Quand le Lobby nucléaire s'en prend à ses victimes
par Michel Fernex - le 22 fév.
2002
Introduction : les "mensonges clé"
Des travaux scientifique qui débouchent sciemment sur des conclusions
fausses dans le domaine de la santé, ont été qualifiés par des auteurs
anglo-saxons de "key lies", ou mensonges clés. Ce genre de travaux
ont
permis au lobby du tabac qui finançait généreusement de telles études, à
résister pendant des décennies aux tentatives des autorités et surtout de
l'OMS à lutter contre le tabagisme.
Des évènements, vécus en 2001, permettent de saisir la démarche d'un autre
lobby, celui du nucléaire, bien plus puissant que celui du tabac, qui tient
à effacer des mémoire les empreintes de Tchernobyl. Pour réaliser des
publications qui mettraient l'industrie atomique à l'abri d'interventions de
l'état ou des services de santé (comme la FDA aux USA), ce lobby doit
parvenir à faire l'impasse sur les problèmes de santé.
Le lobby du nucléaire cherche, en particulier, à établir des directives en
vue du prochain "accident nucléaire" qui serait inéluctable selon les
experts. En cas d'accident, la priorité devrait être la réduction des
dépenses. Ceci implique de considérer comme intangible, le dogme de la
non-nocivité des faibles doses de rayonnements ionisants.
Quelques exemples vécus en Bélarus depuis 2001, illustrent les menées du
lobby vers ce but. Il peut se présenter sous forme d'ONG (organisation
non-gouvernementale) et intervenir sur le terrain par l'intermédiaire de
groupes multidisciplinaires d'universitaires (projet ETHOS, Carrefour
Tchernobyl)
Les enseignants et doctorants en agronomie, sociologie, technique, en
physique, regroupés dans le Projet ETHOS, ont travaillé en zone contaminée.
Le rôle que leur impose le lobby, et dont ils ne sont probablement pas
conscients, c'est l'élimination des structures existantes de radioprotection
des populations. En effet, les mesures attirant l'attention sur la gravité
de la contamination radioactive du pays et sur son impact sur la santé des
populations sont inacceptables pour le lobby nucléaire.
Déformer la réalité de Tchernobyl ou le mensonge par omission.
Les études réalisées par ETHOS se limitent à quelques villages du district
de Stolyn. Les données obtenues permettront d'écrire un ouvrage sur la
gestion des accidents atomiques et celle des régions contaminées par des
radionucléides de longue durée de vie. Ce livre sera d'autant plus
prestigieux, qu'il pourrait être financé par l'Union Européenne.
Dans une telle publication, le lecteur ne sera pas distrait par la
détérioration de la santé des enfants, ni par la mortalité précoce, qui
explique l'effondrement démographique d'autant plus important, que la région
a subi de plus fortes retombées radioactives.
Deux manifestations nous ont permis de faire la connaissance de membres du
club ETHOS, l'une à l'université de Paris VII, le 26 avril 2001
(commémoration de Tchernobyl), et l'autre les 15-16.11.2001, à Stolyn au
sud-ouest du Belarus, où des universitaires recrutés par le CEPN,
présentaient leurs résultats aux administrations et représentants du
gouvernement, ainsi qu'à des personnalités représentant des Organisations
internationales mais aussi des nations, en particulier l'Union Européenne.
Le 26 avril 2001 à Paris VII, le dossier de presse présentait le CEPN ou
Centre d'Etude sur l'Evaluation de la Protection dans le Domaine Nucléaire,
une ONG à but non lucratif (loi 1901), fondée par Electricité de France
(EDF), le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), auquel s'est joint la
COGEMA (AREVA) qui gère la Hague. Cet organe du lobby atomique, coordonne
des groupes de recherche intervenant dans les régions contaminées par
Tchernobyl, en particulier le groupe ETHOS.
L'un des fondateurs d'ETHOS, évoquant les interventions des équipes sur le
terrain, regrettait l'absence de suivi dans les régions où ces équipes
multidisciplinaires étaient intervenues. Il déplorait aussi la faiblesse
inexplicable de la composante médicale dans ces programmes.
"Aider" à mettre fin au travail des équipes de radioprotection
Intervenant dans le district de Stolyn, dans le cadre d'un projet prévu pour
s'achever en 2001, les responsables d'ETHOS ont demandé au ministre
biélorusse des problèmes de Tchernobyl, de se substituer, dans des villages
du district de Stolyn, à l'institut indépendant de radioprotection BELRAD,
dirigé par le Professeur V.B. Nesterenko, dont ils utilisaient les données
de mesures, depuis quelques années.
