LES MYSTERES DE TCHERNOBYL
Série d'articles parus dans le "Belorusskaia Delovaia Gazeta".
1. Arrestation du professeur Youri BANDAZHEVSKY….....08/09/1999
2 . Ceux que le professeur Bandazhevsky dérangeait....24/11/1999
Les mystères de Tchernobyl - 1 08/09/1999
Arrestation du professeur Youri BANDAZHEVSKY,
Tant que le professeur Bandazhevsky, en s'appuyant sur les résultats de ses recherches, se limitait à faire appel aux autorités pour qu'elles prennent soin de la santé des populations victimes de l'accident de Tchernobyl, on le tolérait. Quand il a touché au thème de l'argent, en dénonçant l'utilisation inappropriée des fonds publics pour Tchernobyl, les ennuis ont commencé.
Le choc et les conditions de l'arrestation ont aggravé l'état de santé de Bandazhevsky, qui souffre d'une maladie ischémique du coeur et d'un ulcère avec hémorragie. Hospitalisé le 20 août dernier à l'hôpital du Ministère de l'intérieur, craignant pour sa sécurité il a renoncé aux soins et préféré la prison: dans la salle de l'hôpital il s'était trouvé entouré de criminels de droit commun authentiques. Le professeur Bandazhevsky a été destitué de son poste de recteur de l'institut de médecine d'état de Gomel.
Le 12 juillet dernier, le lieutenant colonel du service médical Vladimir Ravkov,
vice-recteur de l'institut (titulaire de la chaire de médecine militaire -?-),
était arrêté dans le garage de l'institut, emmené de force par des
fonctionnaires de la Direction du Comité contre la Criminalité Organisée (DCCO),
mis en prison et interrogé pendant des heures. Il se souvient d'avoir bu une
fois de l'eau dans le bureau du juge d'instruction, après quoi il n'était plus
capable de formuler des pensées claires, tout se passait comme dans un
brouillard. Sa femme affirme qu'il a été drogué, car dans son état normal il
n'aurait jamais calomnié Bandazhevsky.
Le professeur Bandazhevsky était arrêté 24 heures après, le 13 juillet, tard
dans la soirée. Il est à noter que ce jour là était réunie la commission
ministérielle de contrôle sur le déroulement des examens d'admission et que le
professeur Bandatzevsky en sa qualité de recteur de l'institut de médecine de
Gomel avait prié les contrôleurs de défendre l'école supérieure contre de
"mauvaises insinuations". L'appel fut entendu: quelques heures plus tard,
l'appartement du recteur était perquisitionné et deux appareils de télévision,
un vidéo-enregistreur, un ordinateur, un trousseau de clés et quatre agendas
étaient emportés pour vérifier qu'il ne s'agissait pas de pots-de-vin. Les
fonctionnaires perquisitionnèrent également le bureau de travail de Bandazhevsky
à l'institut, le garage et l'appartement de sa mère à Grodno, mais ne trouvèrent
aucun "matériel compromettant". Néanmoins Bandazhevsky fut emprisonné.
Le parquet régional intenta un procès sur la base de l'art. 169 §3, ce qui
comporte que les deux dirigeants se seraient mis au préalable d'accord pour
favoriser l'admission de certaines étudiants contre de fortes sommes de
pot-de-vin. L'imputation officielle fut d'abord notifiée à Ravkov. Le recteur,
lui, fut mis en détention préventive de 30 jours et les soupçons à son égard
furent basés, dit-on, sur les déclarations de Ravkov. A la fin de juillet Ravkov
envoya une déclaration au procureur régional, dans la quelle il rétractait sa
déposition précédente. Néanmoins le 4 août l'imputation fut notifiée au
professeur Bandazhevsky et le Parquet de la République de Biélorussie assuma
l'instruction du dossier. La"découverte" principale jusqu'à ce jour sont les
copies d'examen des candidats de l'année précédente, où l'on aurait constaté des
altérations et des corrections.
