Comité Bandajevsky

Association

« Enfants de Tchernobyl Bélarus »

 

 

 

 

Annexe 6

  

« Combat pour la vérité et la justice  ;

mobilisation en faveur du professeur Bandajevsky »

 

de la Commission de Recherche et d’Information

Indépendante sur la Radioactivité

 

 

 

  

Avec le soutien de :

 

-          L’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) France

-          Les Amis de la Terre.

-          La Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité (CRIIRAD)

-          La Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH)

-          Le Groupement de Scientifiques pour l’Information sur l’Energie Nucléaire (GSIEN)

-          Le Réseau Sortir du Nucléaire

 


 

 

 

 

COMBAT POUR LA VÉRITÉ ET LA JUSTICE

Mobilisation en faveur

du professeur Youri BANDAJEVSKY.

 

 

• Un avenir prometteur

 

Né en 1957, diplômé, dès 1980, de l’institut de médecine d’Etat de Grodno, Youri Bandajevsky se spécialise dans l’anatomo-pathologie et devient chercheur au laboratoire central de recherche scientifique. Il obtient son doctorat en 1988. Il est alors le plus jeune médecin et docteur ès sciences dans l’histoire de l’Union soviétique. Il devient professeur en 1989 et, dès 1990, alors qu’il n’a que 33 ans, il prend la direction du nouvel institut de médecine de Gomel. C’est un choix lourd de conséquence car Gomel est situé en pleine zone contaminée. Il décide cependant de s’y installer avec sa femme Galina Bandajevskaya, elle-même médecin pédiatre, et ses enfants. L’institut doit assurer la formation des médecins et conduire des recherches sur l’état de santé des populations. Une mission parfaitement réussie : sous la direction du Pr Bandajevsky, l’Institut devient un centre réputé, spécialisé dans les recherches sur les effets sanitaires de l’incorporation de radionucléides, en particulier le césium 137.

 

• Des travaux qui dérangent

 

En auscultant les enfants de la région de Gomel, Galina Bandajevskaya s’étonne de la fréquence des arythmies cardiaques, des pathologies sévères qui nécessitent des traitements de stabilisation. Des cas considérés auparavant comme exceptionnels deviennent de plus en plus fréquents. Son mari lui conseille d’approfondir ses recherches. Les premières observations sont confirmées et les chercheurs font une découverte de taille en rapprochant le résultat de ces examens cliniques des mesures effectuées par l’institut Belrad sur le taux de contamination des enfants.

 

Les enfants qui présentent les anomalies les plus graves sont aussi ceux qui sont les plus contaminés ! : “ Nous avons pu montrer qu'entre 0 et 5 Becquerels par kilo de poids (plus ou moins, en tenant compte des marges d'erreur de l'instrument) un peu plus de 80% des enfants ne présentent aucune altération de l'électrocardiogramme. Nous pouvons garantir à 85% une évolution plus ou moins normale, une croissance normale. Mais si le césium s'accumule, le pourcentage d'enfants sains diminue proportionnellement suivant ces paramètres... Et si l'on mesure plus de 70 Becquerels par kilo de poids de cet élément radioactif, on peut prévoir seulement 10% de cœurs plus ou moins normaux. "

 

Les nombreux examens réalisés font apparaître une dépendance linéaire entre, d’une part, la quantité de césium incorporée et la durée de l’exposition et, d’autre part, la fréquence et la gravité des altérations. Les recherches s’intensifient et, malgré l’insuffisance des moyens, les preuves des effets délétères du césium 137 s’accumulent. Le professeur Bandajevsky étudie l’état des différents organes de personnes décédées qui vivaient dans les régions contaminées. Les lésions sont particulièrement présentes dans le cœur et les reins où le césium s’accumule.

D’autres études montrent que les effets concernent l’ensemble des métabolismes : systèmes immunitaires, cardio-vasculaire,  endocrinien et reproducteur. Les observations sont confirmées par des expériences conduites sur des animaux nourris avec des aliments contaminés.