La lettre du ministère, signée par Valéry Shevchouk le 25.01.2001,
communiquait
en conséquence au directeur de BELRAD, que la gestion d'une série de
villages
du district de Stolyn lui était enlevée au profit de ETHOS-2,
"conformément
à la demande de ces derniers".
ETHOS, qui avait utilisé le personnel formé et équipé par BELRAD pour les
mesures de radioactivité des aliments, du lait etc, n'a pas estimé
nécessaire
d'indemniser les techniciennes pour le surplus de travail occasionné.
Les ordinateurs, dont ETHOS avait doté les centres de radioprotection,
pour récupérer les résultats des mesures, sont transmis actuellement à une
administration de l'état. Ainsi les structures mises en place par Nesterenko
disparaissent progressivement. Le contraire absolu d'une aide technique pour
le développement.
En effet, depuis plusieurs années, grâce à ces petites unités de
radioprotection, subventionnés par l'état ou par des fondations privées,
BELRAD offrait aux habitants la possibilité de mesurer gratuitement la
radioactivité des aliments et du lait. Le personnel, formé par BELRAD,
conseillait les familles en matière de radioprotection.
En outre, les laboratoires mobiles de BELRAD, équipés
d'anthropo-gammamètres, mesuraient deux fois par an la charge en
radionucléides artificiels, principalement le césium (Cs137), accumulée chez
les enfants des écoles. Ceux d'entre eux qui étaient fortement contaminés,
recevaient des cures intermittentes de pectine, additif alimentaire à base
de pommes, qui accélère l'élimination du césium de l'organisme.
Dès la création, en 1991, des 370 Centres locaux de protection radiologique
(CLCR), financés par le gouvernement et gérés par BELRAD dans les villes et
villages les plus contaminés du Belarus, les ministères compétents ont reçu
régulièrement les comptes rendus des mesures, publiés par le Prof.
Nesterenko. A partir de 1996, ces rapports ont pris la forme de bulletins
trimestriels.
Mais à partir de la même année, le Vice-Président du Comité gouvernemental
pour Tchernobyl, I.V.Rolevitch, co-auteur de diverses publications du CEPN,
a réduit le nombre des CLCR aux 83 existant actuellement, dont 56 sont
financés par le gouvernement. Les 27 autres sont soutenus par des ONG
allemandes. Le Bulletin N°21 des mesures de Belrad est sous presse. Ce
sera
le dernier, car le financement annuel de 6000 $ d'une Fondation américaine,
qui en permettait la publication, est suspendu.
Le contraire de l'aide au développement
Quand on tente d'aider un pays pauvre, une des règles veut qu'on ne se
substitue pas, même transitoirement, aux structures existantes, mais qu'on
les renforce. Ainsi, après le départ des équipes étrangères, il reste sur
place un personnel motivé, bien formé et mieux équipé pour le suivi
nécessaire.
A Paris VII, puis par téléphone dans les jours qui ont suivi, les
responsables d'ETHOS m'ont affirmé que leur intention n'avait pas été
d'éliminer les équipes de Nesterenko, et qu'à l'avenir, BELRAD serait
intégré dans le futur projet européen (ETHOS 3), qu'on planifiait déjà. En
outre, Nesterenko serait invité à participer au Séminaire International de
Stolyn, où serait présenté le bilan du programme ETHOS 2.
A cette époque, l'engagement pris par les responsables d'ETHOS, d'inclure
Nesterenko dans le projet ETHOS 3 paraissait sincère. Il semblait même utile
aux universitaires français d'intégrer dans leur projet une ONG du Bélarus,
pour faciliter l'obtention d'un financement important de l'Union Européenne
pour un projet qui devait être déposé le 26 janvier 2002. Nesterenko allait
être officiellement informé de la part qui serait réservée à son institut
dans ce projet. Encouragé par ces engagements oraux, Nesterenko a soumis un
projet concret d'aide aux enfants des villages fortement contaminés par les
retombées radioactives.
Cependant, à l'automne, le nom du Professeur Nesterenko ne figurait pas
comme promis dans le pré-programme du séminaire de Stolyn de novembre 2001.