Visiblement, l'absence de preuves directes ne faisait pas partie des plans des enquêteurs, ce qui compliqua leur travail. Ceci est probablement l'explication des faits bizarres qui commencèrent à se produire. Durant plusieurs jours l'avocat ne réussit pas à trouver Bandazhevsky, ni en prison, ni au parquet. Il s'avéra par la suite que le recteur fut transporté d'urgence à Moguilev pour "plus ample informé". Au bout de quelques jours on apprit que Bandazhevsky était hospitalisé à l'hôpital régional de Moguilev: de sérieuses maladies précédentes avaient empiré - ischémie du coeur et ulcère avec hémorragie. Autour du 20 août on transféra le professeur dans l'hôpital du Ministère de l'intérieur à Minsk. Quelques jours plus tard il renonça aux soins et préféra retourner dans la cellule de la prison, craignant pour sa sécurité: dans la salle d'hôpital où on l'avait mis il s'était trouvé seul entouré de criminels de droit commun authentiques. S'il est vrai que les deux accusés sont d'aussi invétérés concussionnaires, on se demande pourquoi les fonctionnaires de la Direction du Comité contre la Criminalité Organisée n'ont-ils pas attendu le début des examens d'admission - quelques jours seulement - pour les prendre avec les mains dans le sac? Evidemment quelqu'un était très pressé de monter l'affaire. Qui? A ce sujet il y a plusieurs versions.
Il y a quelque temps Youri Bandazhevsky a envoyé une lettre au président de la
République de Biélorussie, Loukachenko. Il y expose en détail l'histoire de la
création de l'institut de médecine à Gomel, et la substance des recherches
scientifiques de l'école supérieure pour la défense contre la radioactivité des
populations victimes de l'incident de Tchernobyl. Dans cette lettre le recteur
de l'institut fait état des tentatives de fermeture de l'école supérieure et de
ses mauvais rapports avec le Ministère de la Santé. Bandazhevsky explique le
durcissement des rapports par sa dénonciation de "l'utilisation inappropriée des
ressources affectées à Tchernobyl par l'Institut de médecine des radiations du
Ministère de la Santé de Biélorussie" (Institut de Recherche Scientifique et
Clinique des Radiations et d'Endocrinologie - IRSCRE). En effet, au début de
l'année, Bandazhevsky, en sa qualité de membre d'une commission spéciale, avait
analysé l'efficience des résultats des recherches effectuées par l'IRSCRE en
1998 sur trois thèmes, pour un financement global de plus de 17 milliards de
Roubles biélorusses. Dans le rapport du professeur il est dit que seulement
quelques travaux, dont le coût s'élève à 1,1 milliard de RB "peuvent être utiles
du point de vue scientifique et pratique", alors que le reste des 16 milliards
de RB "sont dépensés pour rien". Plus loin le professeur écrivait que son idée
de déplacer l'IRSCRE plus près des problèmes - à Gomel - ne plaisait pas à de
nombreux dirigeants du Ministère de la Santé. Tant que le professeur
Bandazhevsky, en s'appuyant sur les résultats de ses recherches, se limitait à
faire appel aux autorités pour qu'elles prennent soin de la santé des
populations victimes de l'accident de Tchernobyl, on le tolérait. Mais quand il
a touché au thème de l'argent, en dénonçant l'utilisation inappropriée des fonds
publics pour Tchernobyl, les ennuis ont commencé. Dans ce sens l'accusation
portée contre Bandazhevsky est interprétée par nombre de personnes comme une
contre-manoeuvre.
Ces temps derniers de nombreuses instances ont commencé à recevoir des lettres
avec d'horribles histoires sur les abus du professeur Bandazhevsky. Le recteur
de l'institut de médecine le savait. Dans sa lettre au président il signale:
"Ces dernières années une énorme quantité de lettres anonymes ont été fabriquées
contre moi, dont les contenu ne correspondent pas à la réalité". Puisq'il n'est
pas d'usage de répondre aux lettres anonymes, Bandazhevsky décida de commenter
une missive dont l'auteur s'était nommé. Dans cette lettre, adressée au
secrétaire d'état Victor Cheiman, une personne assez connue en Biélorussie
accusait Bandazhevsky de "concussion et de trahison de la Patrie". Dans sa
lettre au président Bandazhevsky avait d'abord cité le nom de l'auteur de cet
écrit, puis le ratura, ayant appris que la personne, dont la signature figurait
dans la missive "indignée", avait déclaré officiellement n'avoir aucun rapport
avec cette lettre. Un cas analogue est arrivé à Natalia Ravkova (elle n'est pas
seulement la femme du vice-recteur, mais aussi élève de Bandazhevsky et employée
de l'école supérieure).Il y a peu de temps une notification de l'administration
du président Loukachenko arriva à son nom à l'institut, où il était dit que "sa
lettre au sujet de Bandazhevsky était parvenue au destinataire". Au début
Ravkova pensa qu'il s'agissait d'une erreur. Mais peu de temps après il apparut
qu'effectivement une lettre était arrivée dans l'administration du président de
la part de "la femme de Rovkov" (avec l'erreur dans le nom), contenant des
dénonciations contre Bandazhevsky...
