Complément à la critique du Programme CORE

Le génome et la catastrophe de Tchernobyl

Association  "Enfants de Tchernobyl Belarus"

68480 Biederthal - France

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Complément à la critique du Programme CORE

 Au chapitre 2.2 Options méthodologiques de l'approche CORE ("Prise en charge de la dimension radiologique") du Programme CORE, dont notre Association vous a adressé la Critique le 21 juin dernier, un argument de première importance a échappé à notre attention. Car le texte de CORE ne fait que survoler, de façon indirecte et élusive, la dimension sans doute la plus inquiétante de la catastrophe de Tchernobyl, au point de la rendre méconnaissable : les conséquences sanitaires pour les descendants des populations contaminées par les radionucléides. Là encore ce programme d'aide évite d'affronter utilement le problème de la santé, tout en montrant qu'il ne l'ignore pas tout à fait. Pourquoi s'intéresse-t-on aux générations futures sans dire ce qui les menace et sans programmer les actes nécessaires pour tenter de prévenir le malheur qui les attend?

 Le texte, très bref, du Programme CORE, où il est question, en passant, des générations futures, se trouve à l'avant dernier paragraphe de la page 18 de la Critique que nous vous avons adressée. Nous complétons notre critique par les informations et considérations que vous pourrez lire ci-dessous.

Texte CORE : "S’appuyant sur l’expérience du projet ETHOS, le programme CORE favorisera le développement et la transmission intergénérationnelle d’une culture radiologique pratique au cœur de la vie quotidienne des habitants des territoires contaminés. Il comprendra également des projets concernant la mémoire et sa transmission intergénérationnelle et internationale."

 Pourquoi culture et mémoire intergénérationnelles?

 En 1956, un groupe de brillants experts dans le domaine de la génétique, comportant le titulaire du Prix Nobel, J.M. Muller, avait lancé un cri d'alarme:

 "Le patrimoine génétique est le bien le plus précieux de l'être humain. Il détermine la vie de notre descendance, le développement sain et harmonieux des générations futures. En tant qu'experts, nous affirmons que la santé des générations futures est menacée par le développement croissant de l'industrie atomique et des sources de rayonnements. ... Nous estimons également que les mutations nouvelles qui apparaissent chez les êtres humains, seront néfastes pour eux et pour leur descendance".

 Suite à la catastrophe de Tchernobyl, beaucoup de travaux ont été consacrés aux rongeurs vivant dans les zones plus ou moins contaminées. Ces animaux sont très représentatifs pour l'homme, mais leur cycle de reproduction est plus rapide que chez les humains. R.J. Baker et coll., étudiant l'ADN d'un gène transmis chez les campagnols de la mère aux petits, constatent un taux de mutations, d'une génération à l'autre,  plusieurs centaines de fois supérieur à ce que l'on connaissait à ce jour dans le règne animal (Baker R.J. et al, "High levels of genetic change in rodents of Chernobyl." NATURE , Vol 380, pp. 707-708,  25 April 1996). Le milieu, dans lequel vivent ces rongeurs voit la radioactivité baisser, car le Cs137 est entraîné par les eaux de pluie et s'infiltre toujours plus profondément dans le sol. On imaginerait que les animaux réagissent positivement à ces conditions radiologiques améliorées. Pourtant, les mutations et la fragilisation du génome se retrouvent et s'accentuent pendant 22 générations. Goncharova et Ryabokon y voient le contraire d'une adaptation aux radiations (Goncharova R.I. & Ryabokon N.I., Dynamics of gamma-emitter content level in many generations of wild rodents in contaminated areas of Belarus. 2nd Intern. 25-26 Octobre 1994, Conf. "Radiobiological Consequences of Nuclear Accidents").

 Comme l'homme et les rongeurs se comportent sur le plan de la génétique de façon comparable, ces publications amènent le Prof. Hillis de l'université du Texas, à terminer l'éditorial dans la revue Nature du 25 avril 1996, sur ce sujet par cette phrase: 

 " Aujourd'hui nous savons que le pouvoir mutagène d'un accident nucléaire peut être beaucoup plus grave que suspecté jusqu'ici, et que le génome des eukaryotes peut présenter des taux de mutations jusqu'ici jamais considérés comme possibles ".

(Extraits du texte de Michel Fernex "La catastrophe de Tchernobyl et la santé" - Mai 2000)

 Mais le Programme CORE, qui ne s'intéresse pas à ces questions scientifiques pointues, ne prévoit pas de traitement prophylactique des habitants contaminés et se limite avec fatalisme à la transmission intergénérationnelle d’une culture radiologique. Il s'occupe aussi de la mémoire, Tchernobyl appartenant désormais au passé. La contamination radiologique et ses conséquences sur la santé sont considérées comme des données de la nature, dont chacun devra apprendre à s'accommoder partout dans le monde (transmission internationale), grâce au savoir faire (culture radiologique), que les "experts" lui enseigneront. "Chacun pour soi!, l'État ne portant plus aucune responsabilité pour la santé des populations" (Bandajevsky).

 Est-ce conforme aux statuts des institutions telles que Le Programme de développement des Nations Unies, La Commission Européenne, La Direction pour le Développement et la Coopération de Suisse, L'UNESCO, La Banque mondiale de financer un simulacre d'aide au lieu d'exiger de ses promoteurs un programme ciblé et proportionné au mal qui ravage les populations et menace leur descendance?

 Wladimir Tchertkoff

Secrétaire de l'association

 

12 septembre 2003