Date : le 20 février 2005г.

 

 

Тhе Нumаn Rights Committee

 c/o Centre of Human Rights

United Nations Office

15 avenue de la Paix

CH - 1211 Geneva 10

 

REFERENCE G/SО 215/51 BELA (13) MS/IP 1100/2002

Au sujet de l’information fournie par l'Etat – membre

 

 


 

 

            1. Bandazhevsky Iury Ivanovich fut appréhendé (arrêté) par les forces de l’ordre le 13 juillet 1999. Par sanction du Procureur général se référant au Décret du Président de la République du Bélarus № 21 du 21 octobre 1997 «Des mesures urgentes de lutte contre le terrorisme et les autres crimes particulièrement violents et dangereux», on appliqua à son égard la détention préventive de 30 jours. Notons que Bandazhevski était soupçonné du délit prévu par l’art.430 du Code pénal ch.2 de la République du Belarus « corruption passive », ce dont témoigne l’acte d’accusation. Ce délit ne peut en aucun cas être considéré comme un acte de terrorisme ou un crime particulièrement violent et dangereux.

           

    La mesure préventive mise en vigueur par ledit Décret (p .1,8) qui consiste à incarcérer le prévenu pendant 30 jours fait partie du système de mesures d’urgence de lutte contre le terrorisme. Selon cet acte normatif la détention préventive à l’égard de personnes sujettes à l’application du Décret est considérée comme une mesure administrative et est appliquée avant le déclanchement d’une action pénale. Cependant pour Bandazhevski la poursuite judiciaire était déjà déclenchée. Toutes les mesures de contrainte de procédure, y compris l’arrestation et la détention, devaient donc être appliquées en stricte conformité avec les normes du Code de procédure pénale du Bélarus dans le respect du droit de recours judiciaire contre les actes des agents publics et des organes de poursuite pénale ainsi que du droit à la défense (accès  de l’avocat au détenu dans les 24 heures suivant l’arrestation).

           

    L’Etat confirme dans sa réponse du 18 août 2004 que le 12 juillet 1999 l’action pénale concernant la corruption passive à l’Institut de médecine de Gomel était déjà déclenchée. Par l’application illégale du Décret N°21 à l’égard de Bandazhevski I.I ., l’organe chargé de l’enquête préventive a sciemment privé le prévenu de son droit de recours auprès du tribunal au sujet de son arrestation, ainsi que de son droit à la défense.  La prison de passage de la ville de Gomel où fut maintenu Bandazhevski du 13 juillet 1999 au 04 août 1999 n’était pas adaptée au séjour des prévenus. La cellule prévue pour une brève arrestation n’était pas équipée de lits, il fallait dormir par terre et les visites de la famille et de l’avocat étaient interdites.

           

    2. Le droit de Bandajesvski à la défense a été violé à maintes reprises durant l’enquête. Ainsi, conformément aux dispositions sur la détention comme mesure préventive, la réalisation de cette mesure a été confiée au chef de la maison d’arrêt de la Direction de l’Intérieur du Comité exécutif de la région de Gomel. Or lorsque l’avocat Baranov A.P. se présenta à la maison d’arrêt susmentionnée le 6 août 1999, il lui fut annoncé que Bandazhevski ne se trouvait pas dans leur établissement. Après réclamation de l’avocat il fut répondu qu’il avait été décidé d’appliquer à l’égard de Bandazhevski Y.I . la détention préventive et qu’il fut transféré à la maison d’arrêt du comité exécutif régional de la région de Moguilev. Lorsque l’avocat Baranov se présenta à ladite maison d’arrêt il lui fut déclaré que Bandazhevski Y.I. ne s’y trouvait pas. La famille ne put retrouver Bandazhevski que le 14 août 1999 dans l’hôpital régional de la région de Moguilev où il fut transféré le 08.08.1999 de la prison de passage   du 99, rue Kroupskaïa de la ville de Moguilev suite à la gravité de son état de santé.

           

    Conformément à l’art.62 de la Constitution de la République du Bélarus chacun a droit à une assistance juridique pour la réalisation de ses droits et libertés, y compris le droit de faire appel à tout moment à l’aide des avocats et à d’autres personnes pour être représenté au tribunal. Conformément à la partie 2 de l’art.41 du Code de procédure du Bélarus « En qualité de défenseur dans une affaire pénale participent des avocats citoyens de la République du Bélarus, soit citoyens d’autres Etats conformément aux accords internationaux de la République du Bélarus » .

