"ENFANTS DE TCHERNOBYL BELARUS"
Décembre 2001
Grâce présidentielle refusée
Conversations téléphoniques avec Galina Bandazhevskaya
Le Professeur
Bandazhevsky et sa mère ont reçu la réponse de l'Administration du
Président de la République du Bélarus, datée du 20 novembre 2001 :
"Nous vous communiquons que votre demande de grâce pour
Bandazhevsky Y.I. a été examinée et n'a pas été exaucée en raison de la
brièveté du temps de peine purgé, de la gravité et de la dangerosité
sociale du crime qu'il a commis." Signé V.I.Samousev, chef du service de
citoyenneté et de grâce.
Youri reçoit une trentaine de
lettres par jour du monde entier, de personnes inconnues qui lui
manifestent leur solidarité, leur chaleur, leur amitié. Il les remercie de
tout son être. "Elles me font vivre", dit-il et prie qu'elles ne cessent
pas. Il tient bon et se dispose à résister les années qui viennent, coûte
que coûte, conscient qu'abdiquer moralement signifierait la fin.
Galina et sa mère ont passé de
nouveau avec lui trois jours, du 28 au 30 novembre, autorisées à discuter
avec lui des questions de famille : sa fille se marie en janvier avec un
de ses élèves de l'Institut de Gomel. Tout le monde ne s'est donc pas
détourné, même dans le territoire où l'hostilité contre lui et la peur
d'être des siens sont entretenues avec le plus
d'acharnement.
Sa femme signale qu'il
ne bénéficie d'aucune faveur particulière. A la seule exception de la
bibliothèque, où il peut lire et écrire pendant la journée, ses conditions
sont les mêmes des autres détenus. Elle avait demandé une diète adaptée à
son ulcère. Après examen endoscopique, elle a été refusée, parce que
l'ulcère "se cicatrise". Dans la chambrée, sol en béton, où sont entassés
plus de cent détenus sur des couchettes à trois étages, les rats se
disputent leurs victuailles. Le petit appareil de télévision, qu'il était
impossible d'approcher à travers la masse humaine, mais qui était quand
même une lucarne sur le monde, est cassé.
Ce dont Bandazhevsky souffre le
plus dans le goulag c'est du manque d'informations et de ne pas pouvoir
exercer son métier de médecin et de chercheur. C'est ce qui angoisse le
plus cet esprit brillant, assoiffé d'activité intellectuelle, de
recherche, d'échanges créatifs. Sa femme n'est pas sûre qu'au bout de
trois ans de cette existence l'esprit de Youri sera aussi limpide et vif.
En attendant, il a inventé une expérimentation scientifique, en captivant
l'intérêt et la participation des garçons de service de la prison (qui
sont également des détenus). Ceux-ci cultivent des plantes dans des pots,
où des vers de terre se multiplient. Les lombrics, comme les humains,
aiment le thé. Eh bien, Bandazhevsky a proposé d'expérimenter l'éventuelle
toxicité des différentes sortes de
thé (vert, noir…) en introduisant le thé qui reste après infusion
dans la terre de ces pots, pour observer ensuite la vitalité des lombrics.
Les jeunes apprentis scientifiques du goulag ont accueilli l'idée avec
enthousiasme. Voilà comment passe son temps celui que le Professeur
Nesterenko considère digne d'un prix Nobel et dont le Professeur Fernex
dit que les pathologies post-Tchernobyl qu'il a découvertes porteront son
nom. Il aimerait travailler à la clinique de la prison, mais c'est refusé
: il est un détenu comme les autres, "à régime
renforcé".
Il me demande de transmettre
son infinie gratitude et sa promesse de résister à tous ceux qui le
soutiennent.
Les démarches administratives,
de l'Union Européenne et du Parlement Européen en particulier, se
poursuivent en direction du Président Loukachenko et du Président Poutine,
dont l'influence est certaine en Biélorussie.
Il faut continuer à écrire pour
demander la libération de Bandazhevsky. En effet, en politique, ce qui est
refusé un jour, peut être accordé le lendemain. L'actualité change
constamment, et avec elle les intérêts et les rapports de force
respectifs.
Merci aussi de continuer
à écrire au Professeur Bandazhevsky.