Le juge d'instruction trouvera certainement, s'il le voudra, les vrais auteurs
des dénonciations. Et sans aucun doute voudra-t-il découvrir pourquoi ils
clament la vérité à cor et à cri exclusivement en se couvrant de faux noms...
D'après ce qu'on sait le Parquet a l'intention de construire l'accusation sur la
base des copies d'examen, qui contiennent des altérations. Evidemment il ne
s'agit pas de preuves directes. Aussi un appel a-t-il été lancé à travers la
région de Gomel: que ceux qui ont versé des pots-de-vin pour l'admission de
leurs enfants à l'institut, se présentent et se repentent. (L'avertissement est
transparent: votre fils a été admis l'année dernière de façon abusive. Nous
avons contrôlé sa copie. Si vous reconnaissez avoir versé de l'argent pour son
admission il ne sera pas éloigné de l'institut. - W.T.)
Il est clair que "l'ajustement" des notes sur les copies ne signifie pas encore
que le coupable est le recteur. D'autant plus qu'une commission ministérielle de
contrôle sur le déroulement des examens d'admission a travaillé l'année dernière
dans son institut. Dans les conclusions de la commission il est dit: "Les
commissions d'examen des disciplines sont formées d'enseignants parmi les plus
qualifiés des écoles supérieures et secondaires de Gomel, en outre leur
composition a été rénovée de 30-40%... Les copies avec les appréciations
"insuffisant" et "excellent" étaient obligatoirement vérifiées par le président
de la commission de matière"... Le recteur n'est mentionné que pour dire qu'il a
été nommé président de la commission d'admission. Les contrôleurs n'ont donc
formulé aucune observation, ni relevé d'infractions ayant trait à des
falsifications d'office. Et pourtant le parquet est confronté aujourd'hui à des
travaux de candidats de l'année dernière consciencieusement altérés. Et, comme
le signale la DCCO, une quarantaine de familles de Gomel ont déjà avoué avoir
"arrosé" l'admission de leurs enfants dans l'institut de médecine l'année
dernière.
Il nous semble que le parquet devrait travailler autour de cette question:
comment se fait-il qu'il n'ait pas été possible d'obtenir des examens
d'admission honnêtes alors que des contrôleurs ont travaillé à l'école
supérieure et que des examinateurs ont été invités "du dehors"? Il est très
simple de dire que le recteur a pris des pots-de-vin (fait d'ailleurs non
confirmé). Il est plus compliqué de s'y retrouver dans chaque cas concret de
note d'examen "retouchée"...
P.S. Cette année, alors que les examens d'admission se sont déroulés en l'absence des "concussionnaires" Ravkov et Bandazhevsky, la commission ministérielle a relevé des inexactitudes dans le calcul des notes desexamens écrits de divers candidats. La question a été réglée au niveau de la commission d'appel.
(traduction partielle par Wladimir Tchertkoff de l'article de Irina MAKOVETZKAIA)
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Biélorusskaia Delovaia Gazeta
24.11.99 Les mystères de Tchernobyl - 2
Ceux que le professeur Bandazhevsky dérangeait
"Je me pose continuellement la question - qui a besoin de me détruire? Les malveillants parmi mes ex et mes actuels collaborateurs, ou les personnes auxquelles mon point de vue sur les problèmes médicaux de Tchernobyl ne plaît pas? Alors que ce problème exige une solution immédiate, autrement la nation est menacée d'extinction...".( lettre de I..Bandazhevsky à A.G. Loukachenko)
Par cet article le journal "Bélorusskaia Délovaia Gazeta"
commence la publication d'un cycle sur les motifs réels de l'arrestation du
recteur de l'Institut de médecine de Gomel, Iury Bandazhevsky.