             

    En se référant à la Convention internationale des pays de la CEI « De l’assistance juridique dans les affaires pénales, civiles et administratives » (1993), Youri Bandazhevski déposa une requête au tribunal demandant en qualité de défenseur un membre du barreau russe, l’avocat Pogonialo G .P. Cependant le Tribunal militaire auprès de la Cour suprême de la République du Bélarus repoussa cette demande pour des motifs injustifiés n’autorisant pas Pogoniailo à assurer la défense.

           

    Nous tenons à souligner que G.Pogoniailo est un des responsables de l’association pour la défense des droits de l’homme « Comité Helsinki biélorusse » (BHC), enregistré par le ministère de la justice de la République du Bélarus. Conformément aux statuts de l’association, ses membres peuvent représenter et défendre dans les tribunaux les intérêts des personnes demandant une assistance juridique (p.3.1. § 4). C’est pourquoi en se référant à l’art. 62 de la Constitution de la République du Bélarus, Bandazhevski déposa une nouvelle requête demandant que le représentant du Comité Helsinki Pogonialo soit admis pour l’assister juridiquement et remit au tribunal tous les documents nécessaires en bonne et due forme qui furent acceptés par le tribunal. Cependant sans se retirer dans la chambre des délibérations, le tribunal rejeta également cette requête sans motiver son rejet.

           

    Les affirmations contenues dans la communication de l’Etat-participant comme quoi Bandazhevski n’a jamais déposé de requête demandant Pogoniailo en guise de défenseur ne correspondent  pas à la réalité et sont contredites par le procès-verbal de la séance correspondante du tribunal (t.1, p.23).

           

    L’Etat-participant a ainsi violé le droit de l’accusé Y.Bandazhevski de bénéficier de l’assistance juridique qualifiée d’un avocat sans l’ingérence  des autorités.

           

    3. Conformément à l’art.14 du Traité international sur les droits civiles et politiques ratifié par la République du Bélarus, tous sont égaux devant les tribunaux civils et militaires. Chacun a droit lors de l’examen de toute accusation pénale formulée contre lui a un examen équitable et public de l’affaire par un tribunal compétant, indépendant et désintéressé, légalement créé.

           

    Conformément au p.1 de la Disposition temporaire sur les modalités de ratification des listes des assesseurs populaires du 7 juin 1996 N°369-XIII, approuvée par le Décret du Soviet Suprême de la République du Belarus, peuvent être assesseurs populaires les citoyens de la République du Belarus ayant atteint l'âge de 25 ans, et peuvent être assesseurs populaires dans les tribunaux militaires, les citoyens de la République du Belarus servant dans l'armée active. De plus, conformément au p.7 de cette même disposition, lorsqu'ils rendent justice, les assesseurs populaires usent de tous les droits du juge. La loi exige donc que le Tribunal militaire de la cour Suprême de la République du Belarus ne soit composé que de militaires actifs.

           

    Les assesseurs Barabanova V.G. et Vorobeï N.E. qui accomplissaient les fonctions de juges populaires dans l’affaire Bandazhevski étaient des personnes civiles. Attendu cette circonstance et conformément au p.2 § 2 de l'art.391 du Code de procédure pénale, il faut admettre que ladite condamnation contre Bandazhevski a été rendue par un tribunal illégalement constitué.

           

    Le 18 juin 2001 Youri Bandazhevski et Vladimir Ravkov furent condamnés à 8 ans de détention par le Tribunal militaire auprès de la Cour Suprême de la République du Bélarus. Les autres accusés de la même affaire Natalia Fomychenko, Nina Chamychek, Lilia Gontcharova, Tamara Jelezniakova et Elizaveta Jelezniakova ne furent pas condamnés à la détention mais à des peines avec sursis. L’affirmation de l’Etat-défendeur que les complices du délit susmentionnés ont également été condamnés à diverses peines de détention est donc de toute évidence inventée et en contradiction avec le texte du verdict.

           

    4. A partir du 18.06.2001 jusqu’au 01.06.2004 Bandazhevski a purgé sa peine dans la colonie pénitentiaire N°1 à régime renforcé (ville de Minsk). Pendant qu’il se trouvait dans la colonie aucun suivi médical ni  traitement, indiqué après les résultats de l’examen histologique par biopsie de la muqueuse de l’estomac, contre l’ulcère dont il souffrait ne lui a été assuré. Il a été soigné par des médicaments fournis par sa famille sans aucune estimation de leur utilité par des spécialistes. Le résultat de cette « thérapie » est aujourd’hui bien connu : L’examen morphologique effectué en octobre 2004 a montré la présence d’une gastrite atrophique focale chronique avec métaplasie de la muqueuse de l’estomac, un ulcère du duodénum et d’autres maladies.

