Lettre de Galina Bandajevskaya au Président Loukachenko

 

08. 02. 2005

 


 

 

 

Au Président de la République du Bélarus

Alexandre Loukachenko

Minsk

rue Karl Marx, 38

 

de la part de Bandajevskaya G.S.

22014 Minsk, rue Chougaïéva 3/1, appt.4

 

                                                                       Minsk, le 8 février 2005

 

 

Honoré Alexandre Grigoriévitch !

 

            Voilà 5 ans que je m’adresse à vous personnellement au sujet de l’affaire de mon mari, Youri Ivanovitch Bandajevski, avec l’espoir de trouver en la personne du Président de mon pays un défenseur des droits de l’homme. Cependant votre administration ne m’a jamais fait l’hommage de pouvoir être entendue par vous, honoré Alexandre Grigoriévitch. J’aimerais croire que cette lettre sera lue par vous personnellement.

            A la télévision je vous ai entendu admonester vos subordonnés, leur reprochant d’utiliser trop souvent votre nom comme un drapeau, comme une couverture lorsqu’il faut prendre des décisions. Aussi ai-je décidé de vous informer de la façon dont sont violés les droits de l’homme, garantis par la Constitution du Bélarus et dont, en tant que Président, vous êtes le garant, dans l’affaire de mon mari Y.Bandajevski.

            Youri Ivanovitch Bandajevski a été arrêté par les forces de l’ordre le 13 juillet 1999. Sur mandat du Procureur général on lui a appliqué la mesure de détention préventive de 30 jours prévue par le Décret du Président de la République du Bélarus N°21 du 21 octobre 1997 « Des mesures d’urgence dans la lutte contre le terrorisme et autres crimes violents particulièrement dangereux ». Je voudrais souligner que Bandajevski Y.I. était soupçonné du délit prévu à l’article 430 ch.2 du Code pénal de la République du Bélarus : « Corruption passive », ce dont témoigne l’acte d’accusation. Ce délit n’a rien à voir ni avec le terrorisme ni avec tout autre crime violent et particulièrement dangereux.

            La détention préventive de 30 jours prévue par le Décret N°21 du Président de la République du Bélarus n’a jamais été appliquée, que je sache, dans des affaires de corruption.

            En appliquant illégalement le Décret N°21 à Bandajevski Y.I., l’organe chargé de l’enquête l’a sciemment privé de son droit à la défense. La maison d’arrêt spécialisée de la ville de Gomel où Bandajevski est resté en garde à vue du 13 juillet 1999 au 04 août 1999 n’est pas prévue pour y garder les prévenus. La cellule de garde à vue n’avait pas de lit, il fallait dormir par terre, il n’y avait aucun droit de visite ni pour la famille, ni pour l’avocat.

            Voici le tout dernier exemple des actes arbitraires commis à l’égard de Bandajesvski. Le 16 décembre 2004 l’Etat avait répondu au Comité des Droits de l’Homme à Genève : « Conformément à l’article 90 du Code pénal de la RB, après le 6 janvier 2005 l’administration de l’établissement pénitentiaire est tenue d’examiner la question de la possibilité d’adresser au tribunal une requête demandant l’application à Youri Bandajevski  de la libération conditionnelle. La décision définitive concernant la libération conditionnelle est du ressort du tribunal ».

            La Commission de la colonie-relégation N°26 s’est réunie le 31 janvier 2005 et a examiné la question de la possibilité d’accorder la libération conditionnelle au détenu Bandajevski. « Il a été décidé de refuser la soumission au tribunal de la demande de  libération conditionnelle pour la raison que le détenu n’a pas suffisamment fait ses preuves dans les conditions du régime de la colonie de relégation pour que l’on puisse admettre qu’il se soit amendé (le 30 janvier 2005 il n’a de fait purgé que  4 mois en colonie de relégation,et il  n’a pas la moindre intention de rembourser le dommage de 35 483 819 roubles qui lui a été imputé) »

            Le texte montre bien que la commission justifie en premier lieu son refus de soumettre la requête de libération conditionnelle au tribunal par le fait que le détenu n’a pas purgé entièrement sa peine car au 31 janvier 2005 il n’avait passé que 4 mois en relégation au lieu de 7. Le détenu Y.Bandajevski s’est effectivement trouvé pendant 3 mois en dehors de la colonie avec l’accord et sous le contrôle permanent du directeur de la colonie Koliada V.V. car il a du subir une opération chirurgicale puis un traitement à Minsk où sa famille a son domicile permanent. La Commission en déduit que le détenu n’a pas suffisamment montré qu’il s’était amendé dans les conditions de la colonie-relégation. Ce refus va non seulement à l’encontre des lois de la Constitution et du Code civile de la République du Bélarus mais à l’encontre de l’humanité la plus élémentaire.

            Il est dit à l’article 90 du Code civile de la RB : après que le détenu aura  purgé de fait les deux-tiers de sa peine, la colonie-relégation est en droit de requérir auprès du tribunal l’adoucissement de sa peine. Si l’administration de la colonie-relégation N°26 considérait que Bandajevski n’avait pas purgé de fait le temps de peine prévu, elle n’avait pas à réunir la Commission. Il s’avèrerait donc qu’elle aurait réuni la Commission avant terme sciemment, en violant l’ar.90 du code, dans le seul but de pouvoir justifier son refus.

            Si on se réfère au Code pénal, on voit clairement que cet argument de la Commission est un faux argument car le temps passé par le détenu hors de la colonie pour raison de traitement en hôpital est compté dans son temps de peine.

            La colonie a présenté à la Commission une attestation du détenu Bandajevski qu’on lui a fait lire personnellement. L’attestation dit que Bandajevski avance fermement dans la bonne voie de l’amendement et se distingue par une grande sincérité. Où est donc la vérité ? La direction de la colonie-relégation explique sa façon d’agir par votre réponse à la demande de grâce du condamné Bandajevski. Pourquoi n’est-ce pas le tribunal qui décide en dernier ressort ? Tous doivent être égaux devant la loi. L’article 90 du Code civil de la RB a été appliqué à nombre de détenus, en particulier à Ravkov V.N., condamné dans la même affaire que Bandajevski. Avec Ravkov la loi a été strictement appliquée mais lorsqu’il s’agit de l’affaire Bandajevski, on se couvre toujours du nom du Président.

            Honoré Alexandre Grigoriévitch, je vous prie en tant que garant de la Constitution et Président de notre pays chargé de contrôler l’application des lois,  de décider en toute justice de la libération conditionnelle de mon mari.  Lorsque vous déciderez du sort du professeur Youri Bandajevski, je vous prie de prendre en compte son très mauvais état de santé (deux opérations chirurgicale en 2003 et 2004, ulcère à l’estomac, gastrite atrophique chronique avec métaplasie de la muqueuse de l’estomac).

 

Veuillez croire ....

Galina Bandajevskaya

08.02.2005