Durant les derniers mois ce nom ne quitte pas les pages des
revues les plus importantes du monde. C'est sans doute la première fois que
quelqu'un dans notre république, à part le président, a attiré une telle
attention de l'opinion publique occidentale: un savant renommé, un professeur,
le recteur de l'Institut de médecine de Gomel, Iury Bandazhevsky est emprisonné
par la police de Belarus et se trouve depuis cinq mois déjà sous le coup d'une
enquête.
Le motif officiel de l'arrestation du professeur fut, comme on le sait, l'accusation d'avoir empoché des pots de vin durant les examens d'admission. Quelques semaines plus tard le témoin principal de cette affaire, dont la dénonciation avaient servi de motif pour l'emprisonnement de Bandazhevsky, rétracta ses déclarations. Malgré cela ce scientifique mondialement connu reste toujours derrière les barreaux. A l'occasion d'une visite il pria son épouse de transmettre à ceux qui lui font toujours confiance: "Si vous entendez dire que j'ai commencé à admettre quoi que ce soit de l'accusation qui m'a été notifiée, ça voudra dire que je ne suis plus en vie".
Les collaborateurs de l'Institut qu'il avait fondé n'ont pas craint d'intervenir
en sa faveur. Des collègues du monde entier sont intervenus ainsi que les
associations de soutien aux enfants de Tchernobyl de plusieurs pays. La veuve de
l'ancien président français, madame Danielle Mitterrand a adressé une lettre
ouverte réclamant la libération de Bandazhevsky. Iury Bandazhevsky a été inclus
dans la liste des victimes du totalitarisme en Belarus, établie par le centre de
défense du droit "Printemps-96"...
Dans sa lettre de prison à Loukachenko le professeur demande au président:
"Pourquoi donc, sans aucun fondement, me saisit-on sur la base de calomnies et
me met-on en prison?". Nous espérons que notre enquête, qui commence avec ce
numéro, fournira la réponse à cette question comme à beaucoup d'autres.
Le sort du professeur Bandazhevsky est la partie visible des processus de
dimensions globales auxquels notre pays s'est trouvé mêlé après le terrible
avril 1986. Car derrière les barreaux se trouve l'une des rares personnalités
qui pendant 10 ans a étudié et noté sans relâche, minutieusement, au coeur du
sinistre, les phénomènes pathologiques liés à Tchernobyl. Celui qui, sans
conteste, possède le plus de données médicales nécessaires pour faire connaître
à la communauté internationale les dimensions réelles de la tragédie nationale.
Celui qui a le droit de dire et a effectivement dit que plus de la moitié de ce
qui a été fait depuis 1986 n'a pas été fait correctement, que l'argent a été
gaspillé pour rien ou volé comme en témoigne l'aggravation de la santé des
populations. Enfin, celui qui, après avoir fait connaître les résultats complets
de ses recherches, aura averti le monde que la nation se meurt. Cela
n'intéresse-t-il personne del'actuelledirection... OU
AU CONTRAIRE, JUSTEMENT, CELA LES INTERESSE-T-IL BEAUCOUP ?
L'arrestation du professeur Bandazhevsky soulève de nouvelles interrogations :
pourquoi était-il nécessaire de le faire taire? Qui est coupable et qui a
intérêt à cacher les véritables données sur les conséquences de Tchernobyl ?
quelles sont les intrigues qui se nouent aujourd'hui sur les rejets de
Tchernobyl? Qui est le véritable vainqueur dans cette Première guerre
tchernobylienne et comment éviter pour toujours la Seconde, qui pour notre
nation sera la dernière? Que se passera-t-il pendant l'année des élections
présidentielles ? Quand finira la période de la semi-désintégration du
plutonium-241? et que signifie le mot si beau et en réalité si terrible,
d'américium? Donc, le prologue...
Le professeur Bandazhevsky
Iury Bandazhevsky, transféré il y a peu de temps de l'hôpital du
Comité d'exécution des peines dans une cellule d'isolement, est le plus jeune
docteur ès sciences et médecin dans l'histoire de la science médicale de l'URSS.