           

    Les examens indiqués par l’Etat-défendeur qu’on fit passer à Bandazhevski – oesophago-gastro-duodénumoscopie  -   étaient dus à son état et ne faisaient pas partie du suivi prévu lors de la dispensarisation d’un patient souffrant d’une pathologie chronique du système gastro-entérique avec prise de biopsie de la muqueuse pour analyse histologique afin d’effectuer un traitement anti-récidive professionnel et objectif.

           

    Comme l’indique l’Etat-défenseur ont fit effectivement passer une oesophago-gastro-duodénumoscopie à Bandazhevski à trois reprises : au moment de son arrivée en colonie le 10 août 2001 ; lorsqu’il a été placé en hôpital avec de fortes douleurs au ventre par nécessité d’urgence le 1 octobre 2003 (Bandazhevski fut opéré le même jour à cause d’une appendicite phlegmoneuse aiguë) ; avant son transfert à la colonie de relégation N°26 en mars 2004. On voit donc qu’il n’a subi aucun examen prévu par un suivi médical pour cause d’ulcère chronique d’août 2001 à octobre 2003. Pendant tout le temps de sa détention Bandazhevski n’a reçu aucune assistance stomatologique.

           

    5. Pendant l’exécution de sa peine en colonie-relégation N°26 les journalistes et scientifiques ne pouvaient rendre visite à Bandazhevski qu’après autorisation officielle du Département de l’exécution des peines du ministère de l’Intérieur. Nombre de demandes adressées au Département sont restées insatisfaites. En guise de preuve voir le dernier refus à des scientifiques français (copie de la lettre du Département d’exécution des peine de 2004).

           

    Bandazhevski reçut l’autorisation d’un congé d’une semaine du 28 juillet au 4 août 2004, prévu par le code de procédure pénale et il l’utilisa pour régler des questions domestiques à Minsk.

 

    6. L’Etat-défendeur a répondu le 16 décembre 2004 au Comité des Droits de l’Homme de Genève : « "Conformément à l'art.90 du Code pénal biélorusse, à expiration des deux tiers de la peine de détention, c'est à dire dès le 6 janvier 2005, l'administration de la colonie de rééducation est tenue d'examiner dans le délai d'un mois la possibilité d'une requête au tribunal, demandant l'application de la liberté conditionnelle à Youri Bandajevsky. La décision définitive (positive ou négative) de la libération conditionnelle de la peine est prise par le tribunal. "

 

    Le 31 janvier 2005 ayant examiné la question de la libération conditionnelle de Bandazhevski, l’administration de la colonie pénitentiaire N°26 a pris la décision de refuse de soumettre au tribunal la demande de mise en liberté conditionnelle de Bandazhevski motivant son refus par le fait que : « le détenu n’a pas suffisamment fait ses preuves dans les conditions du régime de la colonie de relégation pour que l’on puisse admettre qu’il se soit amendé (au 30 janvier 2005 il n’a de fait purgé que 4 mois en colonie de relégation sans montrer la moindre intention de rembourser le dommage de 35 483 819 roubles qui lui a été imputé) ». Ci-joint la copie de la réponse (lettre du Département de l’exécution des peines du 1 février 2005).

 

La commission a justifié l’absence d’amendement de la part de Bandazhevski par son absence de trois mois de la colonie pendant lesquels il suivait un traitement en hôpital des maladies acquises en détention.

 

Cependant les règles des art.90,92 du Code pénal qui définissent les modalités et les délais de la libération conditionnelle / anticipée n’incluent aucun des motifs indiqués par l’administration de la colonie permettant de refuser la mise en liberté conditionnelle ou anticipée.

 

Il faut donc reconnaître que les autorités biélorusses agissent illégalement et font tout pour retenir Bandazhevski en détention pour le temps complet de la peine qui lui a été adjugée. Ceci prouve une fois de plus que l’affaire de Youri Bandazhevski est une affaire politique.

 

 

Par procuration de Y.Bandazhevski

(La procuration est jointe au recours du requérant)

 

Maître Garri Pogoniailo, avocat