LETTRE DE PRISON
AU PRESIDENT LOUKATCHENKO
I.I.
BANDAZHEVSKY
Au
Président de la République de Belarus
A.G.
LOUKACHENKO
En
1990, sur ordonnance du Ministère de la santé de la RSSB, j'ai été nommé
recteur de l'institut d'études supérieures, qui n'existait pas encore
(l'ordonnance de titularisation est du 25 octobre 1990, celle de l'ouverture
de l'institut du 1 novembre 1990). Durant toute la période écoulée, en
considérant les changements politiques et économiques qu'a connues le pays,
l'institut se développait et même assez rapidement.
Cela
a permis non seulement de procéder à l'admission des étudiants dès le
1991, mais aussi d'accueillir des étudiants d'autres instituts aux cours des
années supérieures.
Au
total en 1999 l'institut a licencié 1038 médecins, ce qui a permis d'améliorer
sensiblement la question des cadres médicaux dans la région de Gomel. Cela a
requis d'énormes efforts, y compris de ma part. Les cadres enseignants
n'existaient pas. Un petit nombre, et pas des meilleurs, sont venus d'autres
instituts, ont pris ce qu'ils avaient à prendre et sont partis. Peu sont restés.
Dans ces conditions, en ma qualité de recteur, j'ai été obligé d'effectuer
tout seul la préparation des cadres scientifico-pédagogiques, car pendant
une longue période j'étais le seul professeur présent à l'institut.
Par
rétorsion, au printemps de cette année, le Ministère de la Santé a effectué
une série de contrôles à l'institut de médecine de Gomel, qui n'ont révélé
rien de mauvais. Au cours de mon activité j'ai dû me séparer d'un certain
nombre de personnes malhonnêtes, entre autres de l'ex-vice-recteur du département
administratif A.A. Chéviako, qui a juré d'avoir la peau du recteur. Au cours
des dernières années une énorme quantité de lettres anonymes a été
fabriquée contre moi, dont le sens ne correspondait pas à la réalité. A la
fin une lettre a été fabriquée au nom de V.I. Cheiman, où l'on m'accuse de
tous les péchés capitaux, y compris les pots de vin et la trahison de la
Patrie.
Après
cela le soir du 1 juillet 1999 des hommes armés font irruption dans ma maison
(c'étaient des collaborateurs du département de la lutte contre la
criminalité organisée de Gomel, sous le commandement de V.A.Kartzeff ), ils
font une perquisition en mettant tout sens dessus dessous, perquisitionnent
mon bureau de travail, ma maison de campagne, l'appartement de ma mère. Ne
trouvent pas de devises étrangères, de bijoux, d'armes, de drogue.
Cependant,
après consultation avec les autorités supérieures, on me notifie
l'ordonnance d'une arrestation préventive de 30 jours, comme à un criminel
particulièrement dangereux.
On
me fit savoir que le vice-recteur en matières éducatives V.N.Ravkov avait
indiqué au moment de l'arrestation qu'il prenait des pots de vin, dont il me
donnait une partie. On me mit dans une cellule d'isolement d'arrestation
provisoire et aux interrogatoires on me pressa de dire si j'avais pris des
pots de vin de personnes admises à l'institut.
Très
estimé Alexandr Grigorievitch, je Vous déclare de la manière la plus catégorique
que je n'ai pris aucun pot de vin de quiconque. Toute mon activité a été
consacrée au bien le l'institut et de notre Patrie. Sinon pourquoi serais-je
allé et aurais-je emmené ma famille de Grodno vers la zone radioactive,
alors que j'étais déjà docteur ès sciences. Je n'ai rien à voir avec ce
que les organes d'enquête tentent de m'attribuer. On sait que V.N.Ravkov a rétracté
sa déposition initiale à mon sujet.
Très
estimé Alexandr Grigorievitch, je Vous prie instamment de prêter attention
à mon sort - c'est que je peux encore servir corps et âme la science médicale,
être utile aux êtres humains. Je me permets de Vous assurer que je ne suis
jamais intervenu et n'ai jamais rien eu à l'esprit contre le pouvoir
existant, bien au contraire justement j'ai cru et je crois en Vous.
Pourquoi
donc, sans aucun fondement pour cela, sur calomnies, on me saisit et on
m'emprisonne? On me notifie une accusation qui ne correspond pas à la réalité
et n'est pas démontrée. Alors que ma santé (déjà fragile sans cela) a
gravement empiré, mon ulcère du duodénum s'est aggravé, de forts maux de tête
me tourmentent. Comment peut-on qualifier, du point de vue des organes d'enquête,
le fait que d'abord on emprisonne une
personne, et qu'ensuite on cherche les preuves de sa faute. On m'a suggéré
à la direction du département de Gomel de la lutte contre la criminalité
organisée - "admets quelques faits et nous te laisserons tranquille,
sinon nous déterrerons une montagne de preuves". Je me pose
continuellement la question - qui a besoin de me détruire? Les malveillants
parmi les ex et les actuels collaborateurs, ou les personnes auxquelles mon
point de vue sur les problèmes médicaux de Tchernobyl ne plait pas? Alors
que ce problème exige une solution immédiate, autrement la nation est menacée
d'extinction. Car beaucoup peut être encore fait pour l'éviter, si nous
unissons tous les efforts des structures de l'État et de la société civile.
Très
estimé Alexandr Grigorievitch, je Vous prie instamment de prêter attention
à mon destin tragique, du destin de mes proches (on les menace
continuellement) et de m'aider.
Respectueusement
professeur Bandazhevsky I.I.