LA CROIX

03. 06. 2004


 

 

 

LES SILENCES

DE TCHERNOBYL

L'avenir contaminé

de Guillaume Grandazzi

et Frédérick Lemarchand,

éd. Autrement, coll. Mutations, 240 p.,19 €

 

 Près de vingt ans après la catastrophe, il reste impossible d'écrire la véritable histoire de la tragédie, à l'instar d'un crime dont l'enquête policière bâclée interdit à tout jamais d'établir la vérité. La chape d'incompétence et de cynisme qui s'est abattue au-delà des limites de la zone interdite autour du réacteur n' 4 dès ce sinistre 26 avril 1986 a à jamais rendu l'histoire opaque, avec le laisser-faire de l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Les deux auteurs, sociologues au Laboratoire d'analyse sociologique et anthropologique des ris­ques (Lasar) de l'université de Caen, n'ont pas

 

 

 

renoncé à faire la lumière sur cette catastrophe très singulière qu'ils étudient depuis dix ans et qui, à leurs yeux, loin d'être une, affaire passée, reste largement une problématique en devenir. Ils ont, pour ce faire, largement sillonné les terres contaminées et donné la parole à des témoins de premier plan. Le physicien Vassili Nesterenko, qui dirigeait, à l'époque, l'institut de l'énergie nucléaire de la Biélorussie, prend d'emblée la mesure de la catastrophe qui eut pu être bien pire si une explosion nucléaire s'était produite après l'explosion, thermique. Un risque, qu'il estima alors de 5 à 10%.

Ce qu'il est convenu d'appeler de manière homogène la communauté scientifique et médicale se révèle vite très éclatée entre ceux qui suivent la ligne officielle, dissimulent l'impact sanitaire, social et environnemental de la catastrophe, privilégient un simple problème de «radiophobie» dans la population, et ceux qui choisissent difficilement l'autre voie, au risque d'une répression féroce. Avec ses témoignages et documents inédits, Les silences de Tchernobyl est plus qu'un énième livre sur la catastrophe.

 

MARIE VERDIER