Une conclusion s’impose : si le césium est aussi destructeur que le montrent les études, il n’est pas question de favoriser le retour des évacués ou l’accueil des réfugiés dans les zones contaminées. Il faut protéger les personnes en fixant des normes très sévères sur les aliments afin de limiter au maximum les incorporations de radioactivité. Il faut éviter l’utilisation des terres les plus contaminées, enseigner des méthodes de préparation des aliments permettant d’éliminer une partie du césium (faire macérer la viande dans de l’eau salée additionnée de vinaigre, changer l’eau plusieurs fois, éplucher puis faire bouillir les pommes de terre, etc…), etc.

 

Le problème, est que ces conclusions vont à contre-courant des bilans publiés par les experts internationaux et contrecarrent la politique de repeuplement des zones contaminées lancée par l’Etat biélorusse. Dans ces conditions, faut-il prendre le risque de publier les résultats ?

 

• Un choix difficile

 

Au cours d’un entretien filmé par le réalisateur Wladimir Tchertkoff, Galina Bandajevsakaya évoque ce moment très difficile où il a fallu décider de publier ou non les résultats de leurs travaux. Pour Youri Bandajevsky, tout entier à ses recherches, la question ne se pose pas : les enfants se meurent, il faut faire savoir qu’il y a un lien de causalité entre la contamination et les altérations du système cardio-vasculaire. Plus clairvoyante, Galina prévoit les difficultés qui vont s’abattre sur sa famille. Elle voit déjà son mari menotté et elle a peur, pas pour elle, mais
pour sa famille. Elle raconte, les larmes aux yeux, comment la discussion s’est prolongée tout un jour et toute une nuit, une discussion orageuse, presque une dispute : " Je lui ai dit "il faut laisser tomber tout ça". Et lui m'a répondu "alors tu n'es pas un médecin. Et si tu considères que tu n'es pas un médecin, tu peux mettre ton diplôme sur la table, et sortir pour balayer la cour". Et vous savez, cela m'a fait très mal d'entendre cela, car j'ai tellement rêvé de devenir médecin ! Il m'a fallu trois ans avant de m'inscrire à l'institut de médecine. C'était difficile. Et quand il a dit ça, j'ai pensé "non". "Alors il faut faire quelque chose". Et ce travail est devenu ma thèse de doctorat. "

 

Après la décision de publier sa découverte sur les effets du césium radioactif, le professeur Bandajevsky va commettre une deuxième faute impardonnable. Membre d’une commission spéciale chargée de vérifier l’efficacité de l’utilisation des fonds pour Tchernobyl, il entreprend de contrôler l’utilisation des 17 milliards de roubles confiés en 1998 à l’Institut de recherche scientifique et clinique des radiations. La conclusion est sans appel : sur les 17 milliards, seulement 1,1 milliard ont été utilisés pour des études utiles, le reste a été gaspillé. Le problème, c’est que l’Institut mis en cause dépend du ministère de la Santé.

 

Tout à l’urgence de ses recherches et des besoins des enfants malades, le professeur Bandajevsky ne fait pas de concession : tout gaspillage, tout détournement lui paraît criminel et il se soucie peu des retours de bâton.

 

Insensible aux menaces, aux lettres anonymes, aux calomnies, il multiplie les interventions sur les medias, au Parlement et appelle à l’aide : " si on n’entreprend pas des mesures permettant d’éviter la pénétration des radionucléides dans l’organisme des adultes et des enfants, l’extinction menace la population d’ici quelques générations".

 

On ne dit pas impunément la vérité.

 

Ce que Galina craignait arrive : son mari est arrêté et ceux qui l’ont encouragé et félicité pour ses travaux se dérobent. Tout le monde a peur et personne ne veut risquer de se compromettre.

La solitude s’installe, terrible.

 

Le prix à payer

 

• Un dangereux terroriste ?