Après mon intervention auprès d'ETHOS, cet "oubli" a été réparé, mais
Nesterenko n"a pas été invité à une réunion de suivi du séminaire, le 20
novembre à Minsk, ni à une prochaine réunion, le 6 mars 2002, toujours à
Minsk.
Eliminer BELRAD du terrain ?
Le 13 janvier 2002, quelques jours avant la date de dépôt du projet européen
annoncé en 2001 (26 janvier 2002), Nesterenko recevait un courrier d'ETHOS
lui demandant de répondre d'ici 5 jours, avant le 18 Janvier. Il ne
s'agissait nullement de l'inclusion des équipes de radiamétrie mobiles de
Belrad dans un programme européen, mais d'une participation rétribuée à la
rédaction d'un chapitre d'un manuel de radioprotection. Pas un mot sur le
projet d'aide à la radioprotection des enfants du Sud du Bélarus, dont il
devait être question, ni sur le protocole qu'avait soumis à cet effet le
Prof. Nesterenko à ETHOS. Malgré sa déception, Nesterenko a répondu
positivement et dans les temps à cette demande.
Le 25 janvier 2002, le bureau MUTADIS, travaillant pour ETHOS, écrivait une
lettre signée Vincent Wallaert concernant les projets à venir, et convoquait
les destinataires à une réunion du Club ETHOS à Paris, le 11 avril. Le Prof.
Nesterenko n'était, une fois de plus, pas destinataire de ce courrier, qui
pourtant évoquait le Séminaire de 2001 à Stolyn. Comme je m'en suis étonné,
il m'a été répondu que Nesterenko allait aussi être invité à la réunion du
11 avril à Paris, et il semble que cela ait été fait par la suite.
L'acharnement du lobby de l'atome
Il semble ici que le CEPN, représentant d'EDF, du CEA et d'AREVA, s'associe
à la logique constante du lobby nucléaire international, qui veut à tout
prix effacer des mémoires le souvenir de Tchernobyl. Les mesures
quotidiennes de la contamination des aliments, et les mesures deux fois l'an
de la charge corporelle en radiocésium chez les enfants, représentent un
rappel intolérable de cette ctastrophe. Année après année, le Prof.
Nesterenko publie ses données et les remet au gouvernement ; force est de
constater que la situation radiologique pour les denrées alimentaires et
pour la population, en particulier les enfants, loin de s'améliorer
s'aggrave.
L'augmentation de la contamination en Cs137 des denrées alimentaires
s'explique par le fait que l'agriculture utilise moins d'engrais, en
particulier moins de potasse, qui réduit le prélèvement de césium par les
végétaux. En outre on exploite davantage de terres agricoles fortement
contaminées. Comme les produits alimentaires circulent dans tout le pays, la
charge en radionucléides artificiels augmente dans l'ensemble de la
population. Nesterenko signale que même chez les enfants de la capitale,
Minsk, on mesure maintenant des valeurs de plus de 50 Bq de Cs137/kg de
poids corporel, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans.
Les promoteurs du nucléaire qui occultent cette réalité doivent "casser le
thermomètre", non pas pour guérir la fièvre, mais pour que personne ne
sache ce qu'il en est. Fièvre, ou radioactivité accumulée dans les organes
des enfants, il n'est plus permis de la mesurer, Nesterenko doit cesser ses
activités.
Ignorer l'effet radiotoxique du Cs137 sur la santé
Pendant 9 ans, le Prof. Yu.I. Bandazhevsky et les collaborateurs de
l'Institut médical de Gomel ont étudié la radiotoxicité du Cs137, et montré
que le césium se concentre fortement dans certains organes comme les glandes
endocrines et le coeur, jusqu'à 50 fois plus que dans d'autres tissus. Dans
les zones contaminées à raison de plus de 5 Ci de Cs137/km2, l'impact
négatif sur la santé affecte la presque totalité des enfants.
Ses travaux sur les affections liées à l'accumulation du radiocésium ont
valu au Prof. Bandazhevsky, suite à une dénonciation pour corruption retirée
par la suite, huit années de Goulag (Amnesty parle de "Silencing
academia").
Des médecins, anciens collaborateurs de la jeune Faculté de médecine créée
par Bandazhevsky, ont perdu leurs fonctions. Ils n'auraient pas dû co-signer
ces publications.
Au séminaire de Stolyn, ETHOS avait distribué des tableaux multicolores
reliés et sur papier glacé et préparé des projections informatisées,
commandées à distance, pour presque toutes les présentations. A la page 57,
les doses corporelles ont été calculées sur la base de l'hypothèse contestée
d'une distribution homogène du Cs137 dans l'organisme.