Il l'est devenU professeur en 1989. A l'âge de 33 ans on confie au Professeur
Bandazhevsky la direction de l'Institut de médecine de Gomel créé en 1990.
La tâche que le jeune professeur doit affronter est la formation des cadres pour les régions polluées par les radiations et en même temps la réalisation de travaux scientifiques au coeur de la zone sinistrée de Tchernobyl. Avec sa famille Bandazhevsky quitte l'heureuse ville de Grodno et vient s'installer à Gomel... C'est bien sûr du lyrisme déplacé dans ce récit, mais 33 ans c'est l'âge du Christ, et de la solution des problèmes, sur lesquels commence à travailler le professeur de 33 ans, dépend effectivement l'avenir de l'humanité.
L'Institut a accompli sa tâche : il a formé les médecins dont la région sinistrée avait grand besoin. Mais le plus important est que sous la direction de Bandazhevsky l'Institut d'études supérieures de Gomel es devenu un centre de recherche reconnu mondialement spécialisé dans le domaine de l'effet des radionucléides sur les fonctions des organes. Les connaissances nouvelles accumulées par les médecins biélorusses aident beaucoup aujourd'hui leurs collègues d'Ukraine et de Russie. Bandazhevsky lui-même est devenu célèbre dans le monde sur le terrain de la radioprotection.
L'effet des glaçons fondus
La dépendance de l'état de santé des gens de la quantité de radionucléides
incorporés dans l'organisme, avant tout du césium-137, constitue la base des
recherches scientifiques du professeur Bandazhevsky. Par des expérimentations
sur les animaux, des résultats des observations cliniques tant chez des enfants
que chez des adultes, et des données des autopsies, les médecins de Gomel
concluent: le césium-137, dont la période (demi-vie) est d'environ 30 ans,
exerce pendant tout ce temps une action toxique sur l'organisme, en provoquant
de très graves lésions de la structure cellulaire et des tissus contaminés. Cela
entraîne finalement la mort de l'organisme. Pour décrire la destruction des
parties structurelles des reins, du foie, du coeur et des poumons sous l'action
du Cs-137, Bandazhevsky parle de l'"effet des glaçons fondus".
Dans ses nombreux travaux Bandazhevsky montre l'influence du césium radioactif incorporé dans l'organisme sur les systèmes cardio-vasculaire, urinaire, endocrinien, nerveux... Au cours des autopsies de ces dernières années, il constate en fonction de la quantité de césium radioactif accumulé, les lésions du muscle cardiaque. C'est l'une des causes importantes de décès dans la zone de Tchernobyl. Il parle d'un rapport de cause à effet entre le taux d'accumulation des radionucléides et l'évolution d'une série de maladies. En désaccord avec l'approche officielle, par laquelle les autorités invitent les gens à retourner dans la zone de Tchernobyl, il déclare que "même une faible quantité de césium radioactif, en concentration de 30 à 50 Bq/kg du poids du corps, entraîne des dommages sérieux aux organes les plus vulnérables..."
(N. du Tr. : L'enquête journalistique de "BDG" serait impossible sans l'aide du "Journal de Tchernobyl" en réseau (directeur, Iury CHEVTZOV). Le "Journal de Tchernobyl" se trouve à l'adresse Internet: . A travers ce site il est possible d'entrer dans les pages riches d'informations de l'Institut biélorusse de sécurité des radiations BELRAD (directeur V.B. Nesterenko ou directement à l'adresse: ) et dans la page personnelle de Iury Bandazhevsky.)
Bandazhevsky parle de la corrélation entre le césium radioactif accumulé et le taux de la mortalité. À ce titre les résultats de l'analyse des données dans la région de Gomel sont indicatifs: si les décès dans l'ensemble du pays atteignent 12 pour mille habitants, dans les régions polluées ils s'élèvent à 24 pour mille, et dans les plus sinistrées - dans la région de Viétka - jusqu'à 26 pour mill (). Le scientifique souligne que le degré d'évolution des pathologies sous l'influence du césium radioactif dépend de nombreux paramètres. Ainsi, les taux de mortalité parmi les fonctionnaires dirigeants dans la région sont supérieurs à la moyenne nationale...