 Tard dans la soirée du 13 juillet 1999, une quinzaine de policiers fait irruption au domicile de Youri Bandajevsky. La maison est perquisitionnée, tout comme son laboratoire et le domicile de sa mère.  Son ordinateur, ses livres et ses archives sont emportés. Les responsables évoquent une "dangereuse activité criminelle " sans plus d’explication. Le professeur Bandajevsky est aussitôt placé en détention provisoire : elle va durer près de 6 mois ! Pourquoi un tel déploiement de force, une telle brutalité ? Les policiers invoquent le décret présidentiel " sur les mesures d'urgence pour combattre le terrorisme et autres crimes violents spécialement dangereux ". Jeté en prison comme un dangereux criminel, le professeur Bandajevsky devra attendre plus de 3 semaines pour être officiellement inculpé et prendre connaissance des accusations formulées à son encontre par le parquet de la république du Bélarus. C’est une violation des droits fondamentaux accordés à toute personne mise en cause : " quiconque est arrêté doit être informé au moment de son arrestation des raisons de son arrestation et doit être rapidement informé des charges qui pèsent sur lui ".

 C’est ce que stipule la Convention Internationale sur les droits civils et politiques, une convention que la république du Bélarus a signé et qu’elle est donc tenue d’appliquer. Autre violation des conventions internationales sur les droits de l’Homme : le droit des détenus à avoir immédiatement un avocat. Youri Bandajevsky est isolé délibérément. Pour son avocat, le rencontrer et le retrouver après chaque transfert d’une prison à l’autre s’avère un véritable parcours d’obstacle . Lorsque le professeur Bandajevsky apprend enfin le motif de son arrestation, c’est la surprise : en fait d’acte de terrorisme, il est accusé d'avoir reçu des pots de vin de parents qui voulaient faire admettre leurs enfants dans son institut de médecine. Deuxième surprise : la " preuve " de la culpabilité du Pr Bandajevsky reposait sur les déclarations du vice-recteur de son institut, Wladimir Ravkov. Or, lorsque l’inculpation est prononcée, l’accusateur s’est déjà rétracté par écrit, dans une lettre au procureur. Il écrira également, quelques mois plus tard, au président de la République, Alexandre Loukachenko. En effet, arrêté brutalement le 12 juillet, emprisonné et interrogé du 13 au 21 juillet des heures durant, drogué, menacé par ceux qui l’ont interrogé de s’en prendre à sa famille, à sa femme et à sa fille, Wladimir Ravkov n’a pu résister aux pressions. Il explique tout et revient sur les aveux qui lui ont été arrachés. La rétraction du principal accusateur ne change rien pour le parquet. Ni d’ailleurs le fait que les perquisitions soient restées infructueuses et le train de vie de la famille Bandajevsky modeste, le professeur se dévouant tout entier à son travail, de 7 heures du matin jusqu’à la nuit. Qu’importe aussi que la commission ministérielle n’ait trouvé aucune infraction ou falsification dans les notes des examens d’admission de 1998.


• Humiliations et pressions

 

Les conditions de la détention préventive sont particulièrement éprouvantes. Tout est fait pour faire craquer le prisonnier, le faire passer aux aveux. Humilié, menotté, portant des chaînes aux pieds pendant les transferts, le professeur Bandajevsky doit souvent dormir par terre, dans le froid sans couverture. Son état de santé, déjà précaire, (il souffre de problèmes cardiaques et d’ulcères) se dégrade rapidement. Tout est fait pour l’isoler, de son avocat, de sa famille : sa femme Galina ne sera pas autorisée à le voir avant 50 jours. Pour l’avocat, joindre son client devient particulièrement difficile. A  son insu, Youri est en effet transféré en urgence de Gomel à Moguilev, à près de 150 km, à l’hôpital régional. Totalement épuisé, ne parvenant pas à parler, il est cependant menotté au lit... certainement au vu de son niveau de dangerosité ! Lorsque l’avocat parvient enfin à le localiser, il est impossible de le voir car il a été placé en cellule d'isolement. Les conditions de détention aggravent rapidement son état de santé. Vers le 20 août, retrouvé évanoui dans sa cellule, il est transféré à l’hôpital de la prison de haute sécurité de Minsk. L’hospitalisation est terrible : entouré de criminels, craignant pour sa sécurité, il préfère renoncer aux soins et demande à retourner en cellule d’isolement. En dépit de tous ces efforts, le professeur Bandajevsky n’a jamais avoué être coupable de quoi que ce soit, déclarant à sa femme, lors d’une visite à la prison" Si vous entendez dire que j’ai commencé à admettre quoi que ce soit de l’accusation qui m’a été notifiée, cela voudra dire que je ne suis plus en vie. "