En revanche, les graphiques manuscrits, qu'une pédiatre tenait à la main
pour les commenter, n'ont pu être projetés, car contrairement aux autres
rapports, ils n'étaient pas informatisés. Ils montraient que le nombre des
hospitalisations avait augmenté, passant d'environ 150 par an pour 1000
enfants en 1986 et 1987, à 500/1000 en 1990, pour dépasser 1200
hospitalisations/1000 enfants en 2000. La ligne ascendante n'a aucune
tendance à s'infléchir.
Le nombre des infections sévères et chroniques augmente et le pourcentage
des enfants à peu près en bonne santé est tombé de plus de 80% à moins de
20%. Et pourtant ces enfants ne sont pas stressés, leurs familles n'ont pas
été déplacées, ils sont relativement bien alimentés : 50% du budget de
l'éducation va à la fourniture de repas équilibrés 2 à 3 fois par jour, 4 à
5 jours par semaine, dans toutes les écoles depuis la maternelle, pendant la
scolarité.
Il semble donc que la santé des enfants continue à se détériorer. La cause
de cette dégradation, est en rapports avec la contamination radioactive de
l'environnement. Les enfants ne semblent pas pouvoir vivre correctement,
voire survivre, dans des régions contaminées par 5 à 15 Curies de césium par
km2.
Ni le rapport médical ni les graphiques commentés par la pédiatre
responsable ne figuraient dans la brochure du bilan d'ETHOS-2. Peut-être
n'étaient-ils pas politiquement correct ?
Dans l'intervention des experts français, on est très surpris du peu
d'attention porté au strontium, pourtant présent dans les sols et dans
l'eau, donc dans la chaîne alimentaire. Le Sr90 a, comme le Cs137, une
demi-vie ou période physique d'environ 30 ans. Il serait essentiel d'étudier
la synergie dans la radiotoxicité du strontium et du césium. (Sujet qui a
été étudié un temps à l'Institut de Gomel). Personne parmi les experts
d'ETHOS n'a évoqué les autres radionucléides disséminés par Tchernobyl.
La prise en charge par les universitaires français d'ETHOS d'un nombre
limité de fermes, a permis d'améliorer la production agricole, grâce aux
semences de qualité fournies, aux engrais parfaitement dosés et aux
pesticides mis à disposition au moment nécessaire. Ainsi la production des
pommes de terre a été plus abondante; ce produit étant suffisamment pauvre
en césium, il a même pu être vendu. Il faudrait dès 2002 que les
investissements pour l'agriculture s'étendent non plus à une dizaine de
familles, mais à l'ensemble des communautés concernées, où vivent des
centaines de milliers d'enfants.
Malheureusement, il n'a pas pu être démontré que cela améliorait l'état de
santé des populations, en particulier celui des enfants. Déjà à Paris VII,
Monsieur Henry Ollagnon, responsable de l'agronomie à ETHOS me disait :
"On a fait du bon boulot, mais les enfants sont de plus en plus malades !
".
Dans ce sens, l'expérience d'ETHOS 2 constitue un échec.
Tant que le suivi des mesures de la charge corporelle en césium 137, ainsi
que les courbes montrant la détérioration de l'état de santé des enfants, ne
feront pas intégralement partie du rapport d'ETHOS, on pourra considérer
cette présentation des résultats comme incomplète, entachée d'une omission
fondamentale: l'absence des données essentielles sur la santé et l'absence
de
données sur la charge corporelle en radionucléides nous rapprocheraient du
"mensonge par omission", ou mensonge "clé" dont le lobby
nucléaire a tant
besoin.
Dans l'évaluation des conséquences de Tchernobyl, le "mensonges par
omission" ressemble, en effet, aux "mensonges clé" dont le lobby
du tabac a
fait grand
usage pendant des décennies, pour éviter que l'OMS ne lance sa campagne
anti-tabac. Des documents amputés, établis avec la même motivation, (en
priorité protéger le lobby), doivent permettre l'industrie atomique de
continuer à désinformer tant les autorités que les citoyens.
