L'IPPNW se mobilise contre le lobby nucléaire en défense
des scientifiques indépendants du Belarus
PSR (Médecins pour la Responsabilité Sociale) IPPNW (Internetional Physician for Prevention of Nuclear War: Association Internationale des Médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire)
L'Accord OMS-AIEA (Agence Internationale pour l'Energie Atomique)
Lors du 14e Congrès mondial d'IPPNW, à Paris, l'absence d'engagement et les retards de l'OMS dans le domaine des recherches sur les atteintes à la santé et au génome, causées par des faibles doses de rayonnements ionisants, ou par les retombées radioactives de Tchernobyl, ont amené l'assemblée générale d'IPPNW à considérer que ces défaillances pouvaient être en rapport avec l'Accord OMS/AIES de 1959. Depuis la signature de cet Accord, en 1959, l'OMS semble handicapée dans son travail dans le domaine de l'impact du nucléaire sur la santé.
Abraham Béhar, Monika Brodmann, Michel Fernex ont été nommés délégués auprès de l'OMS, en particulier pour que cette organisation retrouve sa place de guide dans ce domaine sensible. Pour y parvenir, les sections affiliées de IPPNW demanderont à leur ministre de la santé d'inscrire la révision de cet Accord à l'ordre du jour de l'Assemblée Mondiale pour la Santé de mai (World Health Assembly), et de voter en faveur des amendements proposés.
Parmi les exemples qui évoquent un effet négatif de l'Accord, figure la non-publication des actes de la Conférence internationale sur "Les conséquences de Tchernobyl et d'autres accidents radiologiques sur la santé", du 20-23.11.1995, à Genève. Cette conférence d'un excellent niveau scientifique, avait réuni 700 experts et médecins. L'intérêt venait aussi du fait que des médecins des régions sinistrées ont pu s'exprimer à côté de médecins occidentaux et japonais. Les représentants de l'AIEA ont participé aux débats, d'où des discussions animées.
Le Directeur Général de l'OMS, Dr. Hiroshi Nakajima, avait annoncé la publication des comptes-rendus de ces Conférences pour mars 1996. De très nombreux participants avaient commandé cet ouvrage qui n'est pas encore paru en mars 2001.
Il est vrai que l'AIEA organisait sa propre Conférence un mois plus tard. Dans les couloirs, nous avons compris que l'AIEA manifestait son mécontentement vis à vis de l'initiative de l'OMS. Ils pensaient que l'information contenue dans les actes du congrès de l'OMS allait empêcher l'AIEA de réaliser le vaste show sur Tchernobyl, prévu un mois après la publication de ces actes.
Pour l'AIEA la Conférence de Vienne en avril 1996 devait être orchestrée de telle façon à ce que les conclusions réduisent la catastrophe de Tchernobyl à un "accident", comparable à celui du crash d'un avion de ligne ; le type d'accident que le public a coutume d'oublier en peu de mois.
C'est ainsi que la Conférence de l'AIEA n'a reconnu que 27 à 31 morts consécutifs à l'accident de Tchernobyl, plus quelques centaines d'irradiés qu'il a fallu soigner, et des cancers de la thyroïde, bénins et faciles à prévenir. (Voir les "Proceedings of an international Conference, Vienna, 6-12 April, 1996").
Ainsi, l'AIEA a pu escamoter dans ses conclusions les 9 millions de victimes, "un nombre qui ne fait qu'augmenter", selon Martin Griffiths, Directeur du département des affaires humanitaires des Nations Unies (Conférence OMS 1995).
Représentante du lobby nucléaire à l'ONU, l'AIEA se considère comme victime de Tchernobyl, car depuis 15 ans, l'Occident ne commande plus de centrale atomique, alors que les statuts de l'AIEA ont pour principal objectif "de hâter et d'accroître la contribution de l'énergie atomique à la paix, la santé et la prospérité dans tout le monde."
Le lobby atomique déconsidère actuellement encore ceux qui font connaître la vérité sur Tchernobyl, discrédite ou élimine ces chercheurs. Il soutient par ailleurs des universitaires disposés à casser ou contredire les travaux qui montrent l'ampleur du désastre médical lié aux retombées radioactives de Tchernobyl.
PSR/IPPNW tente de venir en aide aux chercheurs arrêtés (Bandazhevsky), écartés, ruinés ou anéantis par des interventions, en particulier émanant des proches des lobbies du nucléaire.
La source du financement de "programmes de recherches" EDF, la COGEMA, TOPCO (FRAMATOME, Siemens) et autres
Comment découvrir la source des financements d'universitaires d'Allemagne, de Suisse, de France et d'ailleurs, fournisseurs de résultats conformes aux voeux des promoteurs du nucléaire commercial et discréditant ceux qui s'expriment autrement ?
Ces chercheurs peuvent parfois militer dans des groupes antinucléaires où ils trouvent des appuis. Ils savent adapter leurs propos à leur public du moment. Dans les régions sinistrées de Tchernobyl, où ils amassent du matériel pour leurs publications, ces chercheurs étrangers collaborent avec ceux qui, sur place, veulent masquer les empreintes indélébiles de la catastrophe.