"Nous sommes très troublés par la quantité des cancers qui apparaissent dans ces populations. C'est une catastrophe", dit Bandazhevsky (). Dans la lettre adressée à Loukachenko il écrit que "si on n'entreprend pas des mesures permettant d'éviter la pénétration des radionucléides dans l'organisme des adultes et des enfants, l'extinction menace la population d'ici quelques générations"
"Achetez les produits biélorusses..."
(affiche publicitaire, n.d..tr.)
Le fait intéressant est que, bien que Bandazhevsky ne soit pas un représentant
du point de vue officiel (il serait plus approprié de dire : "opportuniste") sur
les problèmes médicaux de Tchernobyl, on l'écoute néanmoins. Dans les hautes
sphères on sait depuis toujours ce qui se passe réellement dans la zone de
Tchernobyl, et les données du scientifique de Gomel ne font que confirmer
l'information d'autres sources. "Mon point de vue est connu de tout le monde",
dit le professeur (). Il n'évoque pas les "glaçons fondus" dans sa lettre à
Loukachenko. Il avertit le président du danger qui menace la survie de la
nation.
Mais son opinion est en contradiction manifeste avec la position des
fonctionnaires du Ministère de la Santé. Alors que Bandazhevsky parle de
l'extinction de la nation, la médecine biélorusse officielle n'évoque en rapport
avec l'accident de Tchernobyl, pratiquement que le cancer de la glande
thyroïdienne et la leucémie des enfants. C'est ce dont on a besoin en haut lieu,
car sur la base de ces conclusions la direction politique développe les thèmes
de la réutilisation des terres polluées par les radionucléides, de la diminution
du financement des programmes tchernobyliens, de l'introduction de normes de vie
plus simples, moins sévères, dans la zone contaminée.
Les vues de Bandazhevsky et de l'illustre physicien nucléaire Nesterenko ont peu
de chances d'être reconnues: elles contredisent non seulement les orientations
médicales officielles sur Tchernobyl, mais aussi les programmes politique et
économique de l'état. Les données des recherches de Bandazhevsky et Nesterenko,
selon lesquelles 80% du césium radioactif serait absorbé par l'organisme avec
les produits alimentaires, contredisent en particulier le programme de sécurité
alimentaire de l'état.
Conformément à
ce programme, Belarus, qui a subi plus de 70% des retombées de radionucléides
sur la région, est le seul parmi les états sinistrés par l'accident de la
centrale nucléaire de Tchernobyl à avoir inscrit l'autosuffisance alimentaire
comme premier point de la politique de l'état. En utilisant bien sûr des
produits radioactifs. Où prendre des produits non contaminés, vu la médiocrité
chronique des récoltes?
Tout ce que peut faire pour le moment ce groupe de savants, c'est de prendre des
mesures préventives pour réduire l'introduction des radiations dans l'organisme
par l'ingestion d'aliments contaminés. Ils diffusent des prospectus "aux papas
et mamans" dans la zone. On peut y lire des recommandations pour l'utilisation
des aliments du genre de celles-ci: "Macérer longtemps la viande dans l'eau
salée; on peut ajouter à l'eau un peu de vinaigre. Changer l'eau plusieurs fois.
Le lard ne contient pratiquement pas de radionucléides... Il est préférable de
ne pas faire sauter les pommes de terre, mais de les faire bouillir, en les
épluchant auparavant..." (.). Des sottises? Non, ce n'est pas bête, c'est
effrayant! Car aujourd'hui NOUS NE SOMMES PAS AU PRINTEMPS 1986, MAIS A LA FIN
DE 1999...
Bandazhevsky écrivait au président en qualité de recteur et il est contraint d'écrire aujourd'hui de prison. Il précise que les milliards de roubles, destinés aux programmes de Tchernobyl (et il s'agit de 20-25 % de prélèvements directs et indirects du budget de l'état), y compris l'argent de l'Occident, sont en grande partie gaspillés, ou simplement volés. Le fait qu'ils n'atteignent pas le but est confirmé par ce simple fait: la santé de la population se détériore chaque année davantage. Cette population ne sait pas qu'elle est en train de mourir à petit feu. Les tournants du destin.