Dans ce contexte, un article de Fabrice Nodé-Langlois, publié dans LE FIGARO
du 12.02.2002, rappelle que l'Atlas du Césium en Europe, publié par le
Centre de Recherches de l'Union Européenne à Ispra, Italie, reposant sur
quelques 350.000 mesures, ne dispose que de 35 données fournies par la
France. La médiocrité de la contribution française désolait Mr. De Cort,
premier signataire de cet ouvrage. Selon le Figaro, "Annie Sugier, la
représentante de l'IPSN, a déclaré que l'Atlas européen est
"incomplet",
donc "faux". "Cet "aveu" du mensonge a été le fait
d'un responsable
indépendant du ministère de la Santé ", souligne Jean-François Lacronique,
Président de l_OPRI (successeur du SCPRI du Professeur Pellerin), dans sa
note à son ministre de tutelle, Bernard Kouchner. Il omet au passage de
préciser que, poussé à son tour par l'assistance qui demandait si l'Etat
avait menti, il a lui-même fini par lâcher : " C'est un mensonge par
omission..."
Jusqu'à fin 2001, j'espérais que les responsables d'ETHOS étaient de bonne
foi. Je suis sûr que la grande majorité des universitaires du Club le sont.
Cependant, lorsqu'il s'agit de réaliser une étude qui montrerait l'impact
des radionucléides incorporés sur la santé, ou de soutenir les équipes de
BELRAD dans les mesures de la charge corporelle en radiocésium des enfants,
voire de publier des données sur la santé des enfants en fonction de la
contamination radioactive de l'environnement, c'est le lobby, ici le CEPN
qui garde le dernier mot.
Les universitaires repartis, les populations se retrouvent au point de
départ, mais avec moins d'aide pour la radioprotection qu'avant
l'intervention d'ETHOS : les centres ont perdu une partie de leur
équipement, les ordinateurs où étaient consignés tous les résultats ne sont
plus là, les techniciens sont démotivés, leur travail n'ayant pas été
honoré.
Le CEPN offre-t-il un cadre satisfaisant à des universitaires attachés à la
rigueur
scientifique ?
Autres projets du lobby nucléaire au Bélarus
Grâce à des intermédiaires, dont le nom ("Carrefour Tchernobyl") peut
changer en fonction des besoins du moment, le lobby, aidé pendant l'hiver
2001-2002 d'experts du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), a tenté de
convaincre l'administration et les représentants de certains ministères du
Bélarus, qu'il fallait maintenant réhabiliter les régions encore plus
proches de Tchernobyl, encore plus contaminées que le district de Stolyn.
L'objectif est de montrer qu'il est possible de vivre, de travailler, de
cultiver dans des territoires contaminés jusqu'à 40 Curies/km2, voire
davantage, et que, suite à des conseils ou la fourniture de " mallettes
pédagogiques ", ces territoires ne représentent aucun danger pour la santé
des enfants.
Pendant ce temps, le Professeur Nesterenko, abusé sur le soutien de son
travail de protection des populations, qui lui avait été promis, et pour
lequel il avait formulé un protocole au printemps 2001, a peu de chances de
recevoir une aide pour les 45 techniciens, radiamétriste, scientifiques,
physiciens de l'institut de radioprotection indépendant BELRAD, renforcés
par des spécialistes en cardiologie et en ophtalmologie. Le soutien du CEPN
à un travail si utile pour les populations, consacré à l'amélioration de
la
santé des enfants obligés de vivre dans des régions hautement contaminées
par les retombées de Tchernobyl, s'est avéré n'être qu'une utopie.
Si des spécialistes aux ordres du lobby nucléaire, publient d'ici peu que la
situation radiologique des territoires contaminés par 5 à 40 Ci de
Cs137/km2, voire davantage, permet la culture des pommes de terre,
l'installation de travailleurs avec leurs familles, dans le but final
d'occuper tous les espaces évacués, y compris bientôt celui des 30 km autour
de la centrale, devenu réserve naturelle ouverte au tourisme, il est clair
que leurs rapports doivent omettre tout ce qui concerne l'état
catastrophique de la santé des enfants.
En conséquence, il faut écarter pédiatres, ophtalmologues, endocrinologues,
immunologues et radiamétristes, correctement équipés, compétents et
indépendants. L'absence des spécialistes de la santé débouchera sur un
"mensonge clé", reposant sur des " mensonges par omission
". Il s'agit là
d'un document fondamental, dont le lobby atomique a tant besoin depuis 16
ans.
Face à un projet incluant une "omission" de cette envergure, les
universitaires consultés, mais peut-être aussi les co-financeurs, devraient
savoir dire "NON".
Michel Fernex
Professeur honoraire
Faculté de Médecine de Bâle
Suisse