Par exemple en France, regroupés sous le sigle ETHOS, des universitaires qui se réclament d'une éthique particulière, planifient des recherches autour de Tchernobyl. Ces travaux nécessitent des moyens financiers considérables (voyages, salaires, équipements, publications etc.). Ces universitaires ou enseignants dans de grandes écoles, font appel à une Organisation Non Gouvernementale (ONG, selon la loi française de 1901), et lui soumettent des projets que ce financeur peut considérer avec bienveillance. Cette ONG c'est le CEPN.
Qui se cache derrière le CEPN ?
Le Centre d'études sur l'Evaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire est une association sans but lucratif. Le CEPN finance des projets multidisciplinaires (www.cepn.asso.fr). Ce site indique que le président et le trésorier du CEPN représentent Electricité de France (EDF), le vice-président représentant la COGEMA. Les industries qui ont créé cette généreuse ONG, sont parmi les industries les plus puissantes du lobby nucléaire mondial (TOPCO). Pour ces entreprises, il s'agit avant tout d'effacer Tchernobyl, pour que prospère à nouveau leur commerce.
On comprend alors pourquoi certaines équipes financées par le CEPN, entreprennent, à peine arrivés au Belarus, des démarches administratives pour se débarrasser de ceux qui aident les populations vivant dans les régions contaminées par les retombées radioactives depuis 15 ans et qui étudient sur place les conséquences de Tchernobyl. L'ampleur de la catastrophe est telle, qu'il y aurait de la place pour beaucoup d'équipes de chercheurs, locales et internationales, dans un climat de coopération et non d'exclusion mutuelle. Encore faut-il que les financeurs l'acceptent.
La règle à appliquer quand on veut apporter une aide technique à un pays pauvre, et le Belarus est depuis Tchernobyl un des pays les plus pauvres d'Europe, est de renforcer les structures locales et non pas de les supplanter. Celui qu'on tente de neutraliser aujourd'hui, est le Prof. Nesterenko, contre lequel s'acharnent aussi certains scientifiques allemands, dont on ne connaît pas aussi bien le financement que pour ETHOS (voir site <www.nesteren.da.ru>).
Il est donc important que PSR/IPPNW défende Nesterenko et l'institut "Belrad" où travaillent plus de 40 spécialistes efficaces et dévoués.
Dans toutes les interventions visant à dénigrer ces chercheurs ou à les supplanter, il faut chercher l'origine de l'argent qui finance leurs auteurs et la publication de ces informations.
De même, dans les commissions d'experts, il est indispensable de bien connaître la biographie professionnelle des membres, car celle-ci est susceptible d'influencer leurs décisions.
L'arrêt brutal de la recherche sur Tchernobyl à l'Institut Médical d'Etat de Gomel
Cet Institut représente l'équivalent d'une Faculté de médecine dans nos pays. Gomel est située au centre des régions les plus contaminées par les retombées radioactives de Tchernobyl. Cette Faculté fondée par un jeune professeur. Dr. Yuri Bandazhevsky, a concentré pendant 9 ans tous ses travaux sur le diagnostic et la prévention des maladies dont souffrent les populations vivant en milieu contaminé. Bandazhevsky a décrit les syndromes cliniques qui affectent la santé de la majorité des enfants, liés à l'accumulation chronique du radiocésium dans divers organes.
Ces travaux qui révèlent la gravité de la situation sanitaire des populations de cette région de deux millions d'habitants, dont 500.000 enfants, tous contraints de vivre dans un milieu fortement contaminé, gène les promoteurs du nucléaire. Ces derniers sont parvenus le 13 juillet 1999, à mettre une fin aux recherches de cet Institut.
Cette nuit de juillet, le Prof. Bandazhevsky a été arrêté par des policiers armés qui ont mis à sac son appartement, et l'ont incarcéré dans un cachot, sans contact avec son avocat, pendant 22jours, il n'a vu son épouse que le 50e jour. Les documents scientifiques à l'Institut de pathologie qu'il dirigeait ont été confisqués, ses bases de données dans les ordinateurs saisies. Tout a été fouillé, jusqu'à l'appartement de sa vieille mère.
IPPNW honore le Prof. Bandazhevsky pour ses travaux
La médaille du XIV Congrès d'IPPNW a été décernée par le Président du Congrès, le Prof. Abraham Béhar à Yuri Bandazhevsky. Après 6 mois de prison, le lauréat restait toujours en résidence surveillée à Minsk. Peu après sa sortie de prison le 27 décembre 1999, le Procureur général de la République du Belarus, M. Oleg Bozhelko, a reconnu, au cours d'une conférence de presse, n'avoir pas de preuve contre Bandazhevsky. Depuis c'est Oleg Bozhelko qui a perdu à son tour ses fonctions, et c'est face à un tribunal militaire que se trouve aujourd'hui Bandazhevsky.