 

Le 27 décembre 1999, Youri Bandajevsky est libéré, sous condition de ne pas quitter le pays, dans l’attente de son procès. Lorsqu’il quitte la prison de Minsk : son état de santé s’est aggravé, il a perdu 20 kg et ses amis le trouvent vieilli de 10 ans. Dès qu’il peut sortir de son état de choc et qu’il recouvre quelques forces ... il se remet au travail.

 

La condamnation

 

Plusieurs ONG locales, l’OCDE et Amnesty international ont envoyé des observateurs au  procès. Elles ont relevé de nombreuses violations du droit et s’accordent sur le fait que le professeur Bandajevsky n’a pas eu un procès équitable. Il a été condamné alors qu’aucune preuve n’a permis de corroborer les accusations et que le principal accusateur s’est rétracté et excusé en plein procès, déclarant au professeur Bandajevsky :  "je suis désolé, j’ai été obligé de vous calomnier " .

 

La sentence est tombée le 18 juin 2001 : 8 années de prison à régime sévère, confiscation de tous les biens et interdiction de tout poste à responsabilité pendant une durée de 5 ans après la sortie de prison. De toute évidence, le procès était joué avant même qu’il ne commence : Bandajevsky devait être coupable, ses travaux devaient s’arrêter. Convaincu qu’il est en prison pour avoir exprimé ses convictions, Amnesty international diffuse depuis lors une pétition demandant sa libération. Jugé par une chambre militaire, et non par un tribunal de droit commun, le professeur Bandajevsky se trouve en outre privé des possibilités d’appel normalement accordées à tout accusé.

 

Fin des recherches !

 

Mais il ne suffisait pas d’incarcérer le professeur Bandajevsky, encore fallait-il s’assurer que ses recherches n’allaient pas se poursuivre à l’institut de Gomel. Un nouveau recteur a donc été nommé et sa première préoccupation fut de modifier l’orientation scientifique de l’institut de médecine : les travaux qui ont fait la réputation de l’institut n’étaient finalement pas satisfaisants, il faut "une approche plus globale ", une thématique moins ciblée sur le césium et ses effets sur la santé. S’il n’y avait qu’un problème de pot de vin, pourquoi réorienter les travaux ? Galina Bandajevskaya qui était titulaire de la chaire de pédiatrie à l’institut de Gomel, a également perdu son poste. D’abord privée d’ordinateur et de papier pour les électrocardiogrammes, elle n’a maintenant plus le droit d’utiliser l’électrocardiographe qui lui permettait de travailler sur la corrélation entre le niveau de contamination des enfants et l’état de leur système cardiaque. Toutes les recherches sont bloquées en plein développement et un climat de peur s’est installé à l’Institut. Personne ne veut partager le sort de l’ancien recteur. Celui-ci est lucide : " Mon arrestation soudaine et mon emprisonnement ont servi de motif pour mettre fin aux travaux scientifiques en question à l’Institut de médecine de Gomel. Cette école scientifique créée dans des conditions extrêmement difficiles a été anéantie. "

 

Mobilisation Bandajevsky 05/02-CD30 Document CRIIRAD 1

Document CRIIRAD - C. Castanier.

 

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