Wladimir Tchertkoff

 

 

"ENFANTS DE TCHERNOBYL BELARUS"

 

Professeur Youri Bandazhevsky

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

15 septembre 2003

La santé de Youri Bandajevsky s'est brusquement aggravée

 


 

 

Galina Bandajevskaya avait une visite de 3 jours en prison, du lundi 8 au jeudi 11 septembre. Elle a dû l'interrompre mardi, pour permettre à son mari d'avoir accès aux médicaments, qu'il a dans sa cellule mais qui sont interdits dans les locaux des rencontres.

 

Depuis 3 mois, Youri Bandajevsky se plaignait de douleurs au cœur, qui sont devenues plus fréquentes et aiguës à partir du lundi 1 septembre. Dans la nuit du lundi 8 au mardi, une sérieuse crise cardiaque leur a fait peur : violentes douleurs avec élancements dans le bras et dans le dos, difficulté de respiration, lèvres bleuies, teint gris. Galina ne l'a jamais vu ainsi. Selon le docteur Fernex ces symptômes indiquent qu'on n'est pas loin de l'infarctus, qui a peut-être déjà eu lieu (léger?) ou peut se produire à tout moment : Bandajevsky doit être hospitalisé sans tarder dans une bonne clinique, examiné (ECG, pression) et soigné par de bons cardiologues.

 

Rentrée chez elle, Galina a écrit à Loukachenko, au chef du service médical du Comité d'exécution des peines et au chef de l'hôpital du Ministère de l'Intérieur.

 

A ces derniers : Je vous prie de faire passer un examen médical complet à mon mari Bandajevsky Youri Ivanovitch. […] Il souffre d'accès de douleurs au cœur avec irradiation dans le bras gauche et sous l'omoplate. Pendant l'accès on note une subite pâleur du visage avec bleuissement des lèvres et du bout du nez. Les douleurs sont tellement fortes que même la prise de nitroglycérine n'apporte qu'un fort bref soulagement. Le 09.09.03 comme il se trouvait mal il a même fallu interrompre la visite de trois jours avec sa famille. En tant que médecin, je considère  qu'il est au bord de l'infarctus, ce qui peut avoir de graves conséquences. La tension extrême de tout l'organisme due à la situation dans laquelle il se trouve, son âge, la présence de nombreuses pathologies chroniques et l'absence d'aide médicale opportune – tout cela peut se terminer par une issue létale.

           

Je vous prie instamment de le faire examiner le plus rapidement possible par des cardiologues et de lui faire suivre une thérapie adéquate. Je remercie à l'avance mes chers collègues.

 

A Loukachenko : Honoré Alexandre Grigoriévitch! Je renouvelle ma demande auprès de vous au sujet du sort de mon mari le professeur en médecine Bandajevsky Y.I., condamné le 18 juin 2001 par le Tribunal militaire de la Cour Suprême à 8 ans de détention et purgeant actuellement  sa peine à la colonie à régime renforcé de la rue Kalvariïskaya, 36.

 

            Le long isolement a eu un effet destructeur sur son état de santé. Lorsque j'ai rendu visite à mon mari le 8 septembre 2003, étant moi-même médecin, j'ai noté une brusque aggravation de son état. […même texte qu'aux médecins…] En tant que médecin, je considère  qu'il est au bord de l'infarctus, ce qui peut avoir de graves conséquences, mes enfants et moi pouvons le perdre.

           

Je vous prie instamment de satisfaire la demande qu'il vous a adressée et d'adopter une attitude humaine vis à vis de ce scientifique, en lui accordant la grâce.

 

 Jusqu'à présent Youri Bandajevsky n'a jamais voulu se faire soigner à l'intérieur de la prison. Il craint ceux qui veulent sa perte, même si l'administration pénitentiaire a montré clairement ces derniers temps qu'elle souhaitait qu'il ne lui arrive rien de mal, pour ne pas devoir en répondre. La pression constante de l'opinion publique étrangère a rendu la gestion de ce détenu problématique pour eux. Quand Galina a appelé, les surveillants sont intervenus rapidement pour le faire rentrer, l'ont aidé à transporter le colis de 30 kilos, ce qu'ils ne font jamais, le directeur est passé pour se rendre compte de la situation. Mais Youri pense, sans doute avec raison, que des forces hostiles à lui existent toujours et ne sont pas forcément contrôlées. Cela rend plus difficile sa situation, si la fragilité de sa santé s'accentue.

 

Aujourd'hui, 15 septembre, Galina a reçu une lettre de lui datée du 11. Il la rassure. Le cœur a "desserré". On m'a mesuré la pression. J'ai beaucoup dormi. Je vais beaucoup mieux.  Ne t'inquiète pas. Pour le reste tout s'est bien passé. Le "reste" c'est la commission interne de la prison qui l'a interrogé jeudi 11, au sujet de sa demande de libération, adressée à Loukachenko avant la visite de Galina. La direction avait fortement insisté pour qu'il réitère sa demande, ce qu'il a fait finalement, avec retard à cause de sa réticence, de l'absurdité humiliante de se soumettre à ce rituel auquel il ne croit pas. Ce retard lui a fait rater la commission, qui ne se réunit qu'une fois par mois. Mais quand il a dit qu'il écrivait, ils se sont précipités dans sa cellule pour prendre la lettre et ont re-convoqué la commission hors délais réglementaires.  Le cœur de Galina a desserré aussi, mais l'infarctus n'est pas une maladie chronique, dit-elle, il peut survenir à l'improviste, à tout moment et les symptômes qu'elle a vus son inquiétants.

 

Dans sa lettre à Loukachenko Youri Bandajevsky s'est référé à la précédente d'octobre 2001, dans laquelle il ne demandait pas d'être pardonné, mais d'être libéré pour être utile à son pays.  Aujourd'hui, je m'adresse à vous de nouveau avec la même prière. Il parle de l'isolement prolongé, qui a ruiné sa santé, ce qui lui rend impossible de continuer son travail scientifique de manière productive. Il se reconnaît responsable des erreurs commises dans le choix des cadres de l'institut de médecine de Gomel, créé sous sa direction et demande à Loukachenko d'avoir de l'indulgence et de prendre une décision humaine à son égard.

 

Nous ne savons rien de plus pour le moment sur ce qui se trame autour de lui, ni sur l'état réel de sa santé à l'instant où j'écris. Quatre jours sont passés depuis sa dernière lettre.  Youri Bandajevsky est toujours prisonnier, derrière les barreaux, sous la responsabilité du régime de Loukachenko. Je vous tiendrai au courant au fur et à mesure que les nouvelles arriveront.