Conflits d'intérêts entre l'AIEA et l'OMS

  L'accord  entre l'Agence Internationale d'Energie Atomique et l'Organisation Mondiale de la Santé, signé en mai 1958, met en évidence un grave conflit d'intérêts. Il a été interprété de  façon  à concéder à l'AIEA tout pouvoir sur la radioprotection tandis qu'il revient à l'OMS  de soigner ceux qui ont été irradiés.  Il y a eu des tentatives  pour modifier cet accord lors de la réunion en mai 2000 du comité directeur de l'OMS.

 

Rosalie Bertell, Présidente, Institut International de l'Intérêt pour la Santé Publique.(1984+)

710-264 Queens Quay West, Toronto ON M5J 1B5 Canada


 

(521.5111) Rosalie Bertell – En décembre 1953, en pleine guerre froide et alors  que les essais nucléaires dans l'atmosphère avaient lieu quasi tous les quinze jours, le président américain Eisenhower prononça son premier discours  " Des Atomes pour la Paix" devant les Nations Unies.

Il annonça un programme capital faisant usage de  l'énergie nucléaire  pour “ produire de l'énergie à coûts insignifiants" devant apporter la prospérité aux pays pauvres du monde entier et prévenir  toute guerre future. Derrière ces phrases se dissimulait la prise de conscience par les militaires que la construction de bombes nucléaires au-delà de toutes limites de puissances, était désormais possible. Pour transformer l'arsenal américain en bombes thermonucléaires, il fallait que toute l'Amérique du nord soit transformée en entreprise pour l’extraction, la production, l’enrichissement et le retraitement d'uranium et pour la mise en service des réacteurs et la  production d'armes nucléaires. Ils avaient à la fois besoin du concours des universités pour enseigner la physique et la technologie nucléaire et du public pour tolérer les déchets et le transport. En bref, ils leur fallait une couverture industrielle que tous approuveraient et soutiendraient, quand bien même ils contesteraient la Bombe.

Les Nations Unies répliquèrent par la création de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (1956) qui se devrait d'empêcher la prolifération d'armes nucléaires et de promouvoir les utilisations pacifiques de l'énergie atomique. Ce double mandat continue de poser à cette organisation des conflits d'intérêts, et beaucoup pensent que son rôle de régulateur se doit d'être séparé de façon structurelle de ses objectifs promotionnels. Il est en effet fréquent que des intérêts promotionnels finissent par prendre le dessus.

En 1957,  la prolifération d'armes nucléaires était devenue tellement préoccupante que l'OMS a  organisé un colloque sur "les effets génétiques de la radiation chez l'homme" auquel d'éminents experts mondiaux participèrent. La commission recommandait  de plus amples recherches sur les risques génétiques à long terme associés à une exposition croissante aux radiations. En 1958, en guise de réponse à la "Conférence Génétique", il fut demandé à l'OMS d’organiser  une conférence traitant de "l'utilisation pacifique de l'énergie Atomique et la santé mentale." ( OMS, Service des Rapports Techniques, 1958). Le débat général portait sur la réalité incontournable des expositions aux radiations à l'ère nucléaire et les problèmes liés à la préoccupation excessive du public sur leurs effets sur la santé. Il fut proposé "d'épargner l'opinion publique des résultats des recherches" en ne divulguant pas la totalité des informations sur les conséquences sanitaires.

Un accord fut signé le 28 mai 1959 entre l'AIEA et l'OMS dans lequel les deux parties reconnaissaient : “qu'il appartient à  "l'AIEA  d'encourager, d'aider et de coordonner dans le monde entier les recherches ainsi que le développement et l'utilisation pratique  de l'énergie atomique  à des fins pacifiques... , sans que cela ne porte préjudice aux droits de l'OMS  de se consacrer à la promotion, au développement et à l'assistance  ainsi qu'à la coordination  du travail réalisé à l'échelle  internationale en matière de santé, et à la recherche sous tous ses aspects ."

 

(Article 1)

L'AIEA se considère, depuis, être seul responsable pour la distribution des informations en ce qui concerne l'effet des radiations sur la santé publique, tandis que l'OMS peut apporter sa contribution en matière de soins médicaux et d'assistance sanitaire publique.

Le travail  de l'OMS se voit de plus circonscrit par  l'article I (3), qui prévoit que "chaque fois que l'une des  parties se propose d'entreprendre un programme ou une activité dans un domaine qui présente ou peut présenter un intérêt majeur pour l'autre partie, la première consulte la seconde en vue de parvenir à une harmonisation des vues par un  commun accord".

Cet article semble avoir été interprété par l'AIEA  de telle façon à attribuer à ses propres physiciens le pouvoir de décision sur le  travail de recherche lié aux  effets de la radiation sur la santé  publique ainsi que sur la censure de toute information, lorsque celles-ci nuisent  aux objectifs promotionnels de l'AIEA.

Les effets de cet accord  se firent particulièrement ressentir  après le désastre de Tchernobyl, lorsque l'AIEA, et non l'OMS,  s’est réservé le rôle principal pour rendre compte des conséquences sanitaires des radiations. L'AIEA en imposant la politique de la Commission Internationale pour la Protection  des Radiations (CIPR), nia que les problèmes catastrophiques de santé des populations exposées étaient liées aux radiations.

Dans une lettre adressée à Kofi Annan, le secrétaire Général des Nations Unies, Rosalie Bertell lui demandait d'intervenir pour que l’accord entre l'AIEA et l'OMS soit revu, et que celui-ci fut inscrit à l'ordre du jour lors de l'assemblée  du conseil d'administration de l'OMS prévue en mai 2000. L'ordre du jour de ce conseil est à établir lors de l'assemblée du comité exécutif prévue en Janvier 2000. Déjà en Février 1999, la Ligue Internationale  des Femmes pour la Paix et la Liberté avait lancé une pétition pour amender les accords passés entre l'AIEA et l'OMS.

 

 

Traduit de l’anglais

 

Publié par WISE News Communique le 19 novembre 1999.

http://www.antenna.nl/wise/521/5111.html

 

Source et contact : Rosalie Bertell, Présidente, Institut International de l'Intérêt pour la Santé Publique.(1984+)

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