Là encore, PSR/IPPNW tente d'apporter son soutien à ce brillant chercheur par des campagnes de lettre adressées au Président de la République du Belarus (voir site <www.chernobyl.da.ru> cliquer sur français + FORUM + ARCHIVES 1 et <www.bandazhevsky.da.ru>).
Les travaux de l'Institut de Gomel confirment les différences qui existent entre une irradiation massive pendant peu de secondes, reçue lors de l'explosion de bombes atomiques, et l'irradiation chronique, au niveau des cellules ou des organes par de faibles doses de différents types de rayonnements, émis par des radionucléides incorporés : Pu239, Cs137, Sr90, iode131, etc.
Bandazhevsky insiste sur la synergie en présence d'une combinaison de radionucléides, comme le Cs137 et l'iode131 (voir son article dans PSR/News). Dans ses brèves monographies résumant les 30 thèses réalisées à l'Institut de Gomel, Bandazhevsky décrit des maladies digestives, cardiaques, respiratoires, endocriniennes, diabète type 1, malformations congénitales, atteints génétiques, cancers, leucémies, maladies du système immunitaire, allergies, infections sévères et chroniques, maladies du système nerveux central et de l'oeil, autant de conséquences des retombées radioactives de Tchernobyl non reconnues par l'AIEA.
Cet organisme comme tous ceux qui gravitent autour de lui (l'UNSCEAR, la CIPR et les organismes de radioprotection nationaux) ont fabriqué une liste restreinte de "maladies acceptables" liées aux rayonnements, et, par mesure d'économie ou de propagande, en excluent toutes les autres, que Bandazhevsky et d'autres médecins observent autour de Tchernobyl.
PSR/IPPNW continue de soutenir ce chercheur remarquable qui a un besoin urgent de notre aide, étant sans travail ni revenus depuis bientôt 2 ans. Nous demandons un classement de l'affaire. Bandazhevsky doit retrouver son institut de pathologie, ses collections, ses banques de données et ses possibilités de réaliser des expériences de laboratoire.
Nesterenko, ex Directeur de l'Institut d'énergie nucléaire
Pour le Prof. Nesterenko, qui a dirigé jusqu'en juillet 1987 l'Institut de physique nucléaire de l'Académie des sciences de Minsk, Tchernobyl a représenté un choc qui a transformé sa carrière. Après être intervenu comme pompier, en hélicoptère dans le nuage brûlant, au-dessus du réacteur en flamme, pour y introduire de l'azote liquide, Nesterenko a lancé toutes les compétences de l'Institut de physique nucléaire de Minsk, pour mesurer l'ampleur des contaminations et aider les populations, les enfants en particulier, à se protéger dans ce milieu hostile. Les trois autres personnes qui se trouvaient avec lui à bord de l'hélicoptère sont mortes peu après.
Nesterenko a demandé sans relâche au Soviet Suprême que les enfants vivant dans de vastes régions trop contaminées soient immédiatement évacués. Considéré à Moscou comme alarmiste, Nesterenko a été remplacé 15 mois après Tchernobyl à la tête de l'Institut. Il a encore travaillé 2 ans dans cet Institut d'état, mais ne pouvant plus apporter les secours qu'il jugeait utile aux populations, il démissionne. Avec l'aide de scientifiques et intellectuels russes comme Sakharov, Adamovitch, Karpov et des dons de fondations caritatives de nombreux pays, Nesterenko crée une unité de recherche et d'enseignement "Belrad", pour se consacrer exclusivement à la protection des populations.
L'AIEA tente actuellement de convaincre les autorités de se débarrasser de Nesterenko. Le harcèlement par le ministre de la santé en est le reflet. Le représentant de l'OSCE à Minsk demande au ministre de mettre fin à ses interventions illégales contre ce scientifique, en particulier des ruptures de contrats.
Aujourd'hui ce sont des équipes françaises, financées par le CEPN qui tentent d'écarter Nesterenko du terrain. Tout ceci reflète l'obstination des lobbies du nucléaire contre les chercheurs indépendants. Dans ce pays ruiné par cette catastrophe, ces lobbies peuvent agir facilement. Le Belarus n'a pas reçu le dixième de l'aide nécessaire pour panser ses plaies. Les pays possédant des centrales atomiques - le Belarus n'en possède pas - auraient dû couvrir une grande partie du coût du désastre qui se chiffre à plus de 32 fois le budget annuel (1985) du Belarus. Les assurances "responsabilité civile" des centrales atomiques ne couvrent que les accidents, pas les désastres.
Comment agir maintenant ?
Avec beaucoup d'ONG indépendantes et d'organisations comme Amnesty International, l'OSCE, le Conseil de l'Europe et le Parlement Européen, le PSR/IPPNW tente de sauver les équipes de radioprotection indépendantes de la ruine financière et continuera à prendre la défense de ces chercheurs et médecins. Ces démarches sont difficiles, car elles vont à l'encontre du lobby nucléaire, qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour faire taire ou disparaître les chercheurs.
Adresse de ce groupe de travail : Dr. Michel Fernex, BO 168, CH-4118 Rodersdorf.
E-mail : <s.m.fernex@wanadoo.fr>.