Wladimir Tchertkoff

 

 

"ENFANTS DE TCHERNOBYL BELARUS"

 

Professeur Youri Bandazhevsky

 

 

 

  

 

 

 

  

 

 

 

 

 

19 avril 2003 

Nouvelles de Youri et Galina

 


 

J'ai parlé hier soir avec Galina.

Hier, elle a été reçue à l'ambassade de France.

Le mercredi 9 avril, les ambassadeurs de France et d'Allemagne ont rendu visite à Youri Bandajevsky en prison, suite à une très forte pression exercée par l'Union Européenne sur les autorités du Bélarus. Un ultimatum aurait été fait à Khvostov, déclarant qu'en cas de refus, l'UE aurait rendu publique cette attitude de fermeture du gouvernement. Cela a eu de l'effet, en raison vraisemblablement de l'assouplissement en cours dans les rapports entre l'Europe et le Bélarus. Lors de précédentes demandes officielles de la part des européens, l'autorisation avait été en un premier temps accordée, puis refusée sous prétexte que cela aurait enlevé à Galina son droit de visite, strictement réglementé par la Loi.

L'entretien des ambassadeurs avec Youri a duré une heure, en présence du directeur de la prison et du directeur du Comité d'exécution des peines. Youri était très heureux et encouragé par cette visite. Il a déjà écrit à sa femme depuis, en lui disant que cela faisait longtemps qu'il n'avait pas mangé avec autant de plaisir et d'appétit, après cette rencontre. L'entretien était évidemment conditionné par la présence des deux directeurs. Les ambassadeurs ont noté que Youri avait une certaine difficulté d'élocution, comme sous l'effet d'un somnifère. Galina confirme qu'il prend beaucoup de calmants. Ils ne lui ont pas trouvé bonne mine : pâle et maigre.

Le directeur du Comité des peines a dit devant eux, que Youri pourra être assigné à domicile, hors de prison, en juin 2004, si une nouvelle amnistie générale ne réduisait, entre-temps, encore d'un an sa peine (dans ce cas ce serait janvier). Galina ne pense pas que l'Europe pourra influer de quelque façon sur ce déroulement. Elle m'a communiqué toutefois une "bonne nouvelle" : le Comité des Droits de l'Homme des nations Unies aurait voté, hier ou avant hier, à l'unanimité, une résolution, selon laquelle les Droits de l'Homme ne sont pas respectés au Bélarus. Voilà de quoi il y a lieu de se "réjouir", pour le moment, au Bélarus.

Galina ne subit aucune pression pour la dissuader d'aller en France. Elle constate autre chose. Il y a mouvements et fibrillations autour de Youri, chaque fois qu'une action politique forte est faite par l'étranger à son sujet. Lors de la mission du Conseil de l'Europe en juin (Behrendt), on l'avait transféré dans la chambre avec deux co-détenus, dont un assassin. Changement suivi de fortes pressions psychologique pendant l'été pour le faire céder. Le récent "ultimatum" à Khvostov peut être mis en relation avec l'histoire des meubles dans l'appartement de Gomel (actuellement habité par sa fille Olga) : quelqu'un a re-ouvert le dossier à la Cour suprême. Autre fait curieux, le juge d'instruction, Térékhovitch a de nouveau attaqué en justice la journaliste Irina Makovetskaya, qui l'avait durement critiqué lors du procès, comme s'il devait se défendre contre une menace. Il ne s'est pas présenté à la première audience du 16 avril, sans donner d'explications. Bref, la judiciaire devient nerveuse, quand le politique agit. Cela peut n'être qu'une dialectique interne entre pouvoirs dans un système autoritaire. Des juges, ou des segments de l'administration, peuvent être utilisés pour des "besognes" (emprisonnement de Bandajevsky), puis jetés à la poubelle. Jamais sûrs de rien, ils ont peur et se défendent. En tout cas, l'assouplissement européen, sans que Youri ait été mis en liberté, ne promet rien de particulièrement nouveau.

Avoir fait un ultimatum pour obtenir une visite formelle d'une heure, est un baume pour Youri, mais n'a rien d'une conquête des états de droit européens. Reste la "bonne nouvelle" de l'ONU : on constate que les Droits de l'Homme ne sont pas respectés au Bélarus. Point. A moins que la politique ne relance fortement là-dessus...

 

Ecrire que Galina subit des pressions pour ne pas se rendre en France, ne correspondrait pas à la vérité. Et dans ce sens, oui, cela pourrait irriter inutilement et donc lui nuire. Elle ne doit pas passer pour une semeuse de mensonges polémiques. La personne qui était venue chez Olga voir les meubles sous menace "d'arrestation" avait un comportement courtois et respectueux, elle-même surprise par cet ordre absolument inhabituel, presque deux ans après la sentence définitive.

         Par contre Galina a été surprise par l'extrême insistance avec laquelle on a voulu la persuader, à l'ambassade de France, de revenir sur  sa décision et de se rende à Clermont Ferrand. On lui a dit qu'elle avait peur. Elle a dû répondre qu'en ce qui la concernait, elle vivait au-delà de la peur depuis longtemps, mais s'agissant de ses enfants (Olga attend un bébé) elle avait le devoir d'avoir peur et de ne pas quitter la famille, dans l'incertitude (1).

         Elle me dit être vraiment désolée de faire faux bond aux amis, dont le soutien et les actions leur permettent, à elle et à Youri, de continuer à respirer.

 

 

(1) (Depuis, leur petite datcha auprès de Gomel a été visitée par effraction, fouillée sans être cambriolée : note de M.D-J)