accident".
- § 406 : "Enfin, du point de vue radiologique, et sur la base des travaux recensés dans ce document, des perspectives généralement positives devraient s'imposer pour la santé future de la plupart des personnes (de la région de Tchernobyl).
Ces conclusions ainsi que d'autres du rapport de l'UNSCEAR, contredisent l'expérience directe recueillie par beaucoup de sections nationales et de membres individuels de la LIFPL auprès des victimes de Tchernobyl et des scientifiques des régions contaminées.
La LIFPL demande :
- Un audit indépendant sur le recrutement des experts de l'UNSCEAR, concernant leurs conflits d'intérêts possibles, et leurs liens éventuels avec les intérêts pro-nucléaires.
- Un audit indépendant des sources et des méthodes utilisées par les équipes de l'UNSCEAR, réalisé par des experts des Nations-Unies, indépendants de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), organisation dont l'objectif principal est "d'accélérer et d'élargir la contribution de l'énergie atomique à la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier".
La LIFPL affirme son soutien aux scientifiques, dont les études sur les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl et les mesures sur l'ampleur de la contamination des aliments et de l'organisme humain leur ont attiré de graves ennuis (Professeur V.B.Nesterenko) et même la prison (Prof. Y.I.Bandazhevsky).
Cette résolution a été envoyée :
- au Secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan
- à l'OCHA, l'UNSCEAR, l'OMS, l'OSCE (Vienne), l'ODIHR (Varsovie), l'OSCE à Minsk, Biélorussie
- au Président Alexandre Loukachenko, au Ministre de la Justice Gennadi Varantsov, au Procureur Général Oleg Bozhelko, à Minsk.
- A toutes les sections de la LIFPL, pour intervention auprès de leur propre gouvernement, membre des Nations-Unies et de ses agences